Solde de tout compte.

...par le Col. JJ. Noirot - Promotion St. Cyr "Serment de 14"  1963/65

Le 03/02/2017.

 

En ces temps très troublés, voire douloureux, je voudrais vous détendre, avec ce billet un peu décalé. Allons, un sourire, nous en verrons d'autres...

 

 

Chui président !

C'est dingue! Quel coup! Incroyable! 

 

J'ai été conseiller général, président du dit conseil, député, maire, et me voilà président de la république. Mais qu'est ce qui m'arrive ??!

Je pose ma candidature à une primaire, histoire de montrer que l'ancien premier secrétaire d'un parti, je ne me souviens plus lequel au juste, doit tenir son rang. Et pan! le favori, l'imbattable, le dieu des affaires, le "yes we Khan" se prend les pieds dans la serviette éponge d'un bidet à New-York! Et me voilà propulsé sans rien faire (j'ai l'habitude, vous allez voir)au premier rang. 

 

Chui président! Non mais vous vous rendez bien compte? Moi pas. Abasourdi, j'vous dis !

 

Ça n'a pas été trop dur. A la primaire, je n'ai rien dit. Laisser braire, c'est ma devise. Ce sont les autres qui ont parlé. Et vas-y  pour la démondialisation d'un côté, et que je te supprime les 35 heures, et que je pommade les syndicats, et que je vide les prisons, et que je fais payer les riches, et que j'augmente le SMIC, et que je supprime le chômage.... J'ai laissé brailler ces braillards. C'est un truc infaillible. Moins tu en dis, plus on te croit. Et ils m'ont crû ces cloches, ces niais, ces gogos! Gagné! J'ai gagné la primaire! En passant pour un mou! Ahurissant !

Je me suis senti pousser des ailes sur mon mou. Ah, mes amis! Le discours du Bourget ! Un moment d'anthologie. Je voyais les jours passer et tout le monde me pressait: "Il faut que tu fasses un discours choc, qui marque les esprits." Je suis un peu feignant sur les bords. Prononcer un discours, d'accord, mais le faire, l'écrire, ça n'est pas rien ! Ça prend du temps. Faut réfléchir. Penser à ce qu'on va pouvoir dire. Je n'avais aucune idée. Je n'en ai d'ailleurs jamais eu. C'est pour ça que j'ai réussi à l'ENA. J'ai rédigé un pensum vite fait entre deux galipettes. Comme mon banquier m'avait refusé un prêt pour l'achat d'un scooter, j'ai dit: "Mon ennemi, c'est la finance". Le lendemain, j'avais mon prêt. Bien joué, non ? Un peu plus tard, alors que je ronflais grave sur mes lauriers, un pote un peu nerveux m'a réveillé : "Tu baisses dans les sondages." J'ai dit : "75%". De quoi, je ne me souviens plus. Plus sobre, impossible. Ça m'a relancé, et j'ai repris mon roupillon de mollasson.

 

Après, duel avec le contorsionniste à talonnettes. Je lui ai balancé un coup imparable. Une litanie sortie de nulle part. Elle m'est venue comme ça, rien qu'en regardant sa tête de piaf. Ce mec m'énerve. Il y croit. C'est un pur. Un exalté. Exactement ce qu'il faut pour se faire torcher en face d'un tordu comme moi. Après ma litanie (Les lettrés disent une anaphore. Je ne savais pas que ça s'appelait ainsi quand j'ai fait mon cinéma!) assassine, il est resté béant. Il m'a traité de menteur. Lui au moins avait compris. Heureusement, il a été le seul. Gagné !

 

Et chui président! Vous vous rendez compte! Certes, avec des voix ramassées au marché noir, mais c'est fait !

 

Un passage de consigne vite fait avec l'autre butor et sa nana plutôt choucarde et bien roulée (Je me demande comment cet avorton a fait pour emballer cette cocotte sans voix. Il aurait dû faire le rapprochement ce débile ! Sans voix ! Faut être con !), je les laisse se débrouiller en restant en haut du perron, histoire de bien marquer qui est le nouveau patron. Non mais! C'est qui qu'a gagné? 

 

Oui, c'est moi le patron ! Je n'en reviens toujours pas ! Je rêve ? Ben non, c'est bien moi ! Chui président !

 

Avec tous les potes que j'ai dans les médias, je me suis dit que j'allais pouvoir m'offrir cinq ans de vacances grassement payées, le tout au frais de la république, pour ne pas changer mes bonnes habitudes prises depuis plus de trente ans. Trente ans au frais du contribuable ! Exceptionnel ! Je ne sais pas ce que veut dire travailler. J'ai jamais vu une clé à molette, une scie égoïne ou un parpaing. Au début, j'ai eu la cote. Mais après, ma vraie personnalité, indissimulable, (grosse feignasse que je suis), a sauté aux yeux du bon peuple. Branleur, glandeur, dragueur, rêveur, blagueur, baratineur, enfumeur... J'ai eu droit à un sévère rappel à l'ordre des électeurs. 

 

Et alors ? C'est moi l'chef, non ? Chui président ! Je fais ce que je veux ! Et surtout avec qui je veux!

 

Valoche commençait à me courir sur le râble. Épuisante cette furie. Au lit comme dans la vie. C'est une féroce, ambitieuse en plus. J'en pouvais plus. Alors, renardié comme pas un, je suis allé courir la gueuse. Tranquille au début. Discret, avec mon scooter arraché au banquier. Quand elle l'a appris, (les paparazis sont vraiment bons, je devrais en parler au MINDEF pour en recruter dans le renseignement) Valoche a piqué sa crise. Quelques pots cassés vite ramassés, et un petit tour à l'hôpital pour la calmer. Ouf, bon débarras. Mon autre démon enjuponné, la Ségo, ne pouvait pas la sentir. Virée toutes les deux. J'ai fait d'une pierre deux coups. Bizarre quand même. Des cocues même pas solidaires. Va comprendre.

 

Moi, chui président, et tout content de l'être. Et pas cocu. Enfin...j'espère !

 

Que c'est bon d'être président ! Une sinécure inimaginable. Julie m'adore, et moi aussi. Faut dire que j'ai un truc. Pas le piège à Dutronc, non.  Pour ça, y a mieux. Les aises. A ma petite chérie d'amour, j'ai offert un nouveau chapiteau, avec petit personnel à disposition, bureau, budget, garde du corps, dîners fins....A nous deux, nous formons la paire de parasites la plus performante du monde. Et personne ne dit rien. Mes copains journalistes veillent au grain. Quelle chance ! C'est pas à moi qu'ils asséneraient le coup qu'ils sont en train d'infliger à Fillon ! Pourtant, c'est du même genre !

 

Parce que moi, chui président ! Président de la république...et des journalistes !

 

Un général bien sous tous les rapports traite pour moi les patates chaudes qui nous tombent dessus. Il fait donner les paras au Mali et hop ! Me voilà décrété par mes copains journalistes "Chef de guerre !". Elle est bien bonne celle là ! Vous m'avez bien regardé ? J'ai horreur  de la poudre et des balles. L'uniforme me rend hargneux. Les galons encore plus. Voir un char me fait blêmir, les casernes me flanquent le bourdon et les trouffions m'impressionnent. Faut être prudent avec ces gars là. Mais pour décorer des cercueils et passer des revues, là, je suis excellent. Et à partir de ce jour, le plus beau de ma vie ai-je dit, je suis devenu encore plus président.

 

Quelle veine ! C'est pas croyable ! Moi président ! Inouï !

 

Tranquille la vie à l'Elysée. De temps en temps une réunion par ci par là. Des voyages partout dans le monde. Je finis par être connu. Reconnu, ça, c'est une autre paire de manches. Mais qu'importe ! Tout le monde n'est pas Obama ! 

 

Extraordinaire cette aventure !

 

Un jour, un pote à moi que j'ai placé à rien faire au gouvernement m'a dit: "Faut que tu fixes un objectif. Un cap. Une direction. Un truc de référence, pour qu'on comprenne, enfin, ce que tu veux et à quoi tu sers". J'ai failli m'évanouir. Il ne suffit pas que je sois le chef. Il faut aussi que je dise où on va ! J'ai proposé: " Si on fixait le prix des haricots ?" Il m'a répondu: "C'est pas une mauvaise idée, mais il faudrait creuser." C'est alors qu'une bonne femme que je ne connaissais pas, mais qui est au gouvernement elle aussi, m'a glissé dans le tuyau de l'oreille: "On pourrait marier tout le monde." Là, j'ai crû mourir. "Marie qui tu veux, mais pas moi." Elle m'a murmuré: "Pas toi mon chéri, uniquement les homos." Je lui ai répondu: "Je n'en suis pas.  Fais ce que tu veux avec ces gens là si tu aimes ça." Et voilà comment moi président, je resterai dans l'Histoire celui qui aura autorisé le mariage des homos et des lesbiennes. Immense. Fabuleux. Glorieux. Inexprimable. Vraiment, chui un grand président. Il y a bien eu deux ou trois manifestations. Mais je suis resté droit dans mon slip kangourou. Quelle autorité ! Je ne me connaissais pas comme ça.

 

Phénoménal ! Chui président. L'extase !

 

Après le coup des homos anulairisés et des paras auréolés, plus rien ne pouvait m'arriver. Ma douce vie de bernard l'ermite des palais de la république s'est écoulée bien au chaud. J'ai pu me dire, me répéter, me redire à chaque instant pour en jouir jusqu'au délire que je suis le président de la république.

 

Moi, moi, président! Ivresse sublime. Gloire suprême. Bonheur exquis. Je ne m'en lasse pas. Chui président ! 

 

Bon, d'accord. J'ai fabriqué des pauvres, des tricheurs, des frondeurs, des casseurs, des voleurs, des chômeurs, des mécontents, des trafiquants, un mur des cons, des jungles, des mal logés, des zadistes, des manifestants, des nuits debout. Mais j'ai pas eu d'bol. En plus, ces massacres en série m'ont fait beaucoup de peine. Une horreur. Je me suis rendu compte que ça faisait grimper ma cote dans les sondages. Quelle tristesse ! Mettez-vous à ma place (mais n'y restez pas, c'est juste pour dire): Être aimé quand on assassine. Affligeant. Même si je continue à être content d'être président. Mais de moins en moins tout de même.

J'ai demandé à mon général préféré si l'armée utilisait un calibre 49-3 contre les djihadistes. Ça l'a fait sourire, et il m'a répondu finement que les djihadistes ne siégeaient pas encore à l'assemblée. Je me suis dit: "Dommage, mais ça viendra". J'ai parlé de tout ce qui m'arrive à mes copains journalistes. J'aurais pas dû. Mais chui président, tout de même ! J'ai besoin de m'épancher, de me confier, de me soulager.

Vers qui me tourner pour apaiser mon cœur souffrant de "Moi président" ? Personne. 

La solitude d'un solitaire peut être terrible !

 

Alors tchao. Moi président, d'accord. Une fois. Chui partageux. J'ai profité. Place à un autre. Cinq ans ça va. Après, basta....

 


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