Les adieux du...

...GÉNÉRAL JEAN-PIERRE BOSSER

Chef d'état-major de l'armée de terre

Le Figaro Magazine - le 03 mai 2019

 

"Aujourd'hui, tout soldat a encore son bâton de maréchal dans sa musette"

 

Le général d'armée Jean-Pierre Bosser quittera cet été ses fonctions de chef d'état-major de l'armée de terre (Cemat) après cinq ans passés à ce poste où les embûches sont aussi nombreuses que sur le terrain. Il est de ces quelques chefs qui auront marqué de leur empreinte l'armée de terre. En effet, au-delà du travail sur l'évolution de la doctrine de défense, Bosser a transformé le quotidien des soldats jusque dans les moindres détails, de l'armement aux tenues, en passant par les menus de l'ordinaire ou la composition des rations de combat.

 

Après Saint-Cyr, vous avez choisi les troupes de marine et les paras. Nostalgie coloniale ?

Lorsque je suis sorti de Saint-Cyr, je voulais servir parmi des soldats professionnels. J'avais soif d'aventure et le goût des vastes horizons. Je n'ai pas été déçu.

 

A quand remonte votre dernier saut en parachute ?

J'ai quitté le commandement de la 11e brigade parachutiste en 2010. L'assaut venu du ciel, ce n'est pas un plaisir sportif. C'est l'incarnation de la surprise stratégique, d'une mise à terre qui unit le caporal au général.

 

Y a-t-il un grade que vous avez apprécié plus qu'un autre ?

Du lieutenant àla tête de 30 soldats au général chef d'état-major, commander apporte beaucoup de satisfactions humaines et constitue une exigence très forte à tous les grades.

 

Votre souvenir le plus marquant en quarante ans sous l'uniforme ?

 

Notre système de ressources humaines : sa capacité de recrutement, de formation , de promotion au mérite... En 2019, tout soldat a encore son bâton de maréchal dans sa musette.

 

La réalisation dont vous êtes le plus fier en tant que CEMAT ?

Elle est collective : c'est l'estime de soi d'une armée de terre qui est reconnue par nos alliés et estimée par nos concitoyens, à la fois pour ce qu'elle fait et pour ce qu'elle est.

 

Pourquoi avez-vous réintroduit le calot dans l'armée de terre ?

C'est une belle coiffure, chargée d'histoire et de traditions. La fierté d'être soldat passe aussi par la qualité et la beauté de l'uniforme.

 

Les soldats sont-ils, comme on le dit souvent, de grands durs au cœur tendre ?

Les soldats sont voués aux épreuves. Ils sont prêts à donner la mort, et à la recevoir. De cette proximité naît une exigence de dignité et d'humanité très forte. Elle s'exprime notamment au profit des populations qu'ils ont mission de protéger.

 

Le livre de stratégie ou de tactique que vous relisez sans cesse ?

Je garde sur mon bureau l'ouvrage d'un jeune officier sur le général Lanrezac, qui a mené la seule offensive victorieuse du premier mois de la Grande Guerre. C'est aussi un encouragement aux jeunes auteurs militaires, que j'incite à écrire.

 

Etes-vous plutôt Foch ou Joffre ?

Ni l'un ni l'autre, dans le sens où les formes de la guerre ont changé depuis l'époque où ils ont conceptualisé leur pensée stratégique. Il existe toujours des batailles, mais elles ne suffisent plus à gagner durablement la paix.

 

Plutôt Leclerc ou de Lattre ?

On ne choisit pas entre deux compagnons de la Libération ! Je retiens de De Lattre sa devise :      « Ne pas subir ! » Quant à Leclerc, il était  proche de ses soldats, de leur moral et de leurs familles, et a toujours suivi le chemin de la victoire.

 

Le soir, quand vous dînez en famille, vous ouvrez une bouteille de bourgogne ou de bordeaux ?

Choisir entre puissance et élégance ? Les deux, mon général !

 

Appréhendez-vous le retour à la vie civile ?

Mon statut m'impose de quitter mes fonctions à 59 ans. Mais une stratégie globale de retour à la paix comprend un volet militaire, un volet diplomatique et une action de développement

économique. En quittant l'armée, on peut continuer à servir la France dans l'une ou l'autre de ces dimensions complémentaires.

 

Propos recueillis

par Jean-René Van der Plaetsen

 

 

Commentaires: 0