2020, la cassure… prémices de troisième guerre mondiale. (suite) 

la DGSE


Depuis la fin des années 80, avec la chute de l’URSS et la nouvelle donne en Europe,  les conditions d’engagement sur le terrain du Service Action avaient évolué.  Les unités du premier cercle  hors services action servaient d’apport et notamment celles de la BFST (brigade des forces spéciales terre), ainsi que les FS de l’armée de l’Air et de la Marine qui étaient un vivier de recrutement pour le Service Action. Les réservistes du SA avaient été aussi largement engagés.  

Les événements dramatiques de l’année 2019  avaient aussi précipité un certain nombre de décisions sur le recrutement et la formation. La  recherche humaine sur le terrain était devenue une priorité et le complément indispensable des autres  sources de renseignement plus techniques. L’une ne pouvant fonctionner sans les autres et la première orientant souvent les autres. Il devenait de plus en plus nécessaire d’augmenter les effectifs, compte-tenu des menaces multiformes et multidirectionnelles mais le retard pris était difficile, voire impossible à  rattraper.

La désorganisation des services dans les années 80  avait d’ailleurs atteint son apogée en 1985 lors de l’affaire du Rainbow Warrior. Le départ du comte de Marenches  qui  refusa de servir sous un règne socialo-communiste, ne fut pas un élément favorable à la réforme de ce service délaissé. Quelques années auparavant,  en 1980, le SEDCE se voit « souffler » l’exploitation de  l’affaire Farewel par la DST  qui la mène avec une improvisation sans précédent.

Un certain Vladimir Vetrov, lieutenant-colonel du KGB,  fournit durant dix mois plus de trois mille documents d’une importante valeur stratégique pour le monde « libre » à la DST, rivale du SDECE,  sensée intervenir exclusivement sur le territoire national et qui dépasse ainsi ses prérogatives. Le début de l’histoire ne peut être inventé que dans un mauvais roman d’espionnage. Jacques Prévost, un cadre supérieur de chez Thomson-CSF, qui rend  parfois « service» à la DST, notamment à Moscou est ami de Vetrov. En effet, lors de son séjour en France comme conseiller commercial à l’ambassade d’URSS à Paris, Prévost l’a sauvé d’un mauvais pas. Quelques années plus tard, Vetrov en poste à Moscou naturellement le contacte lorsqu’il souhaite trahir, alors qu’aucun des services occidentaux ne le lui a demandé. Pour la DST informée et  qui considère cette affaire au début comme mineure, Jacques Prévost est trop connu des Soviétiques. Prévost demande donc à Xavier Ameil, ingénieur de chez Thomson-CSF en poste à Moscou,  son subalterne, de jouer le rôle d’intermédiaire. Celui-ci accepte à contrecœur mais apparemment n’a pas le choix. Les documents sont remis dans des conditions rocambolesques  par le lieutenant-colonel  Vetrov à Amiel.   Vetrov a une personnalité atypique pour un membre du KGB. Il est par ailleurs  entaché avec sa femme d’une ou deux casseroles et  fut mis au placard à la Direction des renseignements technologiques suite à un court  séjour au Canada et après un séjour de « délices » en France. Il  estime être  négligé par un système qui favorise plutôt la nomenklatura à laquelle il n’appartient pas. Ameil, presque par surprise,  est donc chargé d’assurer la boite aux lettres  entre la DST et Vetrov  qui prend très peu de précautions tout en  dénonçant lui-même l’amateurisme des services français.  Il n’est pas exclu qu’il pense que cet amateurisme, finalement par sa singularité est gage  en quelque sorte de sa sécurité.  Ameil finit par  jeter l’éponge  et  il est   remplacé par  Patrick Ferrant,  attaché militaire à Moscou, en  qui d’ailleurs, Vetrov n'a pas réellement confiance.

Ce  sera l’une des affaires d’espionnage les plus invraisemblables de  la guerre froide, tant dans l’importance des  documents stratégiques livrés par Vetrov que par les conditions totalement rocambolesques de leur livraison et des conséquences induites.     

L’affaire Farewell  donnera à Mitterrand récemment élu, une légitimité surprenante auprès  des américains et des alliées qui fantasmaient une France ayant changé de camp et soumis aux affres du communisme.

Cette histoire finit en farce grotesque. Le 5 avril 1983, peu après la nomination du préfet Yves Bonnet à la tête de la DST,  47 Russes de l’ambassade de France à Paris, principalement du corps diplomatique (dont 8 agents du KGB faisant partie de la liste remise par Vetrov) sont expulsés. Ils font partie des  cent cinquante officiers de renseignement soviétiques du KGB et du GRU dans le monde occidental (Etats-Unis - Grande-Bretagne – Allemagne) qui  sont eux aussi, déclarés personna non grata et contraints de regagner leurs foyers avec leur famille. Le système de renseignement du KGB et dans une moindre mesure du GRU est décapité à l’ouest.

En France, pour justifier ces expulsions, le chef de cabinet du Ministère des Affaires étrangères de Claude Cheysson, François Scheer, convoque l'ambassadeur de l'Union soviétique à Paris et lui montre l'original de la liste des membres du KGB résidant en France, transmise par Vetrov, simplifiant ainsi le travail du service de contre-espionnage soviétique pour trouver qui aurait pu être en possession de ce document. Le rocambolesque ne s’arrête pas là,  Vetrov,  l’apprenant et  craignant d'être démasqué, tente le 22 février 1982 d'assassiner sa maîtresse Ludmilla (croyant qu'elle le trompe, et qui s'en sort), c’est elle qui lui fournissait la clé d’un coffre dans lequel il puisait pour faire des photocopies des documents секреt. Accident? Crime passionnel? Les questions restent posées. Il  tue un milicien qui tentait de s'interposer et qu'il avait pris pour un agent du KGB?. Il se fait arrêter par la milice et envoyer dans un camp de travail pour crime passionnel sans que les autorités se doutent de ses actes d'espionnage. C'est un an plus tard que les enquêteurs du KGB remontent jusqu’à lui et  l'identifient comme l'agent double qu'ils recherchaient. Il aurait été exécuté d'une balle dans la nuque à la prison de Lefortovo à Moscou. C’est ainsi que sur un malentendu, la France a largement contribué à l’affaiblissement de l’URSS. Ce sont les américains qui le disent. Mais cette affaire a  aussi révélé les faiblesses du système de renseignement français et notamment du SDCE -

 

En avril 1982, la DGSE remplace le SDECE et le décret du 2 avril 1982 fixe les missions de la DGSE « au profit du gouvernement et en collaboration étroite avec les autres organismes concernés, de rechercher et d’exploiter les renseignements intéressants la sécurité de la France, ainsi que de détecter et entraver, hors du territoire national, les activités d’espionnage dirigées contre les intérêts français afin d’en prévenir les conséquences ». Désormais, la DGSE ne se borne pas au rôle de contre-espionnage du SDECE, elle est désormais en charge de la sécurité extérieure et doit collaborer avec la DST. Le 11e bataillon de choc est reconstitué pour être mis à la disposition du Service Action de la DGSE, sous le nom de 11e régiment parachutiste de choc (11e RPC).

Mais en 1985 le renseignement extérieur français doit à nouveau faire face à un scandale. C’est l’affaire du « Rainbow Warrior » Le Monde dévoile à peu près tous les détails. Il s’en suit la démission du Ministre de la Défense, Charles Hernu, et du Directeur Général  de la DGSE, l’amiral Lacoste. L’opération « Satanic » est un véritable  désastre sur le plan diplomatique et politique.  

L’affaire des écoutes de l’Elysée vient ternir un peu plus l’image des services et de leur contrôle.  La fameuse  cellule dirigée par Christian Prouteau le gendarme du président, se livre de 1982 à 1986 à des écoutes ciblées et visent des suspects mais aussi des écrivains, des journalistes,  des avocats, des personnalités politiques susceptibles de nuire aux intérêts personnels d’un Mitterrand suspicieux de son image et souhaitant protéger sa double vie.

 

Le 8 mai 1988 Michel Rocard est nommé Premier Ministre. Il est parfaitement conscient de l’évolution géopolitique et de l’importance du renseignement. Il demande au Sphinx l’autorisation de réformer les Services et notamment la DGSE. Mitterrand aurait répondu à sa demande  – si ça vous amuse! -  en effet ça l’amuse.  En décembre 1988 il effectue une visite à la « piscine » boulevard Mortier, le siège de la DGSE. C’est la première fois qu’un chef de gouvernement visite les services spéciaux pour annoncer  « une réflexion visant à améliorer la coopération entre les différents services de renseignement et de sécurité français » Début 1989, Claude Silberzahn est nommé directeur de la DGSE, c’est un civil, ancien préfet et conseiller de Laurent Fabius. Avec le soutien de Michel Rocard il réforme les services de la DGSE et la démilitarise en partie.  

Mais surtout, met fin aux luttes d’influences entre services concurrents en créant  la « direction de la stratégie »          à suivre...

 

Roland Pietrini

Septembre 2015


Source : http://www.athena-vostok.com/020-la-cassure-premices-de-troisieme-guerre-mondiale-suite-la-dgse




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