RADICALISATION : Retour aux sources

Par le Col. Gilles Lemaire - le 05/04/2016.


Aux sources de la radicalisation.

Les récents développements de l’actualité nous ont transportés sur le théâtre tragique des attentats auxquels les capitales européennes doivent maintenant s’accoutumer. Ils ont aussi permis de mesurer l’ampleur du phénomène : on évoque les effectifs d’une centaine de personnes sur la filière responsable, en cours de démantèlement selon les propos du chef de l’Etat. La théorie de l’action individuelle, du « loup solitaire auto radicalisé » agissant de sa propre initiative, sans connexion avec une organisation extérieure, se trouve infirmée. On n’exclut pas l’existence d’autres filières de même importance susceptibles de relancer l’action dans les prochains jours. Les auteurs d’attentats sont en grande partie recrutés dans les pays européens, partent vers le Proche-Orient pour rejoindre « l’Etat islamique au Levant » et reviennent commettre leur forfait dans le cadre d’opérations parfaitement orchestrées. Ceci pose le problème de leur recrutement au sein de notre jeunesse, de leur radicalisation, de leur conversion à un Islam aussi rigoriste que violent.

Les chiffres évoqués marquent la gravité du phénomène : 1 850 personnes seraient impliquées dans les filières du Djihad dont 600 présentes en Irak et en Syrie. Certaines reviennent, la plus grande partie est placée sous surveillance, mais d’autres arrivent parfois à s’y soustraire, quand elles ne sont pas perdues de vue par suite d’erreurs de procédure judiciaire ou d’insuffisance des moyens d’investigation...35% sont des jeunes filles, pourtant réservées à un bien sinistre sort sitôt arrivées au pays de Cham, celui du mariage temporaire qui constitue une prostitution déguisée. Tous sont exposés aux pires violences et à une mort quasi-certaine à l’occasion d’attentats-suicide.

Pourquoi des jeunes empruntent-ils cette voie ? On doit constater que leur foi est aussi soudaine qu’incertaine, découverte sur Internet, certains partent même avec « l’Islam pour les nuls » dans leur bagage. Cette foi est-elle vraiment fondée ? Comment peuvent-ils par une mort brutale courir au paradis d’Allah « où coulent des rivières » et mille autres délices qui répondent aux fantasmes d’une époque bien révolue ? Leur questionnement n’est pas que religieux. Son expression bien naïve exprime un véritable nihilisme, un reniement de l’ordre social que leur propose notre pays. Les impétrants ne sont pourtant pas majoritairement issus des milieux les plus défavorisés. Certains pouvaient trouver dans la continuation de leur parcours le confort d’une situation acceptable, sinon honorable.
Beaucoup ont cependant connu la prison et, à cette occasion, le basculement vers cette voie funeste. Fait rapporté par des personnels de l’administration pénitentiaire : en milieu carcéral, il vaut mieux se convertir à l’Islam pour être mieux protégé vis-à-vis des autres détenus qui y exercent une pression permanente, détenus qui poursuivent impunément un trafic extérieur leur assurant un séjour confortable derrière les barreaux, leur permettant même de subvenir aux besoins de leur famille...

La raison sociale et les conditions d’existence donnent une explication imparfaite sans pouvoir être totalement exclues. Il en est de même de l’origine familiale ou religieuse puisque le recrutement s’opère dans tous les milieux. Donc, avant l’aspiration au dépassement et à la transcendance, ce mouvement relève d’un échec du pays.
Echec de l’Education nationale qui n’est pas parvenue à transmettre nos repères moraux, ceux qui étaient chers aux instituteurs d’antan, à nourrir l’imaginaire de la jeunesse de notre roman national, à maintenir un égal accès à la promotion sociale au travers d’examens et d’un parcours reconnus, établissant une véritable équité entre tous et notamment pour l’accès à l’emploi.
Echec de la famille maintenant éclatée, avec des parents fantômes abandonnant leur progéniture devant les écrans, les tablettes et autres smartphones, aux discours non-contrôlés. Echec de l’Etat qui n’est plus respecté, qui admet impunément toutes les transgressions, qui promeut une tolérance considérée comme décadence et bouffonnerie.
Echec d’une nation qui refuse délibérément, au travers de l’expression démocratique offerte à tous, une gestion salutaire de ses comptes et donc de son devenir, qui n’est plus en mesure de faire face à ses devoirs régaliens, faiblit devant les vociférations des plus activistes qui sont bien souvent les mieux servis.
Perte a contrario des valeurs précisément toujours portées par l’islam, fidélité, honneur, appartenance, que l’on ne retrouve que dans de rares îlots de notre société, comme l’armée vers laquelle aspire un plus grand nombre de jeunes et à laquelle se réfère de nouveau bien des politiques. Sans doute le personnage religieux, l’imam, peut apporter la bonne parole à cette jeunesse allant joyeusement à la mort, celle de l’apaisement que proposent beaucoup de représentants de cette religion.

Mais cette démarche s’avèrera bien vaine si les échecs du pays ne sont pas corrigés, si l’Etat dont la fonction première est d’assurer ordre sécurité et justice, et au total l’harmonie entre tous, ne se montre pas à la hauteur de sa tâche. Ceci ne dépend pas d’une fraction religieuse particulière, fût-elle la plus tardivement parvenue sur le territoire, ceci relève d’une prise de conscience de l’ensemble du pays, et sans aucun doute de la condamnation d’une attitude désinvolte généralisée, par trop individualiste vis-à-vis de la chose publique, de la respublica qui nous est si chère ...

 

Gilles LEMAIRE
Colonel (e.r.) des Troupes de marine

 

 

Source : http://www.asafrance.fr/item/radicalisation-retour-aux-sources.html

 

 


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