Editoriaux - Le billet du jour

Réponse à M. G. Larrivé sur le malheur des juifs

Un jeune et ambitieux ex-député LR de l’Yonne, Guillaume Larrivé a publié une tribune dans le journal L’Opinion le 2 novembre dernier. La capture d’écran de cette tribune, tout à fait conforme au politiquement correct français du moment vous est proposée ci-après.

Invité par l’auteur de la tribune, à faire connaître ses commentaires, comme tous ceux qui l’ont reçue par mail, l’un de mes amis, le colonel (en retraite) MB, qui a servi plusieurs années au Proche-Orient, qui y a exercé les fonctions d’observateurs puis de chef des observateurs français de l’ONU et qui connaît, par conséquent, beaucoup mieux les problèmes de la Palestine que Monsieur Larrivé, lui répond dans le texte que vous trouverez ci-après.

J’ajoute qu’ayant moi-même servi 21 mois en deux séjours au Proche-Orient, d’abord comme commandant du bataillon français de la FINUL (Force intérimaire des Nations unies au Liban) puis comme chef du Bureau Renseignement de cette force de l’ONU, je ne peux que cautionner la réponse de mon camarade. C’est, à très peu près, la réponse que j’aurai faite à l’ex-député Larrivé s’il m’avait adressé sa tribune. Je pense que Monsieur Larrivé ne connaît pas vraiment le sujet dont il traite dans sa chronique et que ses propos ne visent, en fait, qu’à booster sa future carrière politique en navigant dans les vents porteurs du moment et en bénéficiant de l’appui précieux du camp dont il prend la défense avec un enthousiasme feint.

Pour mémoire, le lecteur notera que Guillaume Larri-vé (ou -viste) a été sèchement battu lors de sa tentative de ré-élection dans la 1ère circonscription de l’Yonne en 2022, devancé par les candidats RN et NUPES, après avoir déclaré avoir voté pour Emmanuel Macron à la suite de la déculottée mémorable de Valérie Pécresse, la candidate de son camp.

Voici donc la réponse de mon camarade.

Général Dominique Delawarde

*

Monsieur,

À l’heure où se fait jour, à la face du monde entier, le peu de considération, pour ne pas dire le massacre massif en représailles (sans commune mesure avec les regrettables pertes causées par l’agression menée par le Hamas le 7 octobre), réservé par Tsahal et le pouvoir sioniste en place en Israël, sans discernement à toute la population palestinienne, confinée de force depuis tant d’années à Gaza (et dans des territoires atomisés en Cisjordanie ou dans de honteux camps de réfugiés), vous tenez là des propos qui me glacent d’effroi.

La lecture de votre chronique, dont vous venez de me gratifier, me pousse à sortir de ma réserve et à vous interpeller, spontanément, sur un certain nombre de vos arguments et de vos préconisations qui me font bondir.

 Ne réalisez-vous donc pas que la recrudescence de l‘inadmissible et condamnable antisémitisme – dirigé notamment vers les juifs de France qui dans leur immense majorité ne sont pour rien dans les agissements de Netanyahou et les opérations de Tsahal – et la résurgence épisodique de la révolte violente palestinienne telle que celle exprimée par l’agression inadmissible et condamnable du 7 octobre 2023, sont étroitement liées et résultent du régime tout aussi inadmissible et condamnable infligé avec constance par l’État juif aux Palestiniens depuis 1948 dans l’indifférence, voire la complaisance de notre pays, la France, asservi aux États-Unis ?

 Ne réalisez-vous donc pas que la montée inquiétante et condamnable de l’islamisme radical et la réitération d’actes inadmissibles et condamnables de terrorisme, abusivement attribué ex abrupto à l’islam, religion musulmane dans son ensemble, se nourrissent, partout dans le monde, et résultent de la posture inadmissible et condamnable adoptée par les autorités israéliennes (d’ailleurs contre l’avis d’une majorité de la population juive, israélienne ou de la diaspora, qui aspire à la «Paix maintenant») à l’égard des populations palestiniennes qui préexistaient et ont, en dépit d’erreurs historiques commises de part et d’autre, toute légitimité de coexister en totale dignité, liberté et souveraineté avec la population de l’État moderne d’Israël ?

 Comment pouvez-vous n’évoquer que «Le malheur des juifs» pour «sonner le réveil de la France», sans mentionner à aucun moment une quelconque détresse, un quelconque désespoir, une quelconque exaspération des populations palestiniennes qui survivent depuis 75 ans dans l’humiliation et l’oppression quotidienne, dont vous ne soupçonnez, apparemment, même pas l’existence bien factuelle ?

 Pourquoi traiter de manière hémiplégique des souffrances, responsabilités, torts, abus, droits, aspirations, revendications, etc. de ces deux peuples que sont les Israéliens et les Palestiniens ?

 Pourquoi discriminer les juifs des autres ? C’est faire de l’antisémitisme à l’envers et donc aggraver les antagonismes dans un contexte déjà diablement dissymétrique ! Pas plus que les juifs, les Palestiniens n’ont droit à l’indifférence !

 Ne croyez-vous pas que les Arabes (musulmans et chrétiens) de Palestine ne souhaitent pas et ne méritent pas autant que «les juifs ashkénazes qui, d’Allemagne, de Russie ou de Pologne, espéraient trouver à nos côtés la promesse de la tranquillité et du respect» ? Chacun, en ce bas-monde, n’éprouve-t-il pas naturellement, l’irrésistible envie d’un entre-soi tranquille et respectueux ?

 Ne peut-on pas, sincèrement, opposer deux concepts concomitants et interdépendants : celui d’une «islamophobie nourrie par le sionisme militant en vigueur sur le territoire de la Palestine mandataire», à opposer au concept de «nouvel antisémitisme nourri par l’islamisme» que vous dénoncez ?

 Ne confondez-vous pas, à cet égard, les causes et les effets d’une déplorable situation conflictuelle dont nous finirons par pâtir tous, que nous soyons juifs, chrétiens, musulmans ou athées, que nous soyons israéliens, palestiniens, français ou de toute autre nationalité (terme de «nation» que, scandaleusement, l’on ne veut pas accorder pleinement à la Palestine…) ?

 Ne craignez-vous pas que l’attitude partisane – consistant à occulter complètement le malheur actuel de tous les Gazaouis en voie d’expulsion de leurs maigres territoires voire d’extermination pure et simple – que vous préconisez dans votre chronique de ce mois, ne fasse que favoriser et attiser «les foyers d’antisémitisme couvant dans des banlieues déstabilisées par l’immigration de masse» que vous redoutez à juste titre mais qui ne sont que le résultat de décennies d’une politique migratoire désastreuse à laquelle votre famille politique a considérablement contribué ?

 Ne comprenez-vous pas que l’incapacité «des Palestiniens eux-mêmes et des États arabes qui les soutiennent», que vous soulignez, «de faire émerger une élite raisonnable et responsable acceptant l’existence d’Israël» n’est que le corollaire du refus (hélas tacitement adoubé par la France et d’autres nations) des dirigeants israéliens (refus qui se manifeste notamment par la colonisation continuelle, l’accaparement des ressources naturelles – et au premier chef de l’eau douce – et les infernales restrictions de circulation, etc.) d’accepter l’existence d’une Palestine viable, disposant, comme Israël, d’un territoire contigu et de tous les attributs d’une nation en quête de souveraineté dans le respect, contraignant, de la Charte des Nations unies (dont elle est arbitrairement exclue, alors qu’Israël viole effrontément cette charte qu’elle a pourtant signée ! )

À défaut d’une véritable autorité palestinienne pour les raisons exposées précédemment, le Hamas incarne un contre-pouvoir palestinien face au pouvoir exorbitant exercé abusivement par les autorités israéliennes sur un peuple privé, sur son sol, de ses droits les plus élémentaires…

Pour démontrer le manque de pertinence de vos propos, ne serait-il pas possible de vous paraphraser ainsi :

«On a crié «non à l’islam» dans les rues de Tel-Aviv. Et à force de regarder ailleurs, de ne voir ni les foyers d’islamophobie couvant dans les foyers par l’intoxication médiatique, ni les noces funestes du sionisme et du gauchisme, on a armé les bras des meurtriers qui :                                 

* ont sourdement humilié et consciencieusement opprimé des millions de Palestiniens confinés dans des conditions inhumaines,

* puis, en représailles collectives aveugles à la suite de manifestations de la colère et de l’exaspération palestinienne, certes sanglantes mais compréhensibles, ont ouvertement torturé et tué aveuglément des centaines de milliers de victimes innocentes à Gaza» ?

Je conteste votre thèse bâtie sur un émoi à sens unique contre l’antisémitisme, en en soulignant ses méfaits, hélas bien réels, mais sans en distinguer les catalyseurs qui résident dans le souverain mépris israélien, conforté par votre silence, pour les légitimes revendications palestiniennes.

Les funestes conséquences pour notre pays, la France, de la non-maîtrise d’une immigration massive, notamment du Nord de l’Afrique et du Moyen-Orient, particulièrement attentifs à l’issue du conflit israélo-palestinien, ne sauraient devoir être imputés aux Palestiniens eux-mêmes qui ne sont pour rien dans les carences de notre politique migratoire.

En revanche, assimiler le soutien, public ou privé de bon nombre de nos concitoyens, à la cause palestinienne dans son différend avec la gouvernance israélienne, à des actes d’antisémitisme et/ou à une apologie du terrorisme, comme ce serait la tendance actuellement adoptée par nos instances dirigeantes, est insensé et n’aurait pour effet que d’accentuer la tentation de radicalisation des opinions et, en définitive, d’envenimer le conflit, né en 1948 et, hélas, toujours irrésolu de nos jours.

Sans vouloir remettre en cause votre probité, je suis sidéré de lire qu’un homme de votre trempe, ancien élu de notre République, président d’un «think tank» soutenu par «Les Républicains», puisse prétendre réfléchir utilement pour répondre aux grands enjeux du débat public, en adoptant la ligne qui transpire de vos propos littéralement ravageurs, en rapport avec le funeste conflit israélo-palestinien dont l’enlisement, délibérément consenti par une Communauté internationale honteusement paralysée, compromet dangereusement l’épanouissement-même de notre humanité et suscite rancœur envers les oppresseurs, évidemment ardents partisans du maintien, voire du renforcement, de leur position hégémonique et du déchaînement de leur violence répressive.

Malgré le drame indélébile de la Shoah, l’effroyable retour de l’antisémitisme, qu’il faut résolument combattre, résulte de la conjonction :

* d’une posture, inacceptable parce que autocentrée à l’excès, adoptée par un noyau de sionistes vengeurs, arrogants et dominateurs, rêvant d’un espace aseptisé de tous non-juifs ;

* de la persistance rare mais réelle chez certains extrémistes du rejet initial de la reconnaissance de l’État juif/État hébreu, tel qu’il a été proclamé prématurément et abusivement le 14 mai 1948 par David Ben Gourion lors de sa déclaration de l’indépendance de l’État d’Israël, par la population arabe autochtone du territoire du nouvel État israélien dont la plus grande partie a été déplacée en Palestine et dans les pays arabes voisins. Ce rejet initial a été pourtant officiellement abandonné par la suite par les autorités palestiniennes désireuses de fonder un État palestinien de plein droit, voisin d’Israël.

* et d’une posture par trop conciliante du camp occidental, sous domination états-unienne, laissant, tant par ignorance que par arrogance, Israël s’affranchir abusivement du droit international, notamment à l’égard de ses voisins arabes, non indemnes de torts mais dont les revendications essentielles sont parfaitement fondées.

Je crains que, sur la préoccupante question de la recrudescence de l’antisémitisme que vous soulevez ici, vous ayez, en quelque sorte, inversé les termes de la problématique et notamment négligé l’antériorité des causes sur les effets. Il conviendrait, impérieusement, de hiérarchiser les combats à mener dans l’ordre de la causalité des maux que nous souhaitons conjurer.

Ce n’est pas en négligeant le sort et la dignité des Palestiniens que l’on garantira la «tranquillité et le respect espérés par les juifs d’Israël» ni la sécurité et la stabilité de notre monde !

Ce n’est pas en ostracisant ni en stigmatisant tous les «immigrés en provenance des pays arabo-musulmans» que l’on mettra un terme aux odieux actes terroristes résultant directement de notre posture à l’égard du conflit israélo-palestinien !

Ce n’est pas en soutenant inconditionnellement l’État d’Israël malgré ses violations, graves et répétées, des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies que, en réponse à votre incantation, «l’antisémitisme retournera dans les poubelles de l’Histoire !»

J’espère avoir, par mes quelques remarques les plus franches possible, contribué à éclairer vos choix pour «tenter de vivre en harmonie, même par mauvais vent !…».

MB

envoyé par le général Dominique Delawarde

Un monde de myopes

par Claude Gaucherand, Contre-Amiral (2S) - Le 06/11/2023.

Qu’est-ce que la myopie ? Si l’on en croit le dictionnaire il en existe deux formes : celle bien connue, anomalie de la réfraction oculaire entraînant une mauvaise vue des objets éloignés sans toucher la vision de près ;

et l’autre, la myopie intellectuelle, qualifiée de manque de perspicacité doublée d’étroitesse de vue.

C’est bien de cela qu’il s’agit, une myopie intellectuelle qui ne permet pas de voir au-delà des faits qui se présentent à notre vue sans percevoir leur environnement, leur origine et la perspective à long terme. C’est la myope du médecin qui soigne les symptômes du malade par un traitement de confort sans se préoccuper du mal qui les provoque et du traitement curatif qui permet son éradication.

Ce qui est vrai pour la maladie est vrai pour tous les aspects de la vie, c’est l’évidence, et flagrant dans le domaine de l’information et de la politique, qu’elle soit nationale ou internationale. C’est ce que nous vivons depuis le 7 octobre dernier et l’attaque dont Israël a été l’objet de la part de Palestiniens de la bande de Gaza appartenant à quatre organisations différentes dont la principale est le Hamas, réputée organisation terroriste.

Sans se poser plus de questions, les myopes du monde entier se sont donnés le mot ou plutôt les mots, ceux des chaines de télévision, des radios et autres agences de presse mais aussi et surtout, dans notre pays qui s’honore pourtant de compter Descartes comme référence intellectuelle, accompagnés par une considérable, voire écrasante majorité d’intellectuels, d’universitaires et d’hommes et de femmes politiques, ceux choisis – par qui ? – ayant accès aux médias : terrorisme, sauvagerie, bestialité, juste vengeance, horreur, inhumain sont les mots obligatoirement employés sous peine de passer pour insensible si l’on s’en abstient et pour tout dire antisémite, justifiant ainsi par avance tous les excès d’une vengeance à caractère biblique, dite œil pour œil en principe mais comme chacun le sait pourtant , en réalité décuplée sans l’ombre d’un regret ou d’une hésitation. D’un côté des bêtes assoiffées de sang, de l’autre des victimes combattant pour une juste cause. Comme si le monde ne pouvait être que binaire, divisé en le bien et le mal sans plus de nuances.

Oubliant le premier principe de notre philosophe, à savoir de ne jamais accepter pour vrai ce qui ne nous paraît évidemment être tel, les journalistes de l’instantané ressortent sans plus de réflexion ce que la propagande du plus fort lui souffle, voire lui impose, servis par les agences de presse. Le chœur des experts autoproclamés et des politiques à la vue courte et à la réflexion inexistante leur emboîte le pas, diffusant à longueur de journée des messages de peur et d’horreur, demies vérités ou mensonges à base d’affirmations non vérifiées. Rappelons à titre d’exemple la soi-disant information concernant la quarantaine de bébés dont les «terroristes» auraient tranché la tête. Sans pitié bien évidemment. Ce fut finalement mais discrètement démenti.

Mon professeur de philosophie nous enseignait que le premier signe de l’intelligence est l’arrêt… qui conduit à la réflexion. Au cours de tous ces jours depuis le 7 octobre c’est sur les médias alternatifs que l’on trouve la réflexion, pour distinguer dans l’information factuelle le vrai du faux, la recherche des causes d’une crise profonde, toutes les causes que l’on trouve dans l’histoire de cette région tourmentée du monde à condition de bien vouloir l’étudier pour en distinguer les tenants et les aboutissant et au bout du compte l’esquisse d’une solution.

Pour un Dominique de Villepin interrogé par BFMTV près de trois semaines après les évènements, combien d’experts et d’hommes et femmes politiques ou de généraux de plateau TV se sont exprimés dans le respect de la doxa sans jamais poser la question des causes initiales, principales et aggravantes, sans oublier les causes structurelles c’est-à-dire historiques qui ont conduit des êtres humains, des Palestiniens avant même que d’être des affidés du Hamas, à tuer sans hésitation des civils, des jeunes gens désarmés, innocents donc, sans jamais se poser la question de savoir s’il est plus humain de tuer à coups de bombes les malades des hôpitaux, les fidèles dans le lieu de leur culte, les familles dans les immeubles, pas seulement au nom d’une vengeance qualifiée de juste, puisque c’est le lot des Palestiniens depuis la création d’Israël.

Faut-il être myope pour ne pas appréhender le problème dans toutes ses dimensions : myope ou stupide ou simplement cynique ?  

75 ans que les Palestiniens ont été chassés de leur pays, colonisés ou parqués dans la bande de Gaza, la plus grande prison à ciel ouvert du monde finalement transformée en camp de concentration. Un homme qui, de sa naissance jusqu’à l’âge adulte y a été enfermé, trouve là toutes les conditions réunies pour devenir un résistant actif, un combattant, un soldat, un patriote, que ses ennemis appellent du vilain nom de terroriste. Quel qualificatif donner au pilote israélien qui a su mettre sa bombe sur l’hôpital de Gaza sur l’ordre d’un général surement très respectable, tout autant que l’honorable Premier ministre Netanyahou, grand maître des opérations criminelles contre le peuple palestinien ?

Voilà pourquoi je conseille à tous les myopes qui ont la prétention de nous informer et de nous gouverner, de s’offrir les lunettes de la réflexion.

À une époque récente il était de bon ton de se dire «Tous Charlie». Le temps n’est-il pas venu de nous déclarer «Tous Palestiniens» ?