Il faut sauver le soldat Piquemal

par le Gal. Philippe Mercier - ancien CEMAT - le 25/10/2016.



Le général Philippe Mercier, ancien chef d’état-major de l’armée de terre, vient d’écrire un

article dans Le Figaro : « Il faut sauver le soldat Piquemal. » 

Il exprime, dans ces lignes, son désaveu de la mesure qui a frappé le général :

Sous forte pression du cabinet du ministre, l’armée de terre réunit son Conseil supérieur.

Christian Piquemal comparaît devant ses pairs, qui se prononcent pour la radiation… Cette décision de l’armée de terre, dont on pourrait dire qu’elle s’est piégée “à l’insu de son plein gré” en se substituant au pouvoir politique pour faire le sale boulot, est évidemment navrante à plus d’un titre.

Elle fait peu de cas du principe de solidarité qui constitue l’un des piliers de l’institution militaire, mais là n’est pas l’essentiel ; elle est inique et disproportionnée ; elle témoigne enfin d’une interprétation frileuse, si ce n’est désuète, du droit d’expression.


Voilà donc un officier général respecté de tous, qui a servi son pays pendant quarante ans de façon exemplaire, qui a fait partie du cabinet militaire du Premier ministre et commandé la Légion étrangère et qui, brutalement, se voit signifier qu’il n’appartient plus à la communauté militaire.

 

Mesure-t-on bien l’humiliation ressentie par un officier qui n’a ni péché contre l’honneur

ni vilipendé la République et ses représentants ?

 

Le général Piquemal avait appris cette mesure mi-septembre par un courrier recommandé. Il avait été entendu le 14 juin par le Conseil supérieur de l’armée de terre (CSAT), siégeant disciplinairement à l’hôtel des Invalides à Paris. L’instance avait transmis son avis consultatif – non communiqué au général ni à ses deux avocats – au ministère de la Défense, et la radiation avait ensuite été prise par un décret du 23 août signé par le président de la République, le Premier ministre et le ministre de la Défense.

Quelle joie, pour un gouvernement socialiste, de pouvoir dire : ce n’est pas nous qui l’avons radié, ce sont ses pairs.

Quelle honte, pour l’armée, de voir que des officiers généraux ont « fermé leur gueule », ont  baissé la tête et ont obéi aux injonctions de petits politiciens.

 

Messieurs, si vous tremblez déjà devant des civils qui, avant d’être au pouvoir, ont souvent craché sur l’armée, alors quelle attitude aurez-vous demain au combat ? Car à l’époque où vous étiez sous-lieutenants, je pense et j’espère qu’aucun de vous n’aurait hésité à donner sa vie pour la patrie et l’honneur de l’armée. Il faut le reconnaître, la vieillesse et les prébendes favorisent le naufrage des « honnêtes hommes ».

 

En d’autres temps, sous d’autres cieux, d’autres officiers généraux n’ont pas hésité entre la parole donnée et l’obéissance. Mais il est vrai que, depuis la fin de la guerre d’Algérie, l’armée a été épurée et remise au pas.

 

N’est pas le général d’armée de Larminat qui veut. Je rappelle que cet officier s’était donné la mort le 1er juillet 1962 à la veille de présider la Cour militaire de justice.

La générale de Larminat expliqua son acte quelques années plus tard. Son mari, pourtant gaulliste, bouleversé à son retour de l’Élysée le 1er juillet 1962, lui avait révélé qu’il venait de recevoir de De Gaulle l’ordre de prononcer des condamnations à mort, notamment celle du général Salan. Il avait ajouté qu’il ne pouvait obéir. Refusant les pressions du pouvoir, il s’était tiré une balle dans la tête.

 

Messieurs les généraux du CSAT, méditez au moins cette phrase du cardinal Mercier :

 

"Quand la prudence est partout, le courage n’est nulle part"

 


Partager :

Écrire commentaire

Commentaires: 1
  • #1

    LE COZ (jeudi, 03 novembre 2016 09:50)

    Michel NEY,Maréchal d'Empire, fut condamné à mort par les Pairs ( dont il faisait partie mais qui,à mon sens, n'étaient pas les siens !!!).Il eût comparu devant un tribunal militaire ? D'aucuns affirment qu'il n'eût pas été exécuté.

    Le cas du général ,évoqué en cet article , m'a d'emblée fait penser à l'ignominie programmée (mais il en fut tant d'autres...) de la condamnation de NEY , " le brave des braves",à cette différence près que ce sont les vrais pairs du général Piquemal qui l' ont "exécuté" .
    Lâcheté et vile soumission du CSAT oblige !!! cet organisme est fort loin du si beau "Noblesse oblige" .

    Quant aux explications fournies par Madame de Larminat,qui ne fut jamais "générale" si ma mémoire est bonne (!!!) , elles relèvent d'une grande dignité visant à sauver la mémoire de son mari .Mais ce dernier ayant quelques "casseroles" qui,à cette époque, avaient été évoquées à l'occasion de sa désignation en tant que président de la Cour Militaire de Justice... Ceci pourrait expliquer cela.Mais ceci est une autre...Histoire !

    Quant au "respect de la parole donnée" primant sur l'obéissance ? ...Hum !Hum!
    Comme l'écrivait l'auteur de "Marius" : "l'Honneur, c'est comme les allumettes....cela ne sert qu'une fois" .

    Yves LE COZ, Colonel d'Infanterie (retiré).