Terrorisme face cachée de la mondialisation : le discours de la méthode
...par Richard Labévière.
Biographie de l'auteur
Richard Labévière est rédacteur en chef du magazine en ligne prochetmoyen-orient.ch et collaborateur du mensuel Afrique-Asie. Ancien rédacteur en chef à Radio France Internationale (RFI) et de la
revue Défense de l IHEDN (Institut des hautes études de défense
nationale), il est consultant en questions de défense et de sécurité. Auteur d une quinzaine d ouvrages dont Les Dollars de la terreur (Grasset, 1999), Oussama Ben Laden ou le meurtre du père
(Favre, 2002), Les Coulisses de la terreur (Grasset, 2003) et Vérités et mythologies du 11 septembre (Éditions Nouveau Monde, 2011). Il est officier de la réserve opérationnelle.
Il est aussi membre de la rédaction du mensuel Afrique Asie.
Présentation de l'éditeur
Le terrorisme tue. Il produit émotions, compassions, malentendus et contresens. Il s est installé au coeur même de nos sociétés comme une fatalité. De la petite délinquance à la grande
criminalité, il est devenu le stade suprême de la mondialisation. À l appui d informations inédites et exclusives, Richard Labévière remonte aux causes du phénomène. Il décrit les impasses
de la « guerre contre la terreur », le cynisme mercantile des pays occidentaux envers les pétromonarchies, la désinformation de médias voyeurs qui basculent dans la propagande et les
fadaises d improbables experts.
Aujourd hui, l Arabie saoudite demeure l un des principaux financiers de l Islam radical, qui tue non seulement dans les pays occidentaux, mais aussi et surtout dans le monde arabo-musulman. Ce
scandale perdure en toute impunité depuis plus de trente ans, parce qu il engraisse marchands de canons et autres prédateurs. Le terrorisme profite aussi d une révolution numérique dont
personne ne maîtrise les effets et qui échappe au contrôle des États.
Il s agit ici de comprendre de quoi est faite la matrice qui engendre la terreur, de transformer l'irrationalité de l'émotion en entendement, de se donner les moyens de savoir. Après plus de
vingt ans de reportages de terrain, d enquêtes et d analyses, Richard Labévière démonte les rouages du terrorisme moderne et avance plusieurs propositions pour en combattre la fatalité.
Source, journal ou site Internet : Proche&Moyen-Orient- Online
Date : 28 novembre 2016
Auteur : Guillaume Berlat
Adressé par Jean-François Mazaleyrat
« Le conformisme intellectuel vaut l’inquisition ». Tel est l’avertissement que nous adresse un diplomate plus connu pour
ses écrits, Jacques de Bourbon Busset.
Pour qui fréquente assidument les librairies, un constat s’impose. Le rayon consacré au terrorisme n’a cessé
de se développer au cours des derniers mois. A côté de quelques rares sachants, les experts auto-proclamés et autres
illusionnistes y figurent en bonne place, la meilleure en tête de gondole. Chacun y va de son explication sur les causes de ce phénomène, celle
que l’autre n’a pas entrevue. Cette surinformation est toute aussi fallacieuse que diserte. A quoi bon, direz-vous,
perdre son temps en lisant un nouvel ouvrage sur le terrorisme ?
Que nous apporte-t- il de plus pour la compréhension de ce phénomène essentiel du début du XXIe siècle ? Trois traits de
caractère de son auteur nous permettent de mieux cerner la portée et la profondeur de l’ouvrage de Richard Labévière puisque c’est de lui dont
il s’agit.
LE COURAGEUX
Préfacé par Alain Chouet (ancien chef du service de renseignement de la DGSE), le livre
que vient de publier Richard Labévière aux éditions Pierre Guillaume de Roux vaut le détour comme dirait le guide
Michelin (1) . A plus d’un titre, il sort des sentiers battus par son originalité, son érudition, sa parfaite maîtrise du sujet, son style incisif, son
approche globale. Au passage, il fait litière du conformisme ambiant, du « grand bal des affects », celui qui
mène le monde, la France pays de Descartes. L’auteur ne fait pas partie de la race des « conosophes », ces intellectuels phraseurs à la manière du
Marquis de Norpois de la Recherche du temps perdu de Marcel Proust. Richard Labévière connait parfois la solitude de celui qui ne cède sur rien, celui qui évite les marécages de la duplicité et du mensonge d’État. C’est tout à son honneur
par ces temps de servitude volontaire ! A la manière de Victor Hugo, il nous convie à une « tempête sous un crâne », tordant au passage le cou aux certitudes de la bien-pensance labellisée faubourg Saint-Germain. Il consacre un chapitre à ce « monde merveilleux
des experts », experts en questions générales, qui comme le souligne Régis Debray, c’est comme les trains, ça peut en
cacher d’autres. Il égratigne au passage la nébuleuse des médias aux ordres qui sacrifie le monde de l’important sur
l’autel du monde de l’urgence. « A vouloir vivre avec son temps, on meurt avec son époque » (Stendhal). C’est peut-être cela le courage de
Richard Labévière, cet amoureux de Spinoza qui enseigne l’importance qui s’attache à « la connaissance de
l’effet (qui) dépend de la connaissance de la cause et de l’enveloppe ».
Comment comprendre ce qui s’est passé, ce qui nous est arrivé et ce qui vient ?
LE PLURIDISCIPLINAIRE
Rien de ce que font les hommes n’est condamné à rester inintelligible, nous rappelle Richard Labévière. Il possède le
double mérite rare de nos jours : être homme de terrain (il va à Alep contrairement à d’autres qui en parlent avec une mâle assurance sans avoir
fait le voyage) qui dit ce qu’il voit (« Dire la vérité telle que nous la voyons », Jean-Jacques Servan-Schreiber) et homme lettré (à tous les sens du terme, il n’est qu’à lire sa bibliographie sélective pour s’en convaincre) qui
écrit ce qu’il pense. Il évolue en permanence du concept au fait, du global au terrain. Chaque théorie retenue est immédiatement confrontée aux faits avec bonheur pour les amateurs de logique. Tout au long de ces 300 pages, l’auteur nous permet
d’embrasser une réalité complexe,
multiforme qu’il nous aide à décrypter avec des mots simples, précis, justes. Pour balayer le sujet du terrorisme dans
toutes ses dimensions, Richard Labévière le décortique, le décline en quinze chapitres et formule « Sept propositions ou chantiers ». Tout est
scruté à la loupe. La partie historique (les cinq premiers chapitres) est indispensable à la compréhension de
la suite contrairement à Laurent Fabius qui persiste et signe sur le sujet : « Contrairement à que certains prétendent, on ne peut à cet égard tirer
aucune leçon de l’histoire » (2) .
A l’occasion, nous prenons pleinement conscience de la façon dont la France a dilapidé son bel héritage au Levant (3) .
L’auteur s’attache à poser le cadre dans lequel se développe le terrorisme en particulier grâce à une pensée dominante guerrière,
y compris au Quai d’Orsay qui devrait être le temple de la paix et de la sécurité. Nous nous sommes régalés
en lisant le chapitre consacré aux errements de notre diplomatie dans lequel il porte un diagnostic sans concession sur une « diplomatie française qui
est dans l’impasse » pour reprendre la formule de Dominique de Villepin (4 ). Le portrait de notre brillantissime ambassadeur de France (dignitaire qui plus est) à Washington, Gérard Araud, cet inventeur de la méthode couac, est
ciselé à merveille. Son fameux tweet après l’élection de Donald Trump (intervenu après la parution de cet ouvrage) vient
confirmer l’analyse de Richard Labévière (5) . Il stigmatise les experts d’opérette qui alimentent les discussions melliflues sur les chaines d’abrutissement en continu. Il consacre un couplet bien senti à nos chers amis Saoudiens. La
conclusion de son raisonnement structuré apparaît dès lors comme une évidence : la mondialisation constitue le terreau du « terrorisme de misère ». Dès lors, « les bombes triomphent rarement des idées » (Didier Castre).
LE VISIONNAIRE
Après le Brexit, l’élection de Donald Trump, l’échec patent sur le dossier syrien…, la débâcle des élites ne fait
désormais plus débat. Un Remake de l’étrange défaite de March Bloch. L’auteur la décrit explicitement et implicitement. Richard Labévière pose la
seule question qui vaille à la manière de Michel Onfray : « Penser, justement, c’est se demander, comment on
en est arrivé là » (6) .On construit un récit imaginaire – qui n’a qu’un lointain rapport avec la réalité – et
dont la fonction essentielle a pour objet d’occuper le vide de connaissance et d’exorciser l’obsession des politiques : réagir vite et faire
quelque chose. On pratique le raccourci, c’est plus confortable. Plutôt que de réviser les orientations
désastreuses de notre politique étrangère, les autorités françaises jouent prioritairement la carte sécuritaire. Avec le succès que l’on sait ! Grâce à
sa connaissance de l’histoire, de la philosophie, de la psychologie, de la sociologie, des relations
internationales, du monde du renseignement…, l’auteur privilégie en permanence une
approche pluridisciplinaire qui permet d’appréhender les causes profondes du terrorisme.
Le résultat est là. Richard Labévière est un récidiviste de la prescience tant ses précédents ouvrages sont marqués au
sceau de l’authentique clairvoyance comme le rappelle Alain Chouet dans sa préface. Il n’est pas un adepte de la clairvoyance rétrospective, travers répandu chez nos dirigeants. Les faits lui donnent malheureusement raison depuis deux décennies. Les Cassandre
dérangent toujours et il n’est pas bon d’avoir raison trop tôt rappelle avec justesse Alain Chouet dans sa préface. Là est bien
le problème de nos sociétés occidentales ! « La rareté fait le prix des choses » (Pétrone).
L’auteur nous incite à nous « concentrer sur l’essentiel » (7) . Il incarne une véritable vision politique globale du
terrorisme : le défi était immense, s’y attaquer était indispensable. Il l’a fait avec courage et talent. Cette publication a vocation pédagogique pour
celui qui veut comprendre et non se contenter de la vulgate officielle. Elle se lit comme un roman dont on
veut rapidement connaître l’épilogue. Jamais Richard Labévière ne « cède à la vanité, cet ennemi du talent » (Kamel Daoud). Un conseil pour tous ceux
qui apprécient autant une bonne plume qu’un excellent raisonnement, précipitez-vous pour faire l’acquisition de cet ouvrage afin de le déguster sans modération. Tel doit être le destin de tout projet éditorial raisonnablement déraisonnable par
rapport au conformisme ambiant !
NOTE DE LA REDACTION
En temps médiatiquement normal, il eut parfaitement inconcevable de publier dans les
colonnes de prochetmoyen-orient.ch, le compte rendu du livre d’un collaborateur de prochetmoyen-orient.ch, à plus forte
raison de son rédacteur en chef. Mais ce temps –notre temps médiatique, politique et culturel – devenu proprement anormal, anomique
et destructeur, voit aujourd’hui en France le retour de la censure sous ses formes les plus insidieuses et
violentes. La récente interdiction d’un débat sur la Syrie au Mémorial de Caen constitue l’une des dernières illustrations de cette évolution morbide…
Dans ces conditions, et parce que le dernier livre du rédacteur en chef de prochetmoyen-orient.ch sera
consciencieusement censuré par la presse parisienne, nous assumons la décision de déroger aux règles déontologiques habituelles qui auraient voulu qu’on
ne parle pas de cet ouvrage dans nos propres colonnes. Conforme à nos choix éditoriaux de ré-information et d’implantations genevoises, libanaises, syriennes et algériennes, cette décision participe modestement aux réponses hebdomadaires que
nous nous efforçons de mettre en ligne depuis un an et demi, réponses à une information parisienne devenue communication, infobésité et propagande.
1 Richard Labévière, Terrorisme face cachée de la mondialisation. Editions Pierre
Guillaume de Roux, novembre 2016.
2 Laurent Fabius, 37 Quai d’Orsay. Diplomatie française 2012-2016, Plon, 2016, p. 83.
3 Thomas Boesflug, La France au Levant. Un bel héritage dilapidé, Marianne, 11-17
novembre 2016, pp. 86 à 89.
4 Dominique de Villepin, « La diplomatie française est dans l’impasse », Le Figaro, 14
novembre 2016, p. 22.
5 Ambassadeur gaffeur, Le Canard enchaîné, 16 novembre 2016, p. 2.
6 Michel Onfray, Qui est Daech ? Comprendre le nouveau terrorisme, sous la direction
d’Éric Fottorino, le 1/Philippe Ray, 2015, p. 34.
7 Hubert Védrine, « Après le coup de gong, que faire ? », Le Figaro, 13 novembre 2016, p. 4.
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