De la sécurité extérieure de l’Europe et de la défense du territoire national

par le Gal. François Chauvancy - le 03/07/2016.


Après le référendum britannique qui met l’Europe dans l’incertitude y compris sur la mise en oeuvre réelle du Brexit, la réponse des 27 a été d’évoquer cette semaine avant tout un besoin de sécurité pour l’Europe qui aurait été exprimé par ce vote et par les opinions publiques d’un certain nombre d’Etats.

 

Notons qu’une agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes a été créée le 23 juin 2016 pour renforcer Frontex et lutter contre l’immigration illégale mais cela sera-t-il suffisant et la menace ne serait-elle que l’immigration illégale ?

 

Federica Mogherini, la Haute Représentante européenne aux affaires étrangères et à la sécurité, a donc proposé, hasard du calendrier, une rénovation du concept de sécurité européenne de 2003. Cette publication « European Union Global Strategy » (Cf. Concept européen) en anglais a été diffusée au Conseil européen du 28 juin 2016. Il a été l’objet de peu d’attention. Il méritera une lecture attentive et un regard approfondi sur les moyens.

 

Tout en rappelant que la défense est une prérogative nationale, le texte souligne le besoin de traiter les crises et les menaces par l’approche globale, par le développement des interdépendances en vue de préserver la paix. La démission le 15 juin 2016 du secrétaire général du Service européen pour l’action extérieure (SEAA), le Français Alain Le Roy, un diplomate expérimenté que beaucoup de militaires ont croisé sur les théâtres d’opération, laisse supposer cependant que tout ne serait pas aussi simple, même si les raisons évoquées sont « personnelles ».

 

Quant à la réalité de la sécurité européenne, sera-elle réellement assurée face aux menaces supposées ou réelles ? (Cf. Les propos de Jacques Attali, repris dans mon billet du 26 juin 2016). De fait, seule l’OTAN permet une défense collective efficace, inspire confiance, laisse supposer une efficacité occidentale … par la réalité de la présence américaine. L’OTAN (et les Etats-Unis) demande toujours que les Etats de l’Alliance respectent enfin les 2% de leur PIB à consacrer à la défense, en particulier pour se protéger des ambitions russes et pas forcément contre la menace de l’islam radical.

 

La menace extérieure et la défense collective à reconstruire n’excluent pas l’actualité de la défense intérieure tout en suscitant débat. Le rapport du ministre de la défense au parlement sur le rôle des armées sur le territoire national (Cf. Rapport du ministre de la défense, mars 2016) a été suivi d’un rapport parlementaire de deux députés sur la présence et l’emploi des forces armées sur le territoire national (Cf. Rapport d’information du 22 juin 2016) sans oublier l’étude d’Elie Tenenbaum  sur l’opération Sentinelle en juin 2016 (Cf. Site de l’IFRI). Sans surprise, l’opération Sentinelle pourrait atteindre ses limites en raison de sa durée.

 

Je constate pourtant que les activités majeures en France, euro de foot et le tour de France, semblent pour l’instant se réaliser en toute sécurité. L’effort des forces de sécurité et des armées a été majeur, les uns n’allant pas sans les autres, compte tenu d’effectifs limités en raison du temps nécessaire pour leur formation.

Cependant, l’intervention des forces armées sur le territoire national mérite une approche non dogmatique, objective et sérieuse. La création d’un commandement de l’armée de terre pour le territoire national le 1er juin 2016 a été une bonne décision après que le maillage militaire et les commandements qui existaient aient été supprimés au fur et à mesure des restructurations des armées.

 

Peut-on oublier que les armées avaient la responsabilité de la défense opérationnelle du territoire national avec des effectifs très importants (Cf. Décret du 1er mars 1973 – merci à mon ancien qui a retrouvé les textes), mission principale finalement donnée à la gendarmerie (Cf. Lire cet article de 1986 publié dans la Revue Pouvoir) et officiellement abandonnée, certes conséquence de la professionnalisation, par le décret signé par le président Chirac, le Premier ministre de Villepin et Michèle Alliot-Marie alors ministre de la défense le 23 avril 2007 (Cf. Décret du 23 avril 2007) ?

N’est-ce pas d’ailleurs encore une preuve de la courte vue de notre personnel politique ?

 

Cette création d’un nouveau commandement spécifique concrétise « la prise en compte par l’armée de Terre de l’évolution de la menace sur le territoire national, à travers notamment un rééquilibrage de son offre stratégique. Placé sous l’autorité directe du chef d’état-major de l’armée de Terre, le commandement Terre pour le territoire national est appelé à devenir un véritable « pôle d’excellence » dédié à l’anticipation, à la préparation et à l’engagement opérationnel sur le territoire national ».

Cette question de l’engagement des forces militaires n’est pas nouvelle mais le contexte d’hier n’est pas celui d‘aujourd’hui.

Je citerai deux situations.

La première se déroule en Nouvelle-Calédonie, d’actualité avec les décès de Michel Rocard, artisan des accords de paix, et d’Edgard Pisani, ancien haut-commissaire dans ces territoires d’outremer pendant les émeutes de 1985-1986. Un officier responsable de forces militaires assurant la protection du haut-commissaire m’avait assuré à l’époque avoir reçu l’ordre de celui-ci, oserai-je dire pudiquement de « rétablir l’ordre », si le haut-commissaire était menacé par les manifestations anti-indépendantistes. Autre époque, autre comportement (Cf. Nécrologie d’Edgard Pisani).

Témoignage qui n’engage que ce témoin, la question de la restauration de l’ordre se pose effectivement en période de troubles intérieurs. Les forces armées n’ont pas vocation à maintenir l’ordre.

En revanche, restaurer en dernier recours l’ordre, en l’occurrence républicain, est une question qui doit être clairement abordée. Bien avant d’y être confronté, chaque officier devrait se poser la question de conscience sur l’application de ce type d’ordre aux graves conséquences.

 

La seconde situation est plus récente avec la polémique sur l’emploi et l’attitude des militaires lors des attentats du bataclan. Ceux-ci n’étaient pas intervenus d’abord sur l’ordre du préfet, ensuite parce que leur entraînement n’a pas vocation à les préparer à sauver des otages, enfin parce que l’emploi des forces armées est soumis à la date d’aujourd’hui à des règles très strictes soumises à des ordres reçus par les chefs militaires (Cf. Le Nouvel Obs).

 

Il est temps de revoir avec moins de soupçons l’emploi des forces armées et l’usage de leurs armes sur le territoire national !


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