"Le vieux lion..."

...par le Col. JJ. Noirot - le 07/06/2018.

Un petit couplet pour vous distraire.

 

Je dois avouer que je ne l'apprécie pas particulièrement. Ses excès de langage m'ont toujours un peu décontenancé, et certaines de ses idées sont fâcheuses. L'autre soir sur LCI, un chaîne télé hermaphrodite sans grande audience, l'invité s'appelait Jean-Marie Le Pen. J'avais eu l'occasion, une seule fois, de rencontrer ce personnage lors d'une soirée parisienne organisée par l'Amicale des Légionnaires Parachutistes, élite dont je ne fais pas partie, mais dans laquelle je compte beaucoup d'amis. C'était au début des années 80, et la poignée de mains que nous avions échangée m'avait parue gluante, mollassonne, piègeuse. J'en suis resté là, alors que ce politicien était en pré campagne électorale.

 

Pour l'interroger, après une présentation mielleuse annonçant les tumultes de la suite, l'équipe de journalistes tenant le haut de l'antenne avait fait venir une top model du journalisme dont on a senti très vite qu'elle était là pour inscrire à la chambre des métiers son entreprise de démolition. Et, naturellement, espérer une jubilatoire récompense  bien méritée le lendemain en dégustant les retombées médiatiques forcément unanimes de sa pavane aussi gratuite que brutale. 

 

Pour nous mettre en bouche, elle nous déclare qu'elle est venue pour faire connaissance avec l'homme , au delà des turpitudes politiques. Téléspectateurs condamnés à la télévision en raison d'une météo orageuse qui, à défaut d'un bon livre, nous rive sur le canapé, nous voilà soudain plongés dans les affres d'une donzelle blonde qui étale devant nos yeux sa détresse insondable: elle ne connaît pas Jean-Marie Le Pen. Diantre! Mais grâce à cette gravure de mode sans style, sans fond, sans esprit, sans culture et sans intérêt, nous allons apprendre que le "vieux lion" bouge encore. 

 

Il est quand même fatigué. Sa voix s'éraille souvent. La toux est opiniâtre. Le souffle est court. L'embonpoint notable. Mais, installé depuis des décennies sur le piédestal des perturbateurs du ronron ambiant, ce qui jetait un trouble admiratif dans l'esprit retors et malveillant du premier président socialiste de notre Vème république est toujours là: l'homme est d'une indiscutable et immense culture, son esprit reste en éveil, son vocabulaire est aussi riche que précis, ses phrases admirablement ciselées, émaillées de quelques citations latines, font merveille. Les répliques fusent, ne faisant aucune concession aux pleureuses de la conformité malmenée. Ne cherchant pas la polémique, maître de lui, répondant brièvement à des questions tordues et laborieuses, JMLP nous a fait une démonstration du pouvoir des convictions sur l'agressivité bêlante et renâclante des tenants du camp du bien. Sans ces inutiles outrances ou calembours malvenus, ces approximations douteuses, ce tribun dont la flamme brûle encore aurait probablement pu jouer un rôle beaucoup plus important dans l'histoire politique de la France de l'ancien monde. S'attendant impatiemment aux morsures d'un chacal pour mieux l'abattre, la belle blonde a eu droit à la tendresse d'un grand père heureux et fier, sirotant le bonheur des jours qui lui restent à vivre en regardant de haut les démenées pitoyables de sa cancanante interlocutrice. 

 

Cette séance, sensée être une thérapie pour bien-pensants offusqués a révélé  une fois de plus de quels miasmes nous sommes nourris. Le journaliste moyen d'aujourd'hui se dresse sur ses ergots pour se défendre contre l'accusation, qu'il juge intolérable, d'une désinformation dont il serait l'auteur. Le trio indigeste et cosmétique de l'autre soir nous a démontré que beaucoup restait à faire pour que ce métier, aussi nécessaire à la démocratie que l'air qu'on respire, conquiert sa dignité. Les écoles de journalisme ont déserté le bon sens et l'appréhension du réel. Elles façonnent des clones compulsifs et pavloviens baignant dans les fouilles archéologiques des déchets du monde ou se noyant dans les remugles du quotidien. Il ne suffit pas d'être une blonde décolorée en corsage immaculé discrètement entrouvert pour nous intéresser. Cette drôlesse rigide en quête de notoriété, fraîchement débarquée sur les rives accommodantes de la félicité télévisuelle, ne nous a rien appris, sinon qu'elle n'était qu'une bonne élève de l'évangélique pensée médiatique, tant de fois ravaudée, que la vérité effarouche. Les rivages escarpés de la vraie vie lui sont inconnus, et quand bien même elle les connaîtrait, leur visage effrayant ne doit surtout pas venir, un dimanche soir, mettre du désordre dans le merveilleux pouvoir  d'endormissement de la télévision. 

 

Le "vieux lion" immergé dans son siècle est passé, volontairement ou non,  à côté de l'Histoire. C'est une sale habitude de notre  France vieillie, percluse de ses innombrables épreuves, de gâcher trop souvent ses chances. La faute en revient aux deux partis: Elle se donne à des médiocres et ses vrais amants, préférant leurs frasques, font tout pour ne pas l'épouser.

 

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