Il est très rare qu'un haut responsable de
l'armée française prenne publiquement la parole pour tirer le signal d'alarme. Encore moins lorsqu'il s'agit du Général Pierre de Villiers, chef d'état-major des armées. C'est pourtant ce qu'il
choisi de faire dans nos colonnes.
Précision. Le texte que Pierre de Villiers nous a écrit - il convient de le préciser, avant l'attentat de Berlin du mardi
20 décembre - est à la fois un constat et un appel. Le constat : l'armée française est parvenue à la limite de ses forces.
L'appel : il faut absolument lui donner les moyens de faire face aux nouvelles menaces qui se multiplient.
Avec la rupture des années 2015 et 2016, nous avons changé d'époque. C'est « la fin de l'insouciance ». La paix, désormais, ne va plus de soi ; il faut la conquérir
; s'extraire du piège dont les deux mâchoires sont le déni et la désespérance. Toutes les forces de défense et de sécurité, toutes les forces vives de la nation sont au défi d'apporter une
réponse globale ; car gagner la guerre ne suffit pas à gagner la paix. L'instabilité et la complexité de la situation sécuritaire l'exigent. L'impératif de responsabilité le
commande.
La violence érigée en système
D'ores et déjà, nos armées s'opposent, avec une détermination sans faille, au phénomène du terrorisme islamiste radical, qui a érigé la violence en système.
L'ennemi que nous combattons est très éloigné des schémas classiques. Nous sommes face à un ennemi qui s'attaque davantage à ce que nous sommes qu'à ce que nous avons. A sa violence barbare, les
hommes et les femmes de nos armées opposent la force légitime.
Pour autant, nous devons prendre garde à ne pas nous laisser aveugler par cette seule menace, immédiate et concrète. Le retour des Etats puissances ne laisse plus
place au doute. Aux portes de l'Europe, en Asie, au Proche et Moyen-Orient, de plus en plus d'Etats mettent en œuvre des stratégies qui reposent sur le rapport de force, voire le fait accompli ;
tous réarment.
Dans cet environnement en pleine mutation, le choix posé par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de conserver la « garde haute », grâce à une
gamme étendue de capacités, nous a permis de faire face. Nos trois armées n'ont jamais cessé, depuis lors, d'être aptes à intervenir dans chacun des cinq milieux que sont la terre, la mer, l'air,
le cyber et l'espace. Elles n'ont déserté aucun des champs d'affrontement tout en s'adaptant, en temps réel, au nouveau continuum entre défense extérieure et sécurité intérieure. Elles ont
toujours assumé la totalité de leurs responsabilités internationales. Cette réalité atteste de la pertinence de notre modèle complet d'armée, tel qu'il a été pensé. Le modèle est bon ; mais il
fut taillé au plus juste.
L'accélération du tempo des engagements et la multiplication des crises le mettent sous extrême tension et l'usent. Or, rien ne laisse penser que la tendance puisse
s'inverser prochainement. Ainsi que le président de la République l'a rappelé, nous avons « le devoir de nous préparer à une guerre longue ». Il faut
comprendre que le moindre décalage de cohérence entre les menaces, les missions et les moyens s'apparente au grain de sable qui grippe le système et conduit à la défaite. C'est le danger auquel
nous nous exposerions si rien n'était fait. Tout le monde l'a compris : on ne gagne pas une guerre sans effort de guerre.
Volontarisme du ministre de la Défense
L'actualisation de la loi de programmation militaire 2014-2019 a marqué une première étape en mettant un terme inédit à la tendance baissière des trente-cinq
dernières années. Le volontarisme du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, soutenu par l'équipe que nous formons, derrière lui, avec les chefs d'état-major d'armée, a permis cette
stabilisation, devenue indispensable.
Désormais, pour les armées, cet effort doit se traduire par une hausse progressive du budget de la défense pour rejoindre la cible de 2 % du PIB , avant la fin du prochain quinquennat. Cet effort, qui correspond, d'ailleurs, à un engagement international de la France et de ses partenaires de l'Otan
ne pourra être ni allégé ni reporté, en dépit de la complexité de l'équation budgétaire étatique prévisionnelle. Il vise l'atteinte de trois objectifs qui tous concourent à la robustesse et à
l'efficacité de nos armées.
Premier objectif : récupérer des capacités auxquelles il avait fallu renoncer temporairement, pour des raisons
budgétaires, à un moment où le contexte sécuritaire était différent. Demain, si rien n'est fait, ces impasses affecteront sérieusement la conduite des opérations. C'est le cas, par exemple, des
patrouilleurs hauturiers nécessaires à la surveillance des côtes ; c'est, également, le cas des avions ravitailleurs et des avions de transport qui permettent d'agir dans la profondeur ; il en va
de même pour les véhicules blindés qui connaissent un vieillissement accéléré. Ce ne sont là que des exemples parmi d'autres.
Deuxième objectif : aligner les contrats opérationnels sur la réalité des capacités que nous engageons en
opération : hommes, équipements, logistique, munitions... Ces contrats, détaillés dans le Livre blanc, sont, désormais, très en deçà de l'engagement réel et actuel de nos forces. Cette situation
de distorsion est commune à nos trois armées. Elle n'est pas tenable dans un contexte de dégradation durable de la sécurité et ne pourra être résolue par une réponse exclusivement fondée sur le «
tout-technologique ».
Troisième objectif : assurer l'indispensable crédibilité de la dissuasion nucléaire par le renouvellement de
ses deux composantes, océanique et aérienne. Pour être soutenable, l'effort doit être lissé sur les quinze prochaines années ; il en va de la cohérence de notre défense au moment du retour des
Etats puissances. Différer cette décision acterait, en réalité, un véritable renoncement.
La poursuite de ces trois objectifs, indispensable à la solidité de notre outil de défense s'accorde, il faut le rappeler, avec la logique économique : 1 euro
investi dans la défense représente deux euros de retombées pour l'économie nationale avec des effets de levier extrêmement puissants en matière de recherche et de développement, d'aménagement du
territoire, d'emploi, d'exportations et, in fine, de compétitivité. En outre, il faut souligner que la recherche technologique duale profite
directement au secteur industriel français, dans son ensemble. Enfin, rappelons que c'est l'existence d'une base industrielle solide et pérenne qui permet à notre pays de préserver son autonomie
stratégique.
Le temps presse
Pour résumer, l'enjeu de cet effort budgétaire est clair : rester capable d'assurer, dans la durée, la protection de la France et des Français face au spectre
complet des menaces. La communauté de vues qui émerge autour de cet objectif raisonnable révèle une volonté collective et assumée de se projeter dans l'avenir et d'agir sans attendre. Le temps
joue contre la solidité du modèle.
L'année 2017 doit être, en conséquence, l'occasion d'initier un processus vertueux en conduisant une revue stratégique ramassée. Sur cette base, il faudra procéder
au vote d'une nouvelle loi de programmation militaire et préparer un budget 2018, robuste et cohérent, véritable première marche d'une montée en puissance, désormais indispensable. Le temps
presse.
Notre pays compte sur ses armées pour résister, affronter et vaincre. C'est bien là leur vocation. A cette sollicitation et à cette confiance, les hommes et les
femmes de nos armées répondent avec détermination par un engagement total, parfois jusqu'au sacrifice, en portant des valeurs dont nous pouvons être légitimement fiers : le respect, la
discipline, la cohésion, le courage. Ce ne sont pas que des mots pour nos militaires ; ils vivent de ces valeurs et les incarnent. En échange, les armées savent pouvoir compter sur la nation pour
soutenir et participer pleinement à cet effort collectif : le prix de la paix c'est l'effort de guerre.
Général Pierre de VILLIERS Chef d'état-major des armées
François Hollande juge le budget de la Défense suffisant
Les caisses sont vides depuis le 12 octobre....Alors, qui dit vrai....?
Bercy a gelé plusieurs milliards qui manquent donc pour terminer l'année 2016. Ils seront reportés sur 2017...et manqueront donc pour 2017 et les année
suivantes.
Notre "Président", pourtant Chef des Armées n'est pas capable de mettre bon ordre dans tout cela et mettre les "technocrates de la finance" aux
ordres.
Enfumage et malhonnêteté !
JMR
Budget de la Défense : "L'armée manque de tout" s'indigne le Général V. Desportes sur "France Info"
François Hollande a estimé mercredi 21 décembre que le budget de la Défense avait augmenté et qu'il était suffisant. Chef d'État-major des armées,
le général Pierre de Villiers a lui réclamé une hausse progressive du budget de la Défense pour atteindre les 2% du PIB, contre 1,77% actuellement. "On a énormément augmenté les
engagements militaires et, en même temps, les moyens n'ont pas été mis en place", s'est indigné sur franceinfo le général Vincent Desportes, spécialiste de défense et de
sécurité.
franceinfo : Selon vous, qui a raison ? Le président de la République ou le chef d'État-major des armées ?
Général Vincent Desportes : Nous sommes habitués à ce que le président Hollande soit toujours très satisfait de son bilan. Le chef d'État-major des
armées a raison d'alerter les Français, il est dans son rôle de dire que les moyens que nous attribue la nation ne sont pas suffisants pour conduire au mieux les missions qu'elle nous donne. [La
hausse du budget attribué aux armées] n'est pas suffisante. Les armées sont sous-entraînées par rapport aux normes. Nos véhicules sont vétustes, dans un état de disponibilité très faible. Seul un
hélicoptère sur trois peut voler.
franceinfo : La loi de programmation militaire a été révisée à la hausse, n'est-ce pas suffisant ?
Général Vincent Desportes : La loi de programmation militaire a été définie en 2013, à partir d'une situation très
différente de celle d'aujourd'hui. Les armées sont sur-engagées par rapport au contrat donné aux armées à ce moment-là.
franceinfo : Dans cette période de restrictions budgétaires, est-il vraiment possible d'augmenter le budget à 2% du PIB plus rapidement, comme le
général de Villiers le demande ?
Général Vincent Desportes : Ce n'est pas une affaire budgétaire mais de compréhension de la menace d'aujourd'hui.
Elle est réelle. On manque de troupes, de moyens, de munitions, de temps d'entraînement et d'argent pour faire rouler des véhicules. L'armée manque de tout. Jamais un gouvernement n'aura
autant sacrifié le futur au profit du présent. Jamais un gouvernement n'aura laissé les armées dans un état comme celui qui va être celui des armées en 2017. Les 600 millions d'euros attribués
aux armées sont incapables de remplir le déficit budgétaire, qui ne date pas de ce gouvernement. Ça fait 25 ans que les budgets décroissent. Ce qui est terrible, c'est qu'on a énormément augmenté
les engagements militaires et en même temps, les moyens n'ont pas été mis en place.
franceinfo : Est-ce-que la solution peut venir de l'Europe ? Doit-elle être mise à contribution ?
Général Vincent Desportes : C'est nécessaire mais ça n'est possible qu'après-demain. Cela fait 60 ans qu'on essaie de
faire l'Europe de la défense et que cela ne fonctionne pas. Un gouvernement responsable, qui veut protéger les citoyens et son territoire face aux menaces, doit se réengager et réinvestir dans la
défense. Je souhaite que l'effet Brexit, qui va faciliter la construction de l'Europe de la défense, et l'effet Trump, avec le désengagement des Américains [dans la protection de l'Europe], nous
donne le coup de pied aux fesses nécessaire pour se rendre compte qu'il faut construire cette Europe de la défense. Quand le chef d'état-major des armées dit : 2% en 2022, il a le
droit mais aussi le devoir de le dire. C'est à lui de dire à la nation : "Il faut absolument exiger de votre prochain gouvernement qu'il fasse l'effort nécessaire pour votre
défense".
Général Jean-Marie Faugère : « 2 % du PIB pour la Défense - c’est notoirement insuffisant ! »
Après la parution de la tribune
du général d’armée Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées qui demande que l’effort de Défense passe à 2 % du PIB
à la fin du prochain quinquennat, le général d’armée (2S) Jean-Marie Faugère, ancien inspecteur général des armées, souligne les effets désastreux dans les armées de la révision
générale des politiques publiques (RGPP) lancée par Nicolas Sarkozy et s’étonne qu’aucun des candidats de la primaire de la droite et du centre n’ait proposé un effort conséquent pour la
Défense.
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