Il y a vingt ans, les deux tours du World Trade Center s’effondraient sous l’assaut de terroristes islamistes. Le général de division (2s) Vincent Desportes analyse, au micro de Boulevard Voltaire, l’importance historique de cet attentat et l’évolution de la place des États-Unis sur la scène internationale.

 

Il y a vingt ans, l’Amérique a tremblé et vu les deux tours du World Trade Center s’effondrer sous l’assaut de terroristes islamistes. Vous aviez écrit deux ouvrages, Le Piège américain : pourquoi les États-Unis peuvent perdre les guerres d’aujourd’hui et L’Amérique en armes.
Ce jour-là, l’Amérique a-t-elle compris qu’elle n’était pas toute-puissante ?

C’est la première fois que la guerre a été portée sur son territoire national. Toutes les autres guerres ont été conduites à l’extérieur, à part la guerre civile qui est une guerre interne. C’est la première fois que les Américains ont vu les effets de la guerre sur leur propre sol. Cette date est aussi très importante parce qu’elle va clore une période très courte, entre la chute du mur et la chute des tours. Cette période est la période de l’illusion de la toute-puissance américaine et l’illusion de nos valeurs de démocratie et de liberté voulues par tout le monde. Cette période charnière est très intéressante, celle où, effectivement, l’Amérique va perdre son illusion d’être une puissance intouchable.

  

Lorsqu’on regarde l’Histoire américaine, il y a d’abord une opposition avec l’Angleterre puis avec le Mexique dans une moindre mesure, avec l’Allemagne nazie, avec l’URSS et, maintenant, le terrorisme international. C’est comme si les Américains avaient toujours eu besoin d’une espèce d’ennemi de l’extérieur qui nécessite la mobilisation de la population contre cet ennemi de l’extérieur pour préserver l’intérieur. Cet aspect fait-il partie de l’identité américaine ?

Effectivement, l’Amérique est pratiquement toujours en guerre, à quelques exceptions près, depuis que les États-Unis ont été créés. On peut penser que les États-Unis sont une nation belliqueuse. Le sont-ils par nature ? L’Amérique s’est construite dans la violence et dans une lutte à mort contre les Français au départ, contre les Britanniques et contre les Indiens. Les Américains ont toujours conduit des guerres totales, contre la guerre elle-même en 1919, puis contre le mal absolu qu’était le Troisième Reich.

On a l’impression, aujourd’hui, que l’Amérique a besoin de ce conflit qui monte contre la Chine.

C’est là que notre vision du monde, à nous Européens, n’est pas la vision américaine. Le secrétaire d’État à la Défense américain a rappelé, en juin dernier, à l’OTAN, à Bruxelles, que l’OTAN devait se concentrer sur la guerre contre la Chine. Je pense que nous devons savoir dire non et dire que ce n’est pas notre vision du monde. Une nouvelle fois, l’Amérique a perdu de manière quasiment honteuse sa guerre contre les talibans. Nous devons faire extrêmement attention à cet allié qui peut être aussi bien dangereux que bienfaisant.

 

Vingt ans après le 11 septembre, les États-Unis se retirent d’Afghanistan. Cela marque-t-il un déclin de l’influence américaine ?

Cela ne marque pas le coup d’arrêt. La fin de cette vocation était en germe depuis longtemps. Le président Obama était déjà dans ce mood-là. Le président Bush avait, lui, relancé les guerres. C’était en gestation. Il est effectivement probable que les Américains sont définitivement fatigués de la guerre.

Il n’a échappé à personne que les États-Unis ont perdu toutes leurs guerres depuis 1945. Pour aller faire la guerre, il faut des alliés. Je pense qu’ils auront de plus en plus de mal à en avoir puisqu’ils ont abandonné leurs alliés, qu’ils soient vietnamiens, irakiens ou afghans. Ils n’ont pas tenu leur parole. Un véritable problème pour les États-Unis, mais pour l’Occident, puisque les États-Unis sont nos alliés quoi qu’il arrive, c’est la démonétisation de la parole américaine qui risque d’entraîner des troubles très importants dans le monde entier.