SOCIÉTÉ : Une initiative saugrenue

...par le Col. Jean-Jacques Noirot - Le 07/07/2020.

L’urticaire de la contrition a encore démangé les soupentes de l’esprit repentant de nos ministères. Pour tenter de calmer les indigénistes qui pullulent désormais dans toutes les sphères de la vie nationale, excepté chez ceux, parmi les Français, qui ont conservé un minimum de fierté, il fallait trouver quelque chose. Un signal fort, une décision de grande envergure, un symbole de haute intensité. Mais lequel ? Le prurit « racialiste » venu se baguenauder au ministère des Armées avant d’échouer au secrétariat d’État. Il a infusé l’idée lumineuse d’honorer certains anciens combattants tombés deux fois : d’abord au champ d’honneur, ce qui est considérable, puis dans l’oubli, ce qui est tragique. Mais il ne faut pas se méprendre sur les bénéficiaires de cette soudaine sollicitude posthume. Le cercle des élevés à la grandeur nationale ne doit accepter que les candidats portant un nom d’origine maghrébine ou africaine. En dehors, point de reconnaissance. Un Dupont ou Durand, mort pour la France quel que soit le théâtre d’opération, n’a pas sa place dans le futur abécédaire où les maires bienpensants vont devoir puiser les nouveaux noms des rues ou des avenues qu’ils auront préalablement débaptisées.

Se souvenir que nos goumiers, tirailleurs et harkis se sont bien battus pour la France est en soi louable. Mais individualiser la bravoure au nom de la « part d’Afrique qui a libéré la France » est aussi absurde que de vouloir reconstituer la part de chaque grain de blé dans un sac de farine. Soulignons quand même, en passant, l’immense méconnaissance de l’âme militaire qui apparaît au grand jour chez les tenants politiques du destin de nos armées lorsqu’ils se mêlent d’honorer la mémoire des soldats. Ils auraient dû, avant de se lancer dans l’aventure faustienne de la coulpe raciste battue à grand renfort de démagogie, réfléchir à ces deux « fortes paroles », semblant se contredire, dans la bouche des chefs militaires qui ont marqué les générations d’après-guerre. « L’essentiel, c’est l’homme », dit l’un. « Il n’y a pas de troupe d’élite, mais des cadres d’élite » assure l’autre. La contradiction n’est qu’apparente. Ces deux formules se complètent : pas de bons soldats sans bons chefs, et réciproquement.

Bien avant que la cervelle de nos dirigeants suffoquant de zèle ne soit tourneboulée par les manifestations des destructeurs et « déboulonneurs » de notre Histoire, d’autres esprits, sensibles et pragmatiques, avaient largement fait la part de l’honorariat qui revient à l’armée d’Afrique dans la reconquête de nos libertés après la dernière guerre. De nombreuses rues, avenues, boulevards, places portent le nom des régiments, divisions ou armée qui ont participé à la libération de la France. Zouaves, goumiers, tirailleurs, spahis, chasseurs figurent sur de nombreuses plaques en même temps que d’autres régiments d’infanterie ou de cavalerie moins exotiques dans leurs dénominations. L’essentiel est là, à côté des noms des grands chefs militaires qui les ont commandés. Chaque soldat se trouve rassemblé sous l’emblème de son unité, petite ou grande, ayant pris une part parfois décisive dans l’issue de la bataille menée par la France contre l’Allemagne. Ces noms de nos voies sont publics, et résument à eux seuls la gloire collective qui a marqué la conduite de chacun. Car nul, à de rarissimes exceptions, ne peut se prévaloir à titre personnel d’avoir une quelconque exclusivité dans la victoire qui achève les combats, contrairement à ce que semble signifier l’initiative aussi surprenante que malvenue de la secrétaire d’État. Les honneurs individuels par le baptême de noms de lieux ont été rendus en leur temps. Y revenir maintenant sous la pression des hystériques de la déconstruction est d’une lâcheté indicible.

Il n’y a rien d’étonnant à ces égarements pseudo patriotiques. Quand les caisses sont vides, on ne peut, pour calmer l’ire artificielle des provocateurs en tout genre, que tripatouiller dans les inépuisables ressources de la démagogie de basse-cour. Les tenants du pouvoir nous en ont donné d’abondantes preuves, quitte, ensuite, à le regretter.

 

Ainsi en va-t-il des nations qui s’éteignent, dans le grand silence des peuples pétrifiés.

 

Jean-Jacques NOIROT
Colonel (er)
Membre de l’ASAF

 

Diffusé sur le site de l'ASAF : www.asafrance.fr

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