La paix est une chose trop sérieuse pour ne la confier qu'à des civils

 Le 13/04/2018.

 

Chers amis,

Je vous adresse l'éditorial préparé hier et que j'ai terminé tardivement en soirée.

J'ai commencé sa diffusion vers 23 h 00.

Comme chacun le sait les frappes sur la Syrie ont été effectuées par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France quelques heures après.

Mon éditorial reste cependant d'actualité.

Vous pouvez le retransmettre à vos propres contacts.

Bien cordialement.

 

Antoine MARTINEZ


 

Face aux récents développements de la situation sur le terrain en Syrie et à l'emballement de

déclarations intempestives et irréfléchies pour certaines, on ne peut que s'indigner de

l'égarement et de la perte de réalisme et de responsabilité manifestés par des dirigeants

politiques, à la tête de grands pays, guidés par des intérêts tout autres que ceux liés à la

nécessaire réduction des tensions dans le monde. Ce faisant, par leur manque de lucidité, leur

incapacité à retenir les leçons pourtant récentes de l'histoire, leur absence de vision globale,

voire leur refus d'analyser les conséquences probables de leurs décisions, ils jouent les

apprentis-sorciers en favorisant l'émergence d'un conflit beaucoup plus large et en mettant en

danger la vie de leurs propres citoyens, en l'occurence les citoyens européens les plus exposés

aujourd'hui.

Le président de la République serait donc bien inspiré d'éviter de répéter l'erreur de son

prédécesseur qui, en 2013, plus téméraire que ses homologues américain et britannique,

pensait tirer de nombreux bénéfices en frappant la Syrie.

Chacun se souvient de l'épilogue : la France, isolée, était contrainte de renoncer après les défections du Royaume-Uni et des Etats-Unis dues à l'opposition manifestée par leurs parlements respectifs. Rien n'indique d'ailleurs, à ce stade, que le même scénario n'est pas en voie de se répéter.

Cette fois, le renoncement aux frappes serait cependant plus contre-productif et désastreux en termes de crédibilité non seulement nationale mais internationale pour le président français qui se rêvait en « leader » de l'Europe. Il en sortirait affaibli et la France perdrait en influence. Mais plus les frappes annoncées et sensées être effectives quarante-huit heures après l'incident sont retardées, plus s'installe l'hésitation qui alimente le doute non seulement sur la volonté de les exécuter mais sur leur légitimité.

 

Cela dit, quelques points doivent être rappelés à tous ces va-t-en guerre, dirigeants politiques,

mais également tous ceux de la société civile partisans de l'ingérence et de l'intervention

militaire pour des raisons présentées comme humanitaires.

1. L'invasion de l'Irak en 2003 par les Etats-Unis, décidée unilatéralement, en violation du droit

international, sans mandat de l'ONU, en ayant menti à la communauté internationale sur

l'existence d'armements de destruction massive, a complètement déstabilisé le pays, créé le

chaos et favorisé l'expansion du terrorisme islamique et est à l'origine de la création de l'Etat

islamique.

2. L'action de la France en Libye en 2011 a eu les mêmes conséquences, à savoir la

déstabilisation complète du pays. Cette déstabilisation est à l'origine de l'expansion du

terrorisme islamique et surtout, après la création de l'Etat islamique en juin 2014, de l'attaque

sans précédent subie par les peuples européens avec l'invasion migratoire déclanchée à l'été

2015.

3. La décision de déstabiliser la Syrie est l'une des conséquences de ce qu'on a appelé le

« printemps arabe ». Celui-ci est né en décembre 2010 en Tunisie, s'est propagé dans

l'ensemble des pays arabo-musulmans et a conduit à l'arrivée au pouvoir des islamistes avec

des résultats différents d'un pays à l'autre. A ce moment-là, la Syrie représentait le seul pays

majoritairement musulman vraiment laïque dans la région. C'était insupportable pour certains.

Dès le début de l'année 2011, des émissaires de l'Arabie saoudite et de la Turquie exigeaient

du président syrien des changements dans sa gouvernance et dans ses orientations politiques

pour favoriser les islamistes. Et c'est son refus qui est à l'origine de la déstabilisation de son

pays organisée par ces soutiens des islamistes.

4. Dans le chaos organisé en Syrie, la France a armé des islamistes dans le but de faire tomber le régime syrien. Souvenons-nous : « Al-Nosra fait du bon boulot » (Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères). Au sein de la coalition conduite par les Etats-Unis, la France, suivant aveuglément ces derniers, a appliqué par ses bombardements aériens une stratégie visant à maintenir un conflit de bas niveau pour donner l'impression que la coalition combattait l'Etat islamique, mais en réalité pour affaiblir le président syrien et le faire tomber.

C'était l'obsession des présidents français et américain. Ils ont échoué évitant ainsi qu'après la mainmise des islamistes sur la Syrie, ces derniers s'attaquent à la Jordanie et au Liban ce qui aurait entraîné massacres et exode de millions supplémentaires de réfugiés. Depuis l'intervention russe, la situation s'est inversée à l'avantage du président syrien dont les forces armées reprennent progressivement le contrôle du pays.

 

Les forces syriennes n'ayant eu, objectivement, aucun intérêt à utiliser des armes chimiques, le

7 avril, dans le secteur de la Ghouta libéré à 95 %, on peut raisonnablement accepter l'hypothèse d'une manipulation et, au moins, tout faire pour obtenir la vérité.

C'est pourquoi le président de la République devrait être moins péremptoire dans ses

affirmations marquées par le sceau de la certitude et plus prudent dans sa détermination

affichée de vouloir punir le président syrien. Car son affirmation selon laquelle il détiendrait la

preuve d'utilisation de gaz par les forces syriennes pourrait être qualifiée de mensonge, qui, s'il

se vérifie, porterait atteinte à la fonction qu'il incarne et à sa crédibilité personnelle. Il est

légitime de se poser la question dans la mesure où même les Etats-Unis, malgré les

déclarations de leur président, semblent désormais moins pressés pour lancer des frappes de

représailles. Le secrétaire d'Etat à la Défense vient, en effet, de mettre en garde contre une

frappe sur la Syrie et a demandé la recherche de « plus de preuves de l'attaque chimique

présumée du 7 avril ». Il avait d'ailleurs reconnu, quelques jours plus tôt, n'avoir aucune preuve

et s'appuyer sur les seuls témoignages des médias et réseaux sociaux qui rapportaient que « le

chlore aurait été utilisé ». Enfin, il met en garde contre l'escalade qui pourrait conduire vers un

« conflit plus large entre la Russie, l'Iran et l'Occident ».

 

Il y a donc un risque sérieux de provoquer l'irréparable car des frappes sur des objectifs ou des

cibles des forces armées syriennes au sein desquels opèrent des Russes ou des Iraniens ne

resteront pas sans réponse de la part de la Russie et de l'Iran. Il faut bien comprendre que dans

le rapport de force engagé dans une crise, la gesticulation est un des outils utilisés par la

diplomatie et est envisageable lorsque la force militaire qui la seconde est dissuasive. C'est le

cas pour les Etats-Unis. Mais cette gesticulation, lorsqu'elle repose sur des déclarations comme

celles diffusées par les tweets du président américain est dangereuse à double titre : elle perd

de son crédit (on ne s'adresse pas à la Russie comme à la Corée de Nord), mais d'un autre

côté, elle engage son auteur. On ne peut pas envisager – ce serait inacceptable – que la seule

raison d'une frappe sur la Syrie repose sur le refus de perdre la face après des déclarations

complètement stupides.

 

Il est donc urgent que le président de la République qui s'est piégé en s'alignant hâtivement sur

les Etats-Unis, choisissant ainsi le camp de la guerre, revienne à la raison et décide de

renoncer à ces frappes, qui, en raison du manque évident de preuves sur l'emploi d'armes

chimiques, ne sont pas justifiées. Il serait, en outre, souhaitable qu'il l'annonce rapidement

avant d'être le dernier à le faire, le scénario de 2013 étant en train de se réaliser. S'être

retranché derrière un devoir moral pour motiver ces frappes constitue une aberration et

précisément une faute morale et politique. On ne s'engage pas dans des actions militaires

punitives, même et surtout avec des alliés, sans disposer de moyens ou de sources propres

pour valider l'information, ce qui permet la prise de décisions de façon indépendante et donc en

toute connaissance de cause.

 

Le 13 avril 2018

Général (2s) Antoine MARTINEZ

Coprésident des Volontaires Pour la France

 

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Commentaires: 2
  • #1

    Didier (samedi, 14 avril 2018 23:23)

    Analyse remarquable.On ne peut qu’y souscrire entièrement..La question d’Orient fut naguere(anteENa) l’une des plus redoutée au concours des Affaires Étrangères...c’est dire si la parfaite méconnaissance par nos « édilités »de la question est affligeante..,On ne peut que regretter les administrateurs militaires et civils au temps de notre Protectorat -époque de paix et de prospérité hélas révolue.

  • #2

    AUFSEESSER (dimanche, 15 avril 2018 06:00)

    adherant a votre association depuis le debut; je vous suit 5/5.il va falloir redoubler d efforts pour sortir notre France de cette merde.