Quand Napoléon rêvait d'envahir l'Angleterre...

...par Jacques Guillemain - Le 06/03/2021.

Charge de Dragons à Eylau

Ce sont des  milliers d’ouvrages qui retracent régulièrement l’épopée napoléonienne et nous font revivre le fabuleux roman d’aventures de la Grande Armée, qui fit trembler les rois d’Europe jusqu’à Moscou.

Chasseurs, grenadiers, dragons, hussards, cuirassiers ou simples grognards, commandés par de prestigieux maréchaux, ont formé l’invincible instrument qui a accompagné Napoléon jusqu’en 1815, du Camp de Boulogne  à Waterloo, en écrivant les plus fabuleuses pages de l’Histoire de France.

Les hauts faits d’armes s’écrivent en lettre d’or sur les drapeaux de tous ces régiments de l’Empire.

Évidemment, les grincheux ne retiennent de cette glorieuse épopée que le boucher sanguinaire qui a saigné la France, oubliant que Napoléon dut faire face à sept coalitions ourdies par nos ennemis de toujours, les Anglais. À Waterloo, c’est une coalition de dix nations qui affrontait la France.

Mais les grincheux ne comprennent rien et n’intéressent qu’eux-mêmes.

D’ailleurs, l’Histoire ne s’écrit pas avec ces pisse-froid. Ils relisent l’histoire avec leurs lunettes du XXIe siècle, incapables de remonter le temps.

Que peut comprendre un grincheux à la plus grande charge de cavalerie de l’histoire, menée par l’illustre Murat à la tête de 80 escadrons, plus de 8 000 cavaliers, contre les troupes russo-prussiennes, au cours de la bataille d’Eylau en 1807 ?

Imaginez la terre qui gronde sous 32 000 sabots ! Imaginez l’effet sur l’adversaire attendant le choc frontal !

Courage impétueux, honneur et panache, sont la marque de ces héros, toujours prêts à mourir pour l’Empereur et pour la gloire.

Et qui, mieux que Georges Blond, a su nous dépeindre au quotidien ces soldats de l’Empire, à la fois héros et martyrs, pillards ou déserteurs, mais infatigables conquérants pleins de courage, formant l’armée la plus efficace au monde ?

La Grande Armée est née au camp de Boulogne, avec la volonté de Napoléon d’envahir l’Angleterre.

Cette armée d’invasion, c’est l’Armée d’Angleterre, qui deviendra plus tard la Grande Armée, quand elle marchera sur l’Europe, pour se couvrir de gloire à Austerlitz.

Nous sommes en 1805. Voilà des mois que Napoléon a préparé son plan d’invasion de l’Angleterre. Cap sur Deal, à 13 km de Douvres.

140 000 hommes sont stationnés à Boulogne. 80 000 embarqueront le même jour, avec 16 000 chevaux.

Les maréchaux Lannes, Davout, Murat, Soult et Ney sont de la fête.

Et si Napoléon reste persuadé d’écraser l’armée anglaise, simple formalité, il semblerait qu’il ait sous-estimé le risque naval, avec un plan plus qu’audacieux.

Les escadres françaises de Toulon, de Rochefort et de Brest doivent accaparer suffisamment les forces navales anglaises au large, afin de permettre à la flottille de bateaux transportant l’Armée d’Angleterre, de traverser la Manche de nuit sans dommage. Huit heures de mer.

On ne saura jamais comment aurait tourné l’aventure, car avec un rusé renard comme l’amiral Horatio Nelson, la Manche aurait pu se transformer en cercueil pour toute l’Armée d’Angleterre, piégée sur des bateaux sans défense.

En revanche, un anéantissement de l’armée anglaise aurait changé le cours de l’Histoire.

En attendant, au soir du 20 août 1805, Napoléon lance l’ordre d’invasion de la perfide Albion.

Il est temps d’en finir avec cette nation, qui “depuis 10 siècles, opprime la France”.

C’est la joie au sein des régiments. 100 000 hommes trépignent pour embarquer. Avec les 16 000 chevaux ! Napoléon n’a peur de rien.

“Cette fois, ça y est. Pas trop tôt. On s’est assez emmerdé ici. Vivement qu’on voie les habits rouges !”

“Et  ces putes d’Anglaises !”

À Montreuil, le maréchal Ney donne un bal, quand un messager transmet l’ordre de l’Empereur.

Aussitôt, les jeunes officiers plaquent leurs cavalières et sautent sur leur cheval pour regagner Boulogne. Pas question de manquer la gloire !

Hélas, le contrordre arrive. L’amiral Villeneuve a fait faux bond. Et plus question d’attendre.

La guerre se déplace à l’Est. Le 26 août, maréchaux et généraux lisent à leurs troupes l’ordre du jour devenu fameux :

“Braves soldats du camp de Boulogne ! Vous n’irez point en Angleterre. L’or des Anglais a séduit l’empereur d’Autriche, qui vient de déclarer la guerre à la France. Son armée a rompu la ligne qu’elle devait garder, la Bavière est envahie. Soldats, de nouveaux lauriers vous attendent au-delà du Rhin. Courons vaincre ces ennemis que nous avons déjà vaincus !”

Ce sont 200 000 hommes qui se mettent en marche, prenant le nom de Grande Armée, dont les exploits et les souffrances couvriront les pages de 80 000 ouvrages à travers le monde.

Et le 2 décembre 1805, cette Grande Armée entre à jamais dans la légende, avec l’éclatante victoire Austerlitz.

Une victoire que nos poules mouillées au pouvoir n’osent plus célébrer, pour ne pas froisser les minorités ! C’est dire le naufrage moral de ce pays !

Russes et Autrichiens sont laminés. De cette bataille mémorable, étudiée dans bien des académies militaires du monde, retenons deux discours de Napoléon.

L’un très célèbre, à la gloire des grognards. L’autre moins connu, réprimandant un régiment qui a perdu son aigle.

“Soldats ! Je suis content de vous”…”Mon peuple vous reverra avec joie et il vous suffira de dire : “J’étais à la bataille d’Austerlitz”, pour qu’on vous réponde : “Voilà un brave”.

 Mais face au régiment qui s’était laissé déposséder de son aigle par la Garde russe, Napoléon pouvait être intraitable.

“Où est votre aigle ? Vous êtes le seul régiment de l’armée française à qui je peux faire cette question ! J’aimerais mieux avoir perdu mon bras gauche que d’avoir perdu une aigle ! Elle va être portée en triomphe à Pétersbourg et, dans cent ans, les Russes la montreront avec orgueil.”

“Que ferez-vous pour réparer cette honte ?”

“Il faut qu’à la première occasion votre régiment m’apporte au moins quatre drapeaux ennemis, et alors je verrai si je dois lui rendre son aigle.”

Nul doute que ce régiment ait fait merveille sur les champs de bataille pour laver l’affront et récupérer son aigle.

De 1805 à 1815 la Grande Armée laissera 1 million de morts sur les champs de bataille.

Morts pour rien diront certains. Non, morts en écrivant de belles pages d’histoire, à une époque où la guerre était la norme en Europe.

Une époque où les mots patrie, courage et honneur avaient encore un sens.

Jacques Guillemain

Ex-officier de l’armée de l’air. Pilote de ligne retraité. Un “lépreux” parmi ces millions de patriotes qui défendent leur identité et leur patrimoine culturel.

Commentaires: 0