Votre émission sur « La Syrie de Bachar El-Assad » !
Lettre ouverte à Mr Laurent Delahousse journaliste à France2
suite à l’émission sur la Syrie de Bachar El-Assad
Monsieur,
Nous sommes rentrés le 10 Novembre dernier, mon épouse et moi, d’Alep ma ville natale. Alep, cette magnifique Métropole du Nord, aujourd’hui dévastée, que les
sanctions, les embargos, les pillages, les incendies et les bombardements enfin, n’ont pas réussi à asphyxier.
Alep vit, Alep revit et revivra. C’est assez dire que votre émission sur la Syrie de Bachar El-Assad, pouvait nous intéresser !
De ces sept longues années terribles, qu’aviez-vous appris et retenu, vous journaliste ? D’autant que dans tous ces conflits orientaux dévastateurs nous avons
été, nous la France , « ses élites » veux-je dire, le fer de lance de l’intrusion, au mépris de toutes les bases de la légalité internationale, bafouant la souveraineté d’un peuple, son
droit à choisir et maintenir son régime politique hors de toute ingérence étrangère.
Rappeler la Charte de l’ONU eut clarifié votre émission. Ne pas la rappeler me direz-vous, a étayé vos foudres journalistiques. Avouez !...de Syrie, des Syriens, il en a été peu question ! Votre réquisitoire (on ne peut le nommer autrement) visait uniquement la personne du Président Bachar. A charge bien entendu.
De cet ami d’enfance qui ne lui voulait que du bien, auquel vous apportiez dans votre commentaire votre éclairage psychopédagogique, on retiendra « la main sur
la bouche et le corps avachi » de cet adolescent, futur maître de la Syrie, et des analyses pertinentes de Monsieur Christian Malard journaliste patenté, transformé en Sherlock Holmes des
Services Secrets, la paranoïa qui l’amène à débusquer les Moukhabarats, parce qu’ils sont justement invisibles ! Elémentaire...
Sur l’historique des événements de 2000 à 2017, je retiens le tri sélectif qui justifie le fil rouge de votre démonstration. Que le Président Bachar ait été, vu sa jeunesse, son inexpérience, adoubé par le Président Chirac puis par le Président Sarkozy, au même titre durant cette
décennie, que Mohamed VI, ou Saïd Hariri, personne n’en doute. Mais vos silences sont plus explicites que vos preuves.
Quid de l’assassinat de Rafic Hariri (feu Premier Ministre Libanais) auquel vous faites allusion, du TSL (Tribunal Spécial des Nations Unies pour le Liban) dont le
mandat a été de poursuivre les responsables et qui a désavoué le rapport Mehlis qui impliquait des Libanais et des Syriens. Pourquoi dans un souci d’objectivité, ne pas souligner cette ingérence
internationale et qui plus est reconnaître que la « Syrie de Bachar » a été lavée de tout soupçon ?
Vous vous en gardez bien. Pourquoi encore laisser croire que la réhabilitation du jeune Bachar sur « la scène internationale » passait par sa romance sur les quais de Seine et les
restaurants de la Capitale. C’est inutilement méprisant Monsieur, d’autant que vous êtes très discret sur la pression, voire le forcing que Hamed ben Jassem Al-Thani l’Emir du Qatar, a exercé sur
notre Président à nous...pour convoquer à Paris, le 14 Juillet 2008, celui qui pouvait tellement faciliter le passage des gazoducs qataris, en vendant son pays la Syrie, aux appétits des ogres de
la péninsule arabique !
Deux ans plus tard les prémices des « Printemps arabes » soufflaient sur la Tunisie, et vous étiez sûrement dans les premiers à saluer ces alizées. Mais
quelle discrétion dans votre émission, sur ceux de Libye et d’Egypte. Les tornades et leur désastre vous effraient-ils ?
En mars 2011 nous étions à Damas lors de la 1ère manifestation de soutien au Président Bachar. France2 et toutes les autres chaînes d’information ont pudiquement
détourné les yeux, des 2 jours et une nuit de protestation populaire, contre l’ingérence étrangère à Deraa. Un, voire deux millions de gens dans la rue pour soutenir leur gouvernement. Même chose
à Alep quelques semaines plus tard, oui Monsieur, nous y étions, pas vous, ni France2, ni « Le Monde », ni personne, ou ceux qui y étaient ont été priés de se taire comme notre
Ambassadeur en Syrie Éric Chevalier. Honte sur l’information en France, ce merveilleux pays de liberté.
C’est le Président syrien selon vous, qui en ouvrant les portes des prisons syriennes, a libéré en hordes sauvages 80.000 aspirants Djihadistes ? Des
Tchéchènes, des Pakistanais, des Afghans, des Ouïghours, des Japonais, des Européens...et des Français.
Mais que faisaient-ils tous à Damas ? Dans les prisons d’Etat. En reprenant mot à mot les communiqués et les comptes rendus du représentant de l’ODSH, cet organisme fumeux financé par les Frères musulmans qui a alimenté toute
l’information, celle de l’agence Reuters comme celle de l’AFP et la vôtre donc, depuis le début du conflit, vous n’éclairez en rien le débat.
Affirmer que « Bachar a tué 300.000 civils et qui plus est, a gazé son peuple », n’est pas digne du journaliste que vous êtes. C’est du matraquage
médiatique.
Relayer à longueur de temps des mensonges, n’en fera jamais des vérités, même si les vérités se déplacent à la vitesse des escargots. L’expérience des petites fioles de Colin Powell Secrétaire d’Etat, agitées sous le nez des diplomates de l’ONU le 5 Février 2003, devrait vous inciter à la
prudence. Prendre pour parole d’Evangile aujourd’hui, l’indignation de Nikki Haley l’Ambassadrice des E.U. à l’ONU, devant des photos d’enfants morts dans une attaque chimique à Khan Cheikhoun en
2017, me laisse rêveur et accablé.
On nous a déjà fait le coup de « la Ghouta » et de « Khan El-Assal » en 2013, mais comme je vous le disais, la vérité avance lentement mais
sûrement. Depuis 4 ans, votre œil aigu de journaliste a dû parcourir les rapports sans ambiguïté du MIT (Massachusetts Institute of Technology) qui confirmaient ceux de
Mme Carla Del Ponte procureur du Tribunal pénal international, que nous ne pouvons ni l’un ni l’autre accuser d’intelligence avec « Le Régime », comme vous appelez sans nuance, le
gouvernement et l’armée nationale syrienne.
Ces deux références internationales en rejoignent une troisième : « the Defence Science and Technology laboratory », l’un des établissements
gouvernementaux les plus sensibles et secrets du Royaume-Uni pour la recherche militaire, situé à Porton Down. Tous les trois, ont curieusement été amenés aux mêmes conclusions : le gouvernement syrien est dégagé de toute responsabilité, dans les attaques au
gaz. Mais la vérité n’est pas encore arrivée dans les sphères parisiennes que vous fréquentez et je vous invite impartialement à la vérifier et à la rétablir.
Pour ce qui est de Khan Cheikhoun, les gesticulations de Monsieur le Président Trump n’y changeront rien. Vous avez sûrement entendu parler de Mr KT. Mc. Farland, vice- conseiller à la Sécurité nationale à Washington, champion
paraît-il de la théorie de « l’homme fou et imprévisible » en politique ? J’avais tenté de la développer dans mes derniers livres (Syrie, une guerre
sans nom ! et Syriapocalypse). J’observe qu’il a pu la mettre en pratique dès le début du mandat de Mr Trump : 59 missiles Tomawaks lancés de la Méditerranée sur l’aéroport syrien
de Shayran, 39 disparus en vol... Et l’aéroport est intact !
La fameuse et fumeuse théorie de l’homme fou en politique, n’a pas atteint par contre, Damas...ni le « Régime ». Pensez-vous un instant que le Président
Bachar qui était en phase de gagner militairement et diplomatiquement la guerre aussi bien en 2013, qu’en 2017, eut commis cette imprudence ?
Non, Mr Delahousse, ce n’est pas sérieux ! Vous feignez d’y croire. Votre raisonnement est léger, et le choix des intervenants que vous avez invités pour le soutenir, soulève le doute. Pas une voix discordante, sur ce monstre
perfide que vous vous plaisez à décrire. Il eut été pourtant intéressant d’inviter quelques responsables ou géopoliticiens crédibles que vous connaissez, j’en suis sûr.
Mr Roland Dumas ancien Ministre des Affaires Etrangères par exemple, qui vous aurait révélé comment il fut appelé à une consultation dès 2009 à Londres, pour
donner son avis sur un projet de plan de déstabilisation de l’Etat Syrien ?
L’interview de Mr Fabius eut été plus percutante si vous lui aviez rappelé qu’entre Mai 2012 et Février 2016, alors Ministre des Affaires Etrangères, il est
suspecté d’avoir donné l’aval des autorités françaises au groupe Lafarge, pour financer l’EI, en achetant leur pétrole et en monnayant des laisser-passer pour des camions et des salariés. Tout
cela dans la Syrie de Bachar El Assad.
Un témoignage accablant du Directeur Général-adjoint de Lafarge, laisse penser que nous financions Daech que nous prétendions combattre, en vue de participer à la
reconstruction de la Syrie que nous écrasions. Machiavélique.
Quel dommage aussi que vous n’ayez pas demandé à Mr Le Drian, pourquoi à Raqqa, sans aucun mandat de l’ONU, la Coalition dirigée par les U.S.A. a facilité
l’exode des terroristes de Daech, avec armes et bagages ? Après 4 mois de combats acharnés, un accord secret des USA et des Britanniques acceptait la mise à l’abri des combattants de la
Capitale autoproclamée du Califat, par mise à disposition d’autobus et de camions qui à la file indienne, en convois, évacuaient la zone dévastée. Pour aller où ? Il eut été intéressant de
nous l’apprendre.
Ce plan à l’insu de notre diplomatie peut-être, a fait l’objet d’une étude détaillée dans un article de la BBC, « Raqqa Dirty
Secret » en Novembre 2017. Vous appréciez le qualificatif.
La Syrie de Bachar s’en inquiétait alors, peut-être même la France de Macron, le soir de votre émission. Une sale histoire sans aucun doute. Nous étions à Alep à ce moment-là et...il se disait que le cadre de l’opération « Détermination absolue » de James Mattis le Secrétaire US à la Défense
qui visait à soi-disant exterminer sur place ces combattants, avait volé en éclats. Pourquoi ? Tout simplement parce que Daech est une excroissance des Services Secrets Américains et que
leur objectif tacite a été rempli, à savoir tuer le plus possible de Syriens et Irakiens et détruire toute l’infrastructure de ces deux pays.
La mission est accomplie vous en conviendrez : et la gratification suit... Il se disait aussi qu’à l’inverse des « Casques blancs » que toute la Presse officielle française aux ordres, a porté
imprudemment aux nues, pour découvrir ensuite leur turpitude et les précipiter dans l’oubli, un jour, un jour prochain, Monsieur, celui que vous avez méthodiquement vilipendé et trainé dans
l’opprobre, redeviendrait fréquentable. La perversion des faits et la manipulation de l’opinion ne résistent pas aux Puissances de l’argent. Vous le savez aussi bien que moi.
Je vous ai vu enfin, suspendu aux lèvres de notre Ministre des Affaires étrangères, dont les éléments de langage un peu éculés semblaient vous satisfaire. Il est
toujours difficile d’admettre pour lui, que d’autres ont réussi ce qu’il s’obstinait à décrire comme impensable donc impossible. D’où l’ironie de Mr Le Drian, je suppose, sur les vainqueurs.
Mais à qui veut-il faire croire que la Coalition internationale a gagné la guerre ?
Vous ne connaissez pas Monsieur, la Syrie, j’en jurerais. Ni même la Syrie dont les historiens disent que « tout homme civilisé devrait
l’avoir, avec la sienne, pour patrie ». Dans le regard bouleversant de mes compatriotes épuisés, je n’ai vu ni rancune, ni haine. Comme le Président Macron le disait hier soir à
l’Elysée devant vous... cette haine, ils nous la laissent.
Au-delà de nos ressentis et de vos analyses, ce peuple syrien dont vous avez si peu parlé est magnifique, son armée héroïque, et son Président fidèle aux alliances
qui ne lui ont pas fait défaut.
Il y a en eux une foi inébranlable ; après tant et tant d’invasions, il leur reste une nouvelle fois à gagner La Paix, comme le dit si bien S.E. Michel Raimbaud, ancien Ambassadeur de France dont je vous recommande les livres. Et si « on leur fiche la paix », ils La feront eux, je n’en doute pas un
instant.
Vous avez annoncé avec d’autres qui ont hanté vos plateaux, et notamment les « Amis autoproclamés de la Syrie » réfugiés prudemment à Saint Germain des
Près, des mantras, mois après mois, semestre après semestre, année après année. Peut-être même avez-vous fini par y croire. Avec la conviction que donne l’ignorance.
Votre dernière estocade politiquement si correcte, à une heure de grande écoute, n’était guère risquée. Le « false flag » se voulait
efficace. Mais la partie est finie, Monsieur Delahousse, et comme le disait Corneille que nous avons quelque peu fréquenté, vous et moi : « A vaincre sans péril, on
triomphe sans gloire » !
Merci de m’avoir suivi, Monsieur, peut-être jusqu’au bout.
PS : l’histoire de la guerre est celle du mensonge et des vilénies. J’ai écouté le cœur brisé « le cri étouffé » qui suivait votre émission. J’ai
entendu cela à Alep où on dénonce haut et fort, les exactions d’une soldatesque dépravée. Rien ni personne ne doit les excuser.
Jean Claude Antakli.
Ecrivain-biologiste. Ex-Correspondant de l’Est-Républicain. 06160 Cap d’Antibes.
Une copie adressée à Mme Delphine Ernotte Présidente de France Télévision.
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