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...par le Col. JJ. Noirot - le 09/11/2017.

 

J'ai commis un article, il y a quelque temps, à propos de la guerre que

nous sommes censés conduire contre le terrorisme islamique. Il n'a pas eu grand succès, ce que je comprends bien, n'étant expert en rien et propre à encore moins. Bien qu'ayant choisi le haut patronage de

Richelieu pour appuyer mon bref exposé, j'en déduis aujourd'hui que

j'eus, en quelque sorte, grand tort de m'aventurer sur ce terrain mal pavé par les polémiques qu'est devenue l'expression: "Nous sommes en guerre", reprise à l'envi par toute une panoplie de personnages devant l'enthousiasme combattif desquels je m'incline humblement.

Nous sommes donc en guerre, depuis 2015, après ces attentats lâchement perpétrés sur notre sol par des combattants de l'islam. Bien avant cette qualification à laquelle, contraint et résigné, je me rallie prudemment, l'emploi de nos armées avait été l'occasion de cette exclamation historico-comique: "C'est le plus beau jour de ma vie", de quelques autres

déclarations non dénuées d'arrière-pensées politiciennes, et d'attitudes grotesques ou farfelues.

Les émotions soulevées par les attentats des années 2015 et suivantes ont donné lieu à de belles et émouvantes cérémonies en hommage aux victimes. Ces dernières méritaient bien cela, au-delà de ce que l'on peut penser des intentions sous-jacentes de leurs instigateurs. Certains mots,

certains qualificatifs semblaient, et semblent toujours, écorcher la langue des faiseurs de discours apitoyés - c'est bien la moindre des choses - par l'horreur de ces événements, mais étrangement incapables de clairement nommer les coupables. Reconnaissons qu'il s'agit là d'une

assez piètre façon, bougies, peluches et bouquets à l'appui, de galvaniser les énergies pour conduire cette guerre qui puise son appellation davantage dans un décorum pétri de compassion que dans un registre guerrier.

Parallèlement à ces médiatiques manifestations civiques et civiles, se voulant unitaires et solidaires, se sont déroulées d'autres cérémonies aux Invalides lorsque nos soldats "morts pour la France" sur les terres lointaines où se jouent, dit-on, notre sécurité et notre avenir, ont reçu un

dernier et vibrant adieu républicain et se sont fait remettre par un haut représentant de la patrie reconnaissante la décoration posthume qu'ils ont amplement méritée. Ce fut chaque fois plus sobre, plus intime, plus solennel, la fraternité militaire n'ayant ni besoin d'afficher cette émotion

profonde qui unit les soldats par-delà la mort, ni l'envie de donner en pâture aux médias la peine infinie des cœurs qui saignent. Guerre ou pas, les tombeaux se sont rouverts pour accueillir dans leurs ténèbres les ombres frémissantes et glacées de ceux qui ne sont plus après avoir donné leur vie.

Je lis ici ou là, quasi quotidiennement, toute l'amertume ressentie par la caste des anciens, de tout grade et toutes origines, à propos de la manière dont fut traité le 13 juillet dernier le chef d'état-major des armées par le nouvel élu de la république. J'y ai, à ma façon, un peu contribué. Sans doute ai-je été bien loin des articles très sérieux, documentés, pondérés sous lesquels se sont révélées d'éminentes personnalités jusqu'alors discrètes pour ne pas dire muettes. Malheureusement, je suis bien sûr que malgré le ressentiment unanime qui a prévalu et prévaut encore dans la plupart des esprits consternés par cette agression publique et indigne, nombreux seront ceux qui le 11 novembre prochain se presseront en rangs compacts pour assister à la cérémonie présidée par celui qui les aura si maladroitement cabrés dans l'affliction.

Comportement républicain oblige diront certains. Pourquoi pas....

Celui qui, avec dignité, a su, en démissionnant, répondre à l'insulte dont il fut l'objet, doit commencer à s'irriter de voir tant de belles âmes prendre prétexte de sa douloureuse admonestation pour déverser leurs critiques sur tout ce qui leur semble ne pas aller dans nos armées. Il parait de plus en plus évident, pour les esprits éclairés, que, sauf exceptions notables comme le plaidoyer du général Soyard et certains articles percutants à usage interne, cela sert peu, voire pas du tout la cause qu'ils veulent, non sans conviction et ferveur, défendre

publiquement.

La hiérarchie militaire, gardienne d'un pré-carré gestionnaire largement ébréché, n'a pas bougé. Était-ce son rôle?

Certains se sont interrogés sur cette apparente indifférence. Il n'était pas utile d'ébranler davantage l'institution.

Ce n'est donc pas dans cette direction qu'il faut mobiliser les énergies des anciens pour montrer leur force et exprimer détermination, réprobation et soutien.

Lisant une excellente prestation faite devant la commission parlementaire de la défense nationale, je me suis senti interpellé par la prise de position de son auteur à l'égard du maréchal Pétain, que j'ai trouvée aussi pertinente que pleine de bon sens. L'image de ce soldat faisant face à ses accusateurs lors de son procès m'a traversé l'esprit. Ce qui suit ne vaut ni oubli, ni pardon, ni excuse pour les égarements dans lesquels ce maréchal s'est ensuite lamentablement fourvoyé. Assis, en tenue, sa poitrine ne portait qu'une seule décoration: la médaille militaire. Et pourquoi avait-il mérité cette prestigieuse décoration? Parce qu'il avait, un moment, commandé en chef nos armées devant l'ennemi. Victorieusement.

Les commandants en chef devant l'ennemi, les maréchaux et les généraux ayant rendu des services exceptionnels ont été décorés par la république de la médaille militaire, dont chacun sait qu'elle est réservée aux sous-officiers. Suprême témoignage de reconnaissance, summum des

honneurs, telle est la médaille militaire pour un général. Certes, il est possible de s'interroger sur le bienfondé de son attribution à Nivelle ou Gamelin. Mais tous les autres ne souffrent aucune discussion, de Mac-Mahon à Béthouart, de Joffre à Juin.

Nous sommes en guerre ? Soit. Cette guerre, avec la fin de l'état d'urgence, a pris un tour nouveau. Une page s'est tournée.

Sur les théâtres d'opérations d'Afrique ou du Moyen Orient comme sur le sol national, les soldats de toutes nos armées, obéissant aux ordres de leurs chefs, ont contribué, toujours au péril de leur vie, parfois en versant leur sang, et sans jamais faillir, à faire évoluer la façon de la conduire. L'Etat

Islamique est défait sur ses terres. Pourtant, la victoire n'est pas encore avérée. Il faudra encore du temps et une détermination beaucoup plus forte des pouvoirs politiques européens et d'ailleurs pour venir à bout de l'islam de combat dont les ramifications tentaculaires et hybrides

irradient l'Occident, l'Afrique et l'Asie.

Qui, pendant la première phase de cette guerre, puisque partout il est admis que c'en est une, commandait en chef nos armées, et a amené nos responsables politiques, au nom desquels il a toujours loyalement agi, à faire ce constat que tout ce qui avait été imaginé, préparé, ordonné,

entrepris, et fermement conduit jusqu'au terme était juste et bon pour le succès des armes de la France ?

Le général de Villiers.

 

Telle est sa victoire. Tels sont ses mérites. Tels sont ses services exceptionnels. C'est ainsi. Qui oserait le nier ?

Plutôt que de ressasser indéfiniment et dans le vide les reproches que l'on peut légitimement faire aux politiciens inexpérimentés qui nous gouvernent en confondant uniformes et déguisements, parlottes et ordres d'opérations, budget et peccadilles, proposons-leur de rendre

justice à cet officier général, et de le décorer de la médaille militaire.

Suggérons ! Insistons ! Formons corps !

Nous, les anciens, sommes les nouvelles troupes du général de Villiers.

Cette proposition part de la base. Lui n'a rien demandé. Qui pourrait le faire mieux que nous?

Cela n'effacerait rien, mais vaudrait soutien affiché, visible, confortant de la plupart d'entre nous. Cela entrerait dans la logique du mot "guerre" dont beaucoup ne cessent de se gargariser, et permettrait enfin et surtout à celui qui s'est compromis dans l'insulte gratuite, et de qui assurément tout dépend, de se rapprocher de la grandeur inhérente à sa fonction dont il s'est, un jour, si imprudemment éloigné.

 

JJN

Le 09 Novembre 2017

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