Quelle politique étrangère ... ?

...par Renaud Girard - le 14/09/2016.

Journaliste, reporter de guerre et géopoliticien français 

Ecole normale supérieure (Ulm)

Ecole nationale d'administration (ENA)

Officier de réserve (après une formation à l’École Spéciale Militaire de Saint-Cyr) 

Grand reporter international et reporter de guerre au journal Le Figaro depuis 1984 

A couvert la quasi-totalité des grandes crises politiques et des conflits armés depuis trente ans.

Notamment reconnu pour sa couverture des guerres

     à Chypre, en Asie centrale, en ex-Indochine, au Maghreb et au Sahel, dans les Balkans, au Proche et au Moyen-Orient, Afrique subsaharienne, dans le Caucase et en Libye.

Se rend en Afghanistan pour y couvrir la lutte contre les Soviétiques et y rencontre le commandant Ahmed Chah Massoud (années 1980).

En Somalie au moment de l'intervention militaire des États-Unis (1993).

Au Rwanda dès le début du génocide de 1994.

Coincé en Tchétchénie, traverse à pied dans la neige (avec le photographe Olivier Jobard) la chaîne du Caucase vers la Géorgie afin d'échapper à l'Armée russe (hiver 1999-2000)

Au Venezuela pour y couvrir le référendum sur la modification de la Constitution et passe plusieurs jours au contact d'Hugo Chavez, le chef d’État vénézuélien (2007)

A nouveau en Somalie puis en Égypte au Caire au moment du renversement du Président Mohamed Morsi, évènement qu'il a couvert pour Le Figaro (2013)

Se rend dans la bande de Gaza pour y couvrir le conflit entre Israël et le Hamas (2014)

En Libye, (2011, 2013 et 2015)

En République Démocratique du Congo où il rencontre Moïse Katumbi, alors gouverneur de la province du Katanga (2015)

 

Conférencier et médiateur international

Professeur de stratégie, de géostratégie et de relations internationales à l'Institut d'études politiques de Paris (Sciences Po)

Membre du Comité de rédaction de la Revue des deux Mondes, éditorialiste à Questions Internationales

Auteur de livres sur le Moyen-Orient, le Pakistan et l'Afghanistan et d'essais sur les relations internationales, a également développé sa propre théorie géopolitique

 

Ouvrages

Pourquoi ils se battent ? : Voyage dans les guerres du Moyen-Orient (2005) Prix Montyon de l'Académie française

La guerre ratée d'Israël contre le Hezbollah (2006)

Retour à Peshawar  (2010)

Le Monde en marche (2014)

Que reste-t-il de l'Occident ?, avec Régis Debray (2014)



Au sommet du G20 d’Hangzhou (4-5 septembre 2016), il était frappant de voir à quel point la voix de la France ne portait plus.

C’était d’autant plus vexant que ce sont des présidents français qui ont inventé ce type de sommet (Giscard pour le G7 en 1975 ; Sarkozy pour le G20 en 2008).

On peut comprendre que plus personne dans le monde n’écoute, sur l’économie, les leaders politiques français, tant ils ont échoué, depuis trente-cinq ans, dans la gestion des comptes publics de leur pays. Mais on pouvait espérer que la voix de Paris se fasse davantage entendre sur les sujets diplomatiques classiques.

Il n’en est hélas rien, comme l’a montré l’absence de la France dans le règlement du dossier de la Syrie, dont elle fut pourtant jadis la puissance mandataire. Pour qu’elle soit audible, une politique étrangère française doit être énergique, réaliste, efficace ; viser la défense de nos intérêts à moyen et long terme ; regarder le monde sous l’angle des réalités et des rapports de force et non sous celui de la morale. Elle doit reposer sur cinq grands axes.

 

1. Reconnaissons que le djihadisme sunnite - qui tue, chez nous, nos enfants - est notre ennemi principal et faisons tout pour le vaincre. Fusionnons la coalition occidentale contre Daech avec celle menée par la Russie ; renforçons nos liens avec les services de sécurité des pays musulmans ; asphyxions financièrement les groupes terroristes ; acceptons de travailler avec tous ceux qui combattent notre ennemi commun, qu’il s’agisse des Frères musulmans libyens, des Kurdes cryptocommunistes de Syrie, de l’Iran des mollahs ou du régime autoritaire de Bachar el-Assad.

 

2. Agissons comme médiateur pour réconcilier l’Iran chiite et l’Arabie saoudite sunnite. La division du monde musulman ne sert pas nos intérêts, car la guerre engendre la guerre et donc la possibilité de dégâts collatéraux en Europe. La France jouit d’excellentes relations avec les pétromonarchies sunnites du Golfe et est respectée par l’Iran. Elle doit utiliser sa position privilégiée pour favoriser une détente historique dans le Golfe.

 

3. Ramenons la Russie dans la famille européenne. Culturellement et historiquement, la Russie est un pays européen. Face à la Chine, les Russes doivent être avec nous, pas contre nous. Les sanctions contre la Russie pénalisent nos producteurs sans faire fléchir Moscou. Diplomatiquement, la Russie est un acteur incontournable dans la gestion des affaires du monde. Levons donc les sanctions contre la Russie et proposons un deal à Poutine: garantissons-lui que l’Ukraine ne rejoindra jamais l’Otan, que le russe restera seconde langue officielle dans les régions à l’est du Dniepr ; remettons le statut définitif de la Crimée à un accord russo-ukrainien dans le futur ; et, en échange, exigeons qu’il cesse de soutenir les séparatistes prorusses du Donbass et respecte la souveraineté et l’intégrité de l’Ukraine.

 

4. Après le Brexit, assumons un leadership franco-allemand capable de défendre les intérêts des citoyens de l’Union européenne. Brisons la dictature juridico-financière de l’Amérique. Quand elle inflige une amende de 9 milliards de dollars à la BNP pour avoir commercé avec des pays frappés d’un embargo décrété par elle seule, Bruxelles devrait riposter en infligeant une amende trois fois supérieure à Goldman Sachs, pour avoir maquillé les comptes publics d’un État membre de l’Union. Montrons aux États-Unis que nous sommes leurs alliés, pas leurs vassaux. Renonçons à la tentation puérile de punir nos amis anglais. Conservons avec eux nos liens privilégiés dans la défense. Imposons l’harmonisation fiscale sur tout le territoire de l’Union, et exigeons des Anglais qu’ils renoncent à tout dumping fiscal. Protégeons nos intérêts industriels face au dumping commercial chinois, en mettant en place un protectionnisme européen. L’Union ne peut pas être la seule zone du monde à ouvrir ses marchés aux quatre vents.

 

5. Enfin, retrouvons une grande politique africaine. Le continent noir est soumis à une pression démographique sans précédent. Pour mettre un terme à la tragédie des migrations sauvages, édifions des partenariats de développement avec les États africains. À eux la responsabilité de contrôler leurs frontières et d’instaurer un planning familial ; en échange, la France devra financer leurs projets créateurs d’emplois dans l’agriculture et la transformation des richesses de leur sous-sol ; elle devra les aider à lutter contre la déforestation et la pollution marine, dans la ligne de la COP21, conférence qu’elle présida avec succès.

Mais une telle politique étrangère ne pourra réussir que si notre pays est exemplaire sur le plan intérieur. Il est en effet très difficile de prétendre peser sur l’ordre du monde, si l’on n’est pas d’abord capable de mettre ses propres affaires en ordre.

 

Paru dans Le Figaro, 13 septembre 2016


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