REFORME DES RETRAITES :

Et maintenant les militaires montent au créneau

...par le Col. Georges Michel - Le 19/01/2020.


On se souvient des propos à la fois martiaux et rassurants d’Emmanuel Macron : « Quand on est militaire, on ne touche pas la retraite, on a une pension. » C’était le 19 décembre dernier, le chef des armées s’adressait aux soldats déployés en Côte d’Ivoire et, par-delà, à toute la « communauté militaire ». Au passage, on n’avait pas noté ce côté un peu méprisant vis-à-vis de ceux qui touchent « la retraite »… Don’t worry, be happy, mes petits soldats ! La réforme des retraites, en gros, vous n’êtes pas concernés…

Nous l’écrivions ici même le 1er janvier : « Emmanuel Macron joue avec les mots… Dire aux militaires qu’ils continueront à percevoir une pension, c’est gentil, ils s’en doutent tout de même un peu. Mais au bout du bout, quel sera le montant de cette pension ? » Dans les casernes, on a démonté le sapin de Noël mais les petits soldats ne sont pas de plomb. S’ils sont tout dévoués au service de la France, ils savent aussi compter. Et, semble-t-il, le compte n’y est pas. C’est Le Parisien qui le révèle, ce dimanche 19 janvier. En effet, le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) a rendu son verdict : « Après l’étude du projet de loi, il ne peut, en ce qui concerne la condition militaire, émettre un avis favorable. » C’est dit poliment mais, en clair, le CSFM estime que ce projet va dégrader la condition militaire.

Comme chacun sait, les militaires ne peuvent être syndiqués. Le CSFM est donc une instance de concertation consultative qui permet de donner leur avis au ministre des Armées sur les questions relative à la condition militaire. La loi fait même obligation à ce dernier, avant tout projet de loi à portée statutaire, indiciaire ou indemnitaire, de recueillir l’avis de cette instance, vieille tout juste d’un demi-siècle. C’est donc chose faite pour la réforme des retraites, si l’on en croit Le Parisien.

Présidée par le ministre, cette instance est composée de membres élus (militaires d’active des trois armées, de la gendarmerie et des services communs), de quelques retraités et de représentants d’associations professionnelles nationales de militaires. Année après année, le CSFM s’est, en quelque sorte, professionnalisé, de sorte que le ministre a, face à lui, des militaires qui savent de quoi ils parlent. Cela dit pour couper court à l’idée que ce « machin » serait là pour faire semblant. La preuve, du reste, par cet avis !

Alors, pourquoi ce non possumus ? « Certaines dispositions fragilisent notre modèle d’armée et la condition militaire », estime le CSFM. En effet, le mode de calcul des pensions, calqué sur celui du système universel envisagé, est fait pour inciter à travailler plus longtemps, notamment à travers la mécanique de la décote. Le rapport évoquerait des décotes pouvant aller de 20 à 60 % dans certains cas… Ou comment se constituer une armée de sergents-chefs âgés 60 ans ! Ou de demi-solde miséreux rendus à la vie civile. On aura beau dire que les générations actuelles sont en meilleure santé que celles d’autrefois, la guerre, jusqu’à nouvel ordre, ne se fait pas en déambulateur.

Autre point délicat souligné : « La mise en place d’une règle de calcul assise sur l’ensemble de la carrière au lieu des six derniers mois […] engendrera inexorablement une baisse des pensions. » Cette évidence quasi mathématique ne concerne pas que les militaires mais aussi les fonctionnaires et sans doute au-delà. On remarquera, d’ailleurs, qu’à chaque fois que cette évidence est mise en avant, le gouvernement change de pied en parlant des quelques cas particuliers qui seront gagnants avec la réforme…

Ce rapport du CSFM éclate comme une bombe pour le gouvernement. Car cette instance n’est pas la CGT. Elle ne bloque pas la France. Pas d’arrière-pensées en vue de se refaire une clientèle syndicale. Pas d’enjeu politique, non plus, avec en ligne de mire les élections. Pas de coup de gueule chez Bourdin. Pas de manif dans Paris. Non, seulement des faits, des chiffres. Et sans doute une profonde inquiétude dans les rangs.

Si, maintenant, les militaires montent au créneau…

 

Source : https://www.bvoltaire.fr/reforme-des-retraites-et-maintenant-les-militaires-qui-montent-au-creneau/?utm_source=La+Gazette+de+Boulevard+Voltaire&utm_campaign=7f6281a2c2-MAILCHIMP_NL&utm_medium=email&utm_term=0_71d6b02183-7f6281a2c2-31040957&mc_cid=7f6281a2c2&mc_eid=c2875309d7 


Le Conseil supérieur de la fonction militaire critique la réforme des retraites

...par Laurent Lagneau - le 19/01/2020.

 

Unification des 42 caisses de retraite et mise en place d’un système par point, dans lequel chaque euro cotisé donnera les mêmes droits : tel est, dans les grandes lignes, l’esprit de la réforme des retraites qui, proposée par le gouvernement, est au centre d’un conflit social depuis le 5 décembre.

 

Or, pour les armées, l’enjeu est de continuer à permettre aux militaires de quitter ses rangs après quelques années de service afin de garder une « armée jeune ». À plusieurs reprises, le président Macron a assuré qu’il veillerait à ce que la singularité du métier militaire soit prise en compte dans le projet de réforme des retraites.

 

« Il n’y a donc pas lieu de transiger avec l’exigence de disponibilité en tout temps et en tout lieu, qui est le corollaire du principe constitutionnel de libre disposition des forces armées. Et il faut sans cesse rappeler que le service des armes est imprévisible, risqué, dangereux, qu’il implique esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu’au sacrifice suprême. […] Alors, je le redis : la singularité du métier militaire et les exigences du modèle d’armée, une armée tournée vers les opérations, seront prises en compte dans les réformes à venir, notamment celle de notre système de retraite. Les pensions militaires relèvent d’abord de la condition militaire et d’un contrat passé entre la nation et ses armées », avait en effet encore affirmé M. Macron, le 13 juillet 2018.

 

Et Jean-Paul Delevoye, alors Haut-commissaire à la réforme des retraites, avait affirmé, à la même époque, que le système universel maintientrait « les particularités objectivement justifiées par les missions assignées aux militaires. »

 

Dans le même temps, le sénateur Dominique de Legge s’était inquiété de voir cette réforme des retraites fragiliser la politique du ministère des Armées en matière de ressources humaines. « Sa fragilisation serait donc susceptible de mettre ce modèle d’armée, reposant sur des effectifs jeunes, en péril, alors même que le nombre de militaires quittant le service sans droit à pension a d’ores et déjà augmenté ces dernières années », avait-il mis en garde.

 

Et le parlementaire d’insister : « Au total, les pensions militaires relèvent davantage d’un système de gestion des ressources humaines, unique dans la fonction publique, et du choix d’un modèle d’armée jeune que d’une pure logique d’assurance-vieillesse. »

 

Cela étant, pour le Conseil supérieur de la fonction militaire [CFSM], saisi par la ministre des Armées, Florence Parly, cette réforme des retraites ne prend justement pas assez en compte la singularité des armées. C’est en effet ce qu’il ressort, selon le quotidien Le Parisien, de l’avis qu’il a rendu le 15 janvier.

 

« Après l’étude du projet de loi », le CSFM « ne peut, en ce qui concerne la condition militaire, émettre un avis favorable », écrit le contrôleur général des armées Olivier Schmit, le secrétaire général du Conseil supérieur de la fonction militaire.

 

Ainsi, « certaines dispositions fragilisent notre modèle d’armée et la condition militaire », est-il estimé dans cet avis, qui pointe notamment les « modalités de calcul de la pension militaire qui suivraient le régime de droit commun ». En effet, celles qui incitent à rester en activité plus longtemps participeraient « au vieillissement de la population militaire », ce qui est « une discordance entre l’objectif poursuivi par le projet de loi et l’impératif de jeunesse imposé par la loi à nos armées », affirme le CSFM.

 

Par ailleurs, « la mise en place d’une règle de calcul assise sur l’ensemble de la carrière au lieu des six derniers mois » est également critiquée dans cet avis étant donné que cela « engendrera inexorablement une baisse des pensions » pour certains militaires « n’étant pas ou peu primés ». Et ce serait essentiellement les militaires du rang qui en feraient les frais. De même que les jeunes sous-officiers. « Le principe même de l’escalier social est mis à mal avec le nouveau système », assène le CSFM.

 

Pourtant, le général François Lecointre, le chef d’état-major des armées [CEMA], avait dit vouloir un système de retraite plus « équitable » pour les militaires sous contrat.

 

Quoi qu’il en soit, lors de ses voeux aux armées, le 16 janvier, le président Macron a abordé le sujet des retraites. Le CSFM « a rendu son avis et j’en tiendrai le plus grand compte », a-t-il dit.

 

« Je connais la sensibilité sur le sujet et je la comprends parce que les pensions militaires constituent une garantie essentielle du contrat que l’État et la Nation passent avec ceux qui acceptent de les servir par le métier des armes. Elles constituent une contrepartie que la Nation apporte solidairement à votre engagement exorbitant à la défendre. Elles sont également une garantie du modèle d’armée dont la France a besoin pour assurer sa défense et ses missions dans le monde : une armée jeune, agile, disponible sans contrepartie », a déclaré M. Macron.

Et ce dernier de conclure : « Aussi, je le redis, les engagements que j’avais pris devant vous il y a un an, de prise en compte des spécificités militaires et du modèle d’armée, sont et seront tenus. J’y veillerai personnellement. »

 

Sur le même sujet : 

 

- L'armée conteste à son tour le projet de réforme des retraites

https://www.capital.fr/economie-politique/larmee-conteste-a-son-tour-le-projet-de-reforme-des-retraites-1360052

- "Certaines dispositions fragilisent notre modèle d'armée" : Le projet de réforme des retraites rejeté par des militaires.

https://fr.sputniknews.com/france/202001191042929160-certaines-dispositions-fragilisent-notre-modele-darmee-le-projet-de-reforme-des-retraites-rejete/

 

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