Un petit couplet sur le comportement de Jupiter.

...par le Col. Jean-Jacques Noirot - le 31/07/2018.

"Que tout ce qui respire s'en vienne comparaître au pied de ma grandeur."

La Fontaine. "La besace". 

 

Jupiter est retombé des cieux pour patauger dans le pestilentiel marigot Benallaien dont son auguste divinité était éclaboussée . Ah, que c'est beau ! Ah que c'est grand, un Dieu qui bave ! Qui éructe ! Qui plastronne ! Qui bombe le torse !

Et comme ce rôle comique lui va bien ! 

 

Devant un parterre de lèche-bas-du-dos, drapé dans son immunité divine, le "chef", sans risque, a cheffé l'autre soir, dans un recoin de la République, pour haranguer les siens. Le responsable, c'est moi ! Moi, Moi, Moi ! La cour se presse. La cour se gausse. La cour moque. La cour s'esclaffe. La cour, un instant flageolante, tombe en pâmoison et revit. 

 

"Ah! Ma cour, ma cour à moi, cour de mon cœur, merci! Ma cour, je sais que tu m'aimes, et maintenant que tu m'as vu défiant la haine, je veux que tu m'adores, passionnément......Ma cour, vois mes mécaniques, comme elles roulent bien pour toi ! Admire moi ! Longtemps à m'applaudir use tes mains. Dis moi que je suis grand. Sois mon reflet sublime. Ma cour, je te veux pour moi tout seul, à mes pieds, pour m'enivrer de la fière grandeur que tu me prêtes. Vous qui êtes là, qui célébrez ma gloire, je vous promets la vanité jusqu'à la fin des temps."

 

"À quel autre suis-je pareil ? À nul autre ! Je ne crains pas la foudre. Face à moi, je veux que tout et tous se courbent, comme vous aujourd'hui, qui ployez vos échines sous mes pas souverains. Je suis la Vérité, je suis Celui qui est, le bras de la justice, le glaive de la Victoire. Les Rois étaient des nains, les Empereurs des cuistres, César un amateur, Anibal un faussaire. J'ai effacé Valmy, obscurci Austerlitz, j'ai éteint le Grand Siècle, de l'Arc je suis la flamme. J'ai inspiré Catule, guidé l'armée d'Aetius, couché sur une paillasse les Califes d'Orient, je suis de Rome le feu sacré, de Diogène le soleil, de l'onde le miroir."

"Et toi, peuple de rien, agrippé aux racines, et toi, masse indomptable, qui marche le front haut, et toi, foule recueillie, qui chante les joies de l'âme, à genou ! Je le veux ! Vous n'êtes que des sots.  Je vous veux inclinés, dociles, faibles et soumis. Flattez moi, adulez moi, vénérez moi. Je suis l'Emmanuel, et aussi le Messie. Je suis tout. Je suis moi. Moi, Moi, Moi !"

 

L'Amérique le ridiculise, la Russie le méprise, l'Orient l'ignore, l'Afrique le submerge, l'Islam l'asservit, l'Europe l'emprisonne. Il n'est pas maître chez lui, fait la leçon à la terre entière, écrase les humbles de son mépris. Un général d'armée n'est rien. Un vaurien mythomane lui fait peur. 

Ce Jupiter en plastique n'est qu'un falot pérorant rongé d'orgueil. Une lanterne éteinte à bout de bras, il avance, titubant vers l'abîme de son monde opaque, imaginaire, puéril, entraînant avec lui, tel le Rattenfänger von Hammeln, les âmes qui un jour en le croisant, se sont perdues en écoutant, ébahies, ses utopies funestes.

 

Derrière lui, tout un peuple grondant lui tournera bientôt le dos. Monteront alors de ses bouches haletantes d'enivrants cris d'espoir appelant à de meilleurs lendemains. 

 

JJN

 

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