Eléments d’appréciation...

...par le Gal. Bertrand Ract-Madoux, ancien CEMAT - le 21/07/2017.

 

Alors que chacun aspire à un repos estival bien mérité, l'actualité récente de notre pays m'amène à sortir de la réserve que je m'étais fixée pour quelque temps.

 

En effet, la façon injuste dont a été traité le général Pierre de Villiers, qui fut longtemps mon jeune dans les armées avant de devenir mon chef, quand il a été nommé CEMA le 14 février 2014, me paraît tout à fait scandaleuse.

 

Cet excellent officier a donné le meilleur de lui-même tout au long de sa carrière, mais notamment au cours des sept dernières années, au plus haut niveau interarmées. Récemment, il n'a fait que son devoir de chef d'état-major en parlant vrai face à la représentation nationale.

 

Or, il faut savoir que le général de Villiers a accepté de rester un an de plus à son poste, à la demande du chef de l'Etat, à la condition que les promesses en matière budgétaire soient tenues... Après en avoir eu l'assurance, il s'est courageusement engagé pour une année supplémentaire au service du pays.

 

Las, trois jours après, le ministère du budget faisait connaître sa demande de contribution des armées, à savoir une ponction de 850 millions d'Euros sur le budget 2017 ; ce qui est considérable quand on sait qu'il ne reste que quelques mois effectifs dans le calendrier budgétaire et que les armées sont depuis longtemps "à l'os".

 

Cette situation est la caricature de la relation complexe entre les armées, qui accomplissent leurs missions au mieux avec les moyens insuffisants qu'on leur donne, et "Bercy" qui n'a de cesse de reprendre d'une main ce qu'elle a concédé de l'autre. Beaucoup de démissions et de crises trouvent leur origine dans cette conception antinomique du service de l'Etat.

 

"Bercy", qui regroupe paraît-il les "meilleurs d'entre nous", est connu dans les armées depuis des lustres pour revenir régulièrement sur les engagements initiaux afin de "joindre les deux bouts" d'une comptabilité nationale toujours en défaut... A croire qu'ils savent parler mais pas compter...

 

Au printemps 2014, soudainement il "manquait" 40 milliards d'euros... et Bercy et Matignon voulaient que la Défense contribuent ! Alors que le président de la République et le Parlement venaient d'avaliser et voter une loi de programmation militaire particulièrement sévère pour les armées, en demandant aux chefs d'état-major d'en assumer la responsabilité vis à vis de leurs hommes. Rien de surprenant à ce qu'une menace de démission collective n'ait répondu à ce "nième" coup de force de Bercy.

 

Tout le monde comprendra, je l'espère, l'indignation légitime d'un CEMA, expert des questions financières, percevant une nouvelle fois le double langage de notre administration budgétaire nationale... Or, par un hasard malheureux, il semblerait que les deux supérieurs hiérarchiques du CEMA, formés à la logique si particulière de Bercy, se soient sentis visés par son "coup de gueule" à huis-clos devant quelques parlementaires. C'est là sans doute sa seule erreur...

 

En tout état de cause personne ne croira que la situation budgétaire calamiteuse laissée par les équipes du président Hollande ait constitué une surprise pour des responsables aussi éminents et capés, bénéficiant du soutien inconditionnel des principaux responsables budgétaires et financiers du pays...

 

Les militaires, leurs familles et leurs anciens n'ont jamais eu la prétention de faire partie de l'élite intellectuelle du pays, mais ils le servent avec loyauté, humilité et courage et sont servis par une belle mémoire collective.

Que le général Pierre de Villiers soit bien sûr d'avoir leur plein soutien.

 

BRM


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