Déjà vaincus...?

par le Gal. Jean Salvan - le 11/02/2016.


A entendre certains commentateurs, dont Pierre Manent, nous serions déjà soumis au monde islamique, vaincus dans un combat qui pourtant nous a coûté bien moins de morts qu’une journée du 1er conflit mondial.

L’Islam du Proche et du Moyen-Orient aurait décidé de nous faire payer les accords Sykes-Picot de 1916, par lesquels Français et Britanniques se partageaient les dépouilles de l’Empire ottoman. Ces accords procédaient pourtant d’une connaissance précise du monde arabe : dès l’origine, la dissension, "fitna", fut la caractéristique du monde musulman islamisé.

Les Arabes sunnites ont toujours rêvé d’un Etat musulman, oubliant leur histoire depuis les origines. Car l’histoire du monde sunnite, c’est la lutte incessante entre Arabes, Turcs et Perses pour l’hégémonie entre la Mecque, Damas, Bagdad, le Caire, Riyad, Istanbul, Téhéran. S’y ajoutent les conflits récurrents entre Sunnites et Chiites, entre majorité sunnite et minorités : Chrétiens, Kurdes, Azéris, Alaouites etc. Nous avons chez nous le même conflit entre ceux qui souhaitent la mondialisation ou la communauté européenne, ceux qui refusent les frontières (no Borders de Calais), et ceux qui tiennent à leur chez soi. Trop de nos dirigeants oublient Jaurès : il  constatait il y a un siècle que la patrie est souvent le seul bien des plus démunis. Car les Palestiniens veulent un Etat palestinien, comme la majorité des Libanais veut un Etat libanais, et je ne vois pas quel Etat du Golfe accepterait de se fondre dans un conglomérat arabe où ses revenus disparaîtraient…

 

Cela dit, il existe deux courants politiques dans l’entité sunnite. Le premier, centré sur l’Arabie saoudite, gardienne actuelle des lieux saints, prônant une lecture littérale du Coran et des textes fondateur ; le second, centré sur la Turquie (qui n’est pas arabe, rappelons-le), la Syrie et l’Irak, a subi l’influence des Français et des Soviétiques : ces trois pays ont élaboré des doctrines républicaines et laïques, qui se sont traduites par le kémalisme et les partis Baas syrien et irakien.

 

A la suite du premier conflit afghan, mené contre les Soviétiques par les Etats-Unis et l’Arabie saoudite, nous assistons au retour du courant musulman intégriste prêché par les religieux saoudiens, c’est à dire le wahabisme, une lecture rigoriste des textes fondateurs - Coran, Sîra, hadiths - d’où découlent  le salafisme, les Frères musulmans, Al Qaïda, Daech, etc.

Le résultat, c’est d’une part la lutte contre l’Iran, qui voudrait rassembler en une seule entité les Chiites séparés et brimés dans les Etats Sunnites. C’est d’autre part la volonté turque d’être un modèle du monde musulman et de réunir les turcophones. C’est ensuite Daech qui, à la différence d’Al Qaïda, a voulu se constituer une base étatique d’où rassembler en un seul califat les Musulmans du monde entier. C’est enfin les problèmes de l’Arabie saoudite, qui ne peut supporter la volonté iranienne de rassembler les Chiites, qui ne peut admettre la prétention de Daech de recréer un califat et qui voit avec réticence les visées turques...

 

Daech, sigle du califat installé sur les parties sunnites de la Syrie et de l’Irak, c’est la synthèse entre le totalitarisme irakien de Saddam Hussein et le wahabisme, le mélange de la terreur et du juridisme hanbalite -l’école la plus sectaire de l’Islam- C’est simultanément un Etat en devenir, une centre de propagande efficace, et un militarisme terroriste. Mesurant mal les capacités de réactions des Occidentaux, Daech a lancé des cellules terroristes en France, en Belgique, en Allemagne, en Turquie.

Face à un monde musulman divisé comme il l’est, notre combat est donc loin d’être perdu. Surtout, l’Arabie saoudite s’est empêtrée dans un conflit yéménite où elle a plus à perdre qu’à gagner. La Turquie, voulant à la fois écraser les Kurdes, Bachar el Assad et Daech est en passe de tout rater.

 

L’intervention russe en Syrie a changé la donne : les Etats-Unis ont gardé de mauvais souvenirs de leur conflit en Afghanistan ; en période électorale ils sont tétanisés. Et les différentes factions de l’opposition syrienne, divisée entre républicains et islamistes de tous poils, n’a jamais pu s’unir, et reste incapable de vaincre sans le soutien massif des Américains, Occidentaux, Saoudiens et Turcs, de plus en plus mesuré.

Les Russes ont parfaitement su jouer leurs cartes politiques, tactiques et stratégiques : ils se présentent en défenseurs des minorités, et surtout des chrétiens ; ils veulent éviter en Syrie le chaos libyen. Leurs actions militaires furent lancées alors que les Syriens de tous bords sont épuisés par près de cinq années de guerre civile, et que les soutiens des opposants syriens réalisent qu’ils se sont fourvoyés.

 

Pour nous, la situation est délicate. Notre pays s’est fait gloire, depuis 1905, d’avoir supprimé toute référence à Dieu. Nous sommes donc très mal placés pour lutter contre l’islamisme, qui mène justement un combat au nom d’Allah.

Les droits de l’homme ne peuvent constituer un substitut de transcendance : comment pourraient-ils préexister à l’homme ? Ils sont fatalement contingents et ils ne peuvent que se fracasser face à la puissance militaire russe ou à la puissance financière saoudienne. Puisque nous changeons de ministre des affaires étrangères, au moins faisons preuve de réalisme, sinon de machiavélisme. Nous avons des intérêts au Proche et au Moyen-Orient, défendons-les. Appuyons-nous sur les minorités, religieuses ou pas. Toutes les religions ont eu leur phase guerrière : cessons de proclamer que l’Islam est une religion de paix. Le soufisme, qui est la voie pacifique de l’Islam, n’est pratiqué que par moins de 5% des Musulmans, les autres le considèrent comme une déviance. Cessons de confondre racisme et islamophobie. Comment peut-on être contre les religions chrétiennes en France et tolérant face aux interprétations les plus folles de l’Islam ?

 

 

Source : http://www.magistro.fr/index.php/template/lorem-ipsum/en-france/item/2568-deja-vaincus

 


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