Bilan annuel 2018 des bombardements US

...par le Gal. Dominique Delawarde - le 18/02/2019.

Bonjour à tous,

 

Sur le lien ci après, un court article de ma composition sur le bilan annuel 2018 des bombardements US, assorti d'un très court commentaire.

 

Il vient d'être publié sur IVERIS (Institut de Veille et d'Etude des Relations Internationales et Stratégiques).

https://www.iveris.eu/list/notes_danalyse/412-bilan_annuel_2018_des_bombardements_us_

Il peut être rediffusé sans problème à vos correspondants.

 

Bonne lecture

DD


Une fois n'est pas coutume, l'année 2018 a été marquée par une réduction très sensible des bombardements US ayant affecté la planète. 16 500 bombes "seulement " ont été larguées sur six pays, toujours sous le prétexte commode et bien connu de la « guerre contre le terrorisme » (1). On est donc loin des 43 938 bombes larguées en 2017. On retrouve, sans surprise, la Syrie, l'Irak, l'Afghanistan, le Yémen, la Somalie et la Libye comme victimes de ces bombardements US, pays cités dans l'ordre du nombre de bombes reçues.

 

 

 

S’agissant de la Syrie et de l’Irak, dans l’opération « Inherent Resolve », les forces aériennes de la coalition ont largué 8 713 bombes en 2018, soit 78 % de moins qu'en 2017 (39 577 bombes) et 70% de moins qu’en 2016 (30 700). Cette baisse paraît logique si l'on veut bien considérer que les territoires contrôlés par Daesh se sont réduits considérablement au fil du temps et qu'il ne reste plus grand-chose à « frapper » à l'est de l'Euphrate.     

 

A noter : la remontée très nette des bombardements aériens en novembre (1 424 bombes) et surtout en décembre 2018 (2 214). Volonté d'en finir avec Daesh avant l'annonce du retrait US du 19 décembre ? Liquidation des stocks pour éviter de les rapatrier ? Ou volonté de détruire un maximum d'infrastructures à l'est de l'Euphrate pour affaiblir la Syrie et rendre sa reconstruction plus coûteuse, plus longue et plus complexe à la fin d'une guerre que l'on commence à entrevoir ? On peut vraiment s'interroger sur le véritable objectif des bombardements de la coalition occidentale qui perdurent dans ce pays...

 

A noter également, l'épisode peu glorieux de la frappe conjointe USA-GB-FR du 14 avril 2018, première frappe « spectacle » de 105 missiles, ayant fait zéro mort et ayant eu une efficacité militaire totalement nulle, voire contreproductive puisqu'elle a plutôt renforcé l'image de Bachar el-Assad aux yeux de ses concitoyens sans lui porter le moindre préjudice militaire.

Rappelons, pour mémoire, que cette frappe, effectuée sans accord de l'ONU, l'a été sous le prétexte éculé et mensonger d'une fausse attaque au gaz, montée avec de bons « effets spéciaux », par nos « merveilleux alliés casques blancs », mais attribuée à Bachar el-Assad.

 

S’agissant de l’Afghanistan, dans les opérations « Freedom’s Sentinel » et « Resolute Support » censées lutter contre le terrorisme, les USA ont largué 7 362 bombes en 2018. C'est une augmentation considérable par rapport à 2017 (4 361), par rapport à 2016 ( 1 337) et par rapport à 2015 (947). Ces bombardements toujours plus importants depuis 2015 n'ont, évidemment, plus aucun sens après 18 ans d'ingérence US dans ce pays. Ils démontrent l'échec de la politique du « tout bombardement » pour régler le problème de l'Islam radical. Ils donnent de la crédibilité à la déclaration du représentant afghan à la conférence de Téhéran sur la sécurité en Asie de l'Ouest du 7 janvier dernier (lire ici le compte rendu de cette conférence). Celui ci attribuait la montée de l'islamisme radical dans son pays aux bombardements US ainsi qu'aux multiples bavures qui les accompagnent et qui affectent les populations civiles.

S'agissant du Yémen le nombre des opérations de bombardement visant al-Qaïda n'a pas excédé la cinquantaine. C'est beaucoup moins qu'en 2017 (125). Il faut dire que la guerre du Yémen n'est plus très populaire aux USA avec les conséquences humanitaires dramatiques qu'elle engendre pour la population civile et l'image détestable de l'Arabie Saoudite qui dirige la coalition anti-Houtis.

 

S'agissant de la Somalie, 37 opérations de bombardement US ont été répertoriées en 2018. Ce nombre est comparable à celui de 2017 (35).

 

S'agissant de la Libye, le nombre des opérations de bombardement est devenu anecdotique (3 en 2018).

 

En conclusion, ce triste bilan appelle quatre remarques :

1 – Les USA se sont érigés en gendarme du monde en stricte application du « droit du plus fort », et du slogan : « America First », alors que personne ne leur a rien demandé. Avec leur politique étrangère qui s'appuie sur les bombardements, les sanctions économiques, les « regime change », l'extra-territorialité de leur législation, leurs intérêts nationaux et ceux de leur allié israélien, ils créent plus de chaos sur la planète qu'ils ne résolvent de problèmes.

 

2 – Concernant la politique proche et moyen orientale US, il est clair que c'est l'opposition à l'Iran, dans le souci de protéger l'allié israélien qui explique, avant tout, l'ingérence US en Syrie. La lutte contre Daesh n'a été qu'un prétexte commode pour s'incruster, sans y être invité, dans le pays et tenter de le diviser, d'en changer la gouvernance et d'en redessiner les frontières (2).

 

3 – S'agissant de la Syrie, la collusion parfaite USA-UK-FR s'est construite autour de l'allié commun : Israël. Concrètement, cette collusion a été rendu possible par l'action des puissants lobbies transnationaux pro-Israël sur la gouvernance de ces trois pays et sur le noyautage de leur appareil d'Etat par des sayanims efficaces. Il ne faut pas oublier, à cet égard, le rôle déterminant joué par ces lobbies dans les élections, rôle qui ne peut échapper qu'aux naïfs, et les « retours sur investissement » que ces lobbies obtiennent, une fois les élections gagnées, de ceux dont ils ont assuré la victoire …

 

4 – Enfin, il est curieux qu'avec les moyens performants dont on dispose au 21ème siècle, aucun des grands Etats ne se soit penché sérieusement sur l'identification et la dénonciation de ceux qui ont suscité, encouragé, financé, armé, instrumentalisé l'Etat Islamique et le terrorisme de l'Islam radical en Syrie, dans l'espoir de faire tomber Bachar el-Assad. Serait-ce que ces grands Etats étaient beaucoup trop impliqués dans ce type d'actions peu reluisantes ? 

 

Général Dominique Delawarde


Complément de l'article ci-dessus - Le  18/02/2019.


Bonsoir,

 

En complément de mon article sur le bilan des frappes US en 2018 et de l'article du colonel François Régis LEGRIER qui s'interroge sur le bien fondé de la destruction systématique des infrastructures, je vous adresse un lien sur lequel je suis tombé par hasard et qui donne une vue sur ce qui s'est vraiment passé à Raqqa.

Cet article du 17 juillet 2018 est en français.

 

https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2018/07/syria-us-led-coalition-deeply-in-denial-about-civilian-casualties-in-raqqa/

 

Je persiste à penser que les mieux placés pour combattre le terrorisme en Syrie sont les syriens eux même et que l'armée gouvernementale est aujourd'hui en situation de le faire plus proprement que nous et, en tous cas, sans détruire le pays dans lequel les citoyens syriens devront bien vivre

demain.

 

Il n'est pas très glorieux pour la coalition occidentale et ses alliés du Golfe (et d'ailleurs) d'avoir importé, financé, armé, instrumentalisé, appuyé militairement,  de véritables "brigades internationales" de djihadistes de toutes obédiences et de tous pays pour démembrer un état

laïc, redessiner ses frontières, renverser son gouvernement légal et ce, en appui d'un état hébreu qui n'était même pas agressé.

 

La "guerre au terrorisme" est un prétexte que nous n'aurons bientôt plus pour rester en Syrie. Que vont encore inventer les autorités françaises pour y demeurer et continuer à s'ingérer dans des affaires qui ne sont pas les nôtres et à semer ainsi la haine de l'occident et de la France ???

 

Je suis, pour ma part, très satisfait que la coalition occidentale et ses comportements désastreux soient sortis perdants de l'affaire syrienne.

 

J'espère que tout cela nous servira de leçon.

 

A +

DD  


L'article mentionné ci-dessus :

Syrie. La coalition dirigée par les États-Unis refuse de reconnaître l’ampleur des victimes civiles à Raqqa


17 juillet 2018, 00:01 UTC

  • Les éléments recueillis sur le terrain contredisent les chiffres relatifs aux victimes civiles artificiellement bas de la coalition.
  • Les comptes-rendus de la coalition, inexacts et vagues, rejettent quasiment toutes les allégations faisant état de victimes civiles en les qualifiant de « non crédibles ».
  • Les forces terrestres dénoncent des « erreurs » et des « frappes aériennes manquées » se traduisant par « d'énormes pertes humaines et matérielles ».

Le déluge de réponses de la coalition dirigée par les États-Unis, qui rejette les conclusions d'un récent rapport d'Amnesty International concernant les ravages causés par le bombardement aérien de Raqqa l'an dernier, démontre à quel point elle nie le lourd bilan pour les civils, tués ou blessés par les frappes qu’elle a menées, a déclaré l'organisation le 17 juillet 2018.

Depuis la publication du rapport intitulé Syrie. La « guerre d'anéantissement » a fait des ravages dans la population civile de Raqqa le 5 juin, de hauts responsables de la coalition et de ses gouvernements membres ont envahi les réseaux sociaux, les ondes et même le Parlement britannique pour contrer ses conclusions, à savoir qu’un faisceau de présomptions montre que plusieurs attaques de la coalition ayant tué et blessé des civils ont bafoué le droit international humanitaire.

Les réactions à chaud de la coalition sont cousues de belles paroles et avares de détails. Elles dévoilent que les dirigeants de la coalition ne reconnaissent absolument pas leur incapacité à protéger la population civile prise au piège du conflit. À moins que la coalition ne tire les leçons de ses erreurs à Raqqa – et à Mossoul auparavant – elle se condamne à les répéter, et ce sont les civils qui en paieront une nouvelle fois le prix. 

« Les réactions à chaud de la coalition sont cousues de belles paroles et avares de détails. Elles dévoilent que les dirigeants de la coalition ne reconnaissent absolument pas leur incapacité à protéger la population civile prise au piège du conflit, a déclaré Donatella Rovera, conseillère principale sur la réaction aux crises à Amnesty International.

« À moins que la coalition ne tire les leçons de ses erreurs à Raqqa – et à Mossoul auparavant – elle se condamne à les répéter, et ce sont les civils qui en paieront une nouvelle fois le prix. »

La coalition assure être « transparente » et avoir mis en place « des procédures méticuleuses » pour veiller à faire tout son possible afin d'épargner les civils. Pourtant, elle peine à démontrer que c'est bien le cas.

Ses rapports mensuels sur les victimes civiles en Irak et en Syrie reposent sur de vagues descriptions et remettent en cause la grande majorité des allégations en les qualifiant de « non crédibles ». La coalition reconnaît seulement 23 décès de civils causés par plus de 30 000 tirs d'artillerie et plusieurs milliers de frappes aériennes effectuées contre la ville de Raqqa pendant l'offensive militaire qui a duré quatre mois, de juin à octobre 2017, et qui a laissé la ville en ruines. Ce chiffre n'est ni précis, ni crédible, ni sérieux.


Le seul partenaire de la coalition sur le terrain à Raqqa au lendemain de l'offensive militaire – les Forces démocratiques syriennes (FDS) dirigées par les Kurdes – a fait preuve d’une compréhension assez différente des événements durant l'offensive. Dans une lettre adressée à Amnesty International fin juin 2018, les FDS ont noté « les erreurs » et « les frappes aériennes manquées » de la coalition se traduisant par d’« énormes pertes humaines et matérielles » sur le terrain.

Amnesty International a passé des semaines à Raqqa à mener des investigations sur le terrain – ce que n'a pas fait la coalition – qui ne laissent pas de place au doute : durant son offensive, la coalition a tué des centaines de civils et en a blessé des milliers. Dans quatre cas sur lesquels l'organisation a enquêté pour son rapport de juin, les frappes aériennes ont tué 70 civils, en majorité des femmes et des enfants – dont 39 membres d'une même famille.

Les chiffres artificiellement bas concernant les victimes civiles fournis par la coalition s’expliquent en partie par les procédures d'enquête insuffisantes, qui n'incluent même pas de recherches sur le terrain.

« Se rendre sur les sites touchés par les frappes et interroger les survivants et les témoins fait partie intégrante d’une enquête. Sans cela, les investigations de la coalition ne sont tout simplement pas crédibles, en aucun cas, a déclaré Benjamin Walsby, chercheur sur le Moyen-Orient à Amnesty International.

Se rendre sur les sites touchés par les frappes et interroger les survivants et les témoins fait partie intégrante d’une enquête. Sans cela, les investigations de la coalition ne sont tout simplement pas crédibles, en aucun cas. 

« Les sites touchés par les frappes sont faciles d'accès, tout comme les survivants et les témoins, car Raqqa et Mossoul sont désormais contrôlées par les partenaires de la coalition. Des responsables de la coalition et des responsables politiques occidentaux s'y sont récemment rendus ; il n'y a donc pas de raison que la coalition ne mène pas d'enquête digne de ce nom, comme elle le promet dans sa méthodologie. »

Depuis début 2017, Amnesty International a pris part à diverses réunions de sensibilisation avec des responsables de la coalition, a adressé plusieurs courriers aux responsables de la défense aux États-Unis, au Royaume-Uni et en France, et a publié quatre rapports sur les victimes civiles causées par les opérations de la coalition à Mossoul et à Raqqa. Pendant tout ce temps, la coalition a omis de répondre aux demandes de précisions ou tenté de balayer sous le tapis les conclusions d'Amnesty International.

La coalition et certains de ses membres ont occasionnellement reconnu avoir causé des victimes civiles, lorsqu'Amnesty International et d'autres organisations de défense des droits humains ont médiatisé certains cas. Fin juin 2018, la coalition a annoncé qu’à la lumière des nouveaux éléments apportés par Amnesty International, elle allait réévaluer quatre affaires qui avaient été closes et examiner un nouveau cas.

Les dénégations en cascade que nous avons entendues de la part de hauts responsables de la coalition ne cadrent pas avec la réalité vécue par des centaines de civils que nous avons interrogés pour les besoins de l'enquête à Raqqa et à Mossoul. Même leurs partenaires sur le terrain les contredisent. 

« Les dénégations en cascade que nous avons entendues de la part de hauts responsables de la coalition ne cadrent pas avec la réalité vécue par des centaines de civils que nous avons interrogés pour les besoins de l'enquête à Raqqa et à Mossoul. Même leurs partenaires sur le terrain les contredisent, a déclaré Donatella Rovera.

« Nous demandons à la coalition d'être à la hauteur de ses propres normes s’agissant de rendre compte des victimes civiles dans le cadre du conflit, d'enquêter sur les allégations de violations et d'accorder des réparations aux victimes et à leurs familles. Nous espérons vivement que l'annonce concernant l'examen de nos conclusions marquera le premier pas dans cette direction. »

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