J'irai rapper sur vos tombes !

par le col. Michel Goya - le 13/05/2016.



Tous les dimanches, mon grand-père venait nous voir. Il s’attablait et après un ou deux verres, un souvenir de la Grande guerre lui revenait presque systématiquement. On avait droit en vrac, au massacre d’un escadron de Uhlans dans une embuscade au début de la guerre, aux terribles combats près de Reims en juillet 1918 où il avait tenu sa position pendant plusieurs jours face à la dernière offensive allemande, en ne buvant que du Champagne récupéré dans une cave voisine. Il y avait surtout la Somme. Sergent au 7e Colonial cet homme-là avait participé à l’assaut initial (oui, le 1er juillet 1916, que les Britanniques, qui ont perdu 20 000 morts ce jour-là, vont bientôt célébrer avec une grande dignité). Après plusieurs jours, il s’était retrouvé seul avec son capitaine au milieu de la deuxième position allemande. N’écoutant que leur courage, qui à l’époque disait encore quelque chose à beaucoup, ils étaient descendus à deux dans les boyaux et étaient tombés nez-à-nez avec plus de 70 Allemands abrités dans un stollen. La surprise aidant ils avaient gagné le combat et avaient réussi à ramener tous les prisonniers dans les lignes. Il avait été de tous les combats, d’un bout à l’autre de la guerre (ah oui, le chemin des Dames aussi), mais par le hasard des rotations pas celui de Verdun, ce qui pouvait presque passer pour un manque de sérieux à l’époque.
 
Je ne suis pas sûr que cet homme-là, qui parlait pourtant de tout cela avec la légèreté de l’évidence, ait apprécié pour autant que l’on décida de s’amuser pour célébrer le courage et le sacrifice de ses camarades. Je ne crois pas qu’il ait goûté particulièrement que l’on ait choisi et payé pour cela un chanteur pour ados qui visiblement n’avait pas la moindre idée de l’importance de ce qu’on évoque. Je ne pense pas qu’en écoutant les quelques textes de cet artiste et de ses camarades, il ait pu retrouver les valeurs qui l’animait à l’époque, des choses futiles comme la défense de la nation ou la fraternité entre ceux qui la constituent. Il aurait certainement trouvé que cela manquait pour le moins de « gueule » sinon de dignité, et qu’il s’agisse de rap ou de java, voire d’un vieux rockeur ou d’un ancien tennisman en mal avec leurs impôts, n’avait rien à voir à l’affaire. Il y a en revanche une chose dont je suis sûr, c’est qu’il eut été furieux que l’on qualifia son « étonnement » de réaction « rance », raciste voire fascisante, comme si s’insurger contre l’indigne était un monopole du Front national.

 

J’ai bien regardé et il n’apparaît nulle part que le bois des Caures ait été défendu par la tendance Jean-Marie ou que Douaumont ait été repris par la branche Marion. Alors par pitié, prenez un tout petit peu de hauteur, au moins celle de la côte 304 ! Ces Français qui ont été jetés dans la bataille, ils ont « toujours » des droits sur nous. Le premier d’entre eux c’est d’exiger d’être un minimum digne quand on parle d'eux. En fait non, c’est déjà d’être digne tout court et visiblement par ce que l’on voit et entend depuis un certain temps, c’est une bataille qui est encore loin d’être gagnée. J’en connais qui ne sont pas contents dans leur dernière tranchée et qui méritent mieux que le spectacle, et pas seulement celui de Black M, qu’on leur propose. 

 


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