Des orientations sur la volonté jupitérienne...

...à disposer de forces armées fortes ?

...par le Gal. François Chauvancy - le 02/07/2017.

Poursuivons notre réflexion sur les nouvelles orientations de la défense nationale et donc du renforcement éventuel des forces armées.

Une volonté de renforcer les armées à prouver

Mon billet de la semaine dernière (Cf. Mon billet du 25 juin 2017) évoquait cette inquiétude sur l’avenir de la remontée en puissance des armées. En effet, la nomination comme dans d’autres ministères de la haute technocratie à la tête des armées semblait bien indiquer une approche avant tout comptable du fonctionnement des armées.

Entretemps, la commission de rédaction de la revue stratégique a été désignée cette semaine (Cf. L’Opinion du 29 juin 2017). Présidée par Arnaud Danjean, un moment pressenti comme ministre de la défense, elle semble montrer un certain équilibre. Je souhaiterai cependant que d’anciens rédacteurs du Livre blanc ne viennent pas à nouveau polluer la réflexion stratégique. Il ne faut pas oublier que le Livre blanc de 2013 avait évacué la menace islamiste suite à un choix à la fois politique et idéologique. Aucune référence à l’islamisme radical n’y était référencée malgré un rapport préalable du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale du 3 avril 2012 (Cf. Mon billet du 14 septembre 2014).

Cependant, cette commission restera sans doute dans les orientations actuellement décelables chez le président de la République Emmanuel Macron sur la défense.

Le doute persistant sur la sincérité politique dans le domaine budgétaire

La question budgétaire se posera à nouveau. L’annonce du surplus de 8,5 milliards d’euros de déficit montre la duplicité politique de la présidence précédente. Qui pouvait douter que les 3,5 milliards d’euros pour la Guyane et que l’augmentation du point d’indice des fonctionnaires, soit près de 2,5 milliards d’euros, n’allaient pas bousculer les objectifs budgétaires ? Tous les responsables politiques ou presque se sont tus en ignorant donc sciemment les conséquences pour le budget de l’Etat à venir et donc les promesses à tenir notamment pour le ministère des armées. Une énième duplicité ?

Rappelons-nous en 2012 le refus par le candidat Hollande d’attribuer le déficit budgétaire à la crise internationale alors que désormais cette crise est régulièrement rappelée comme une cause majeure de nos difficultés économiques. Le grand slogan de l’ex-président a été d’évoquer avec force dans les années précédant les élections de 2017 son rôle comme réducteur de la dette publique.

Désormais, un nouveau mensonge budgétaire est annoncé et avéré par la cour des Comptes présidé par un socialiste. Peut-on accepter en ce temps de transparence ce mensonge politique et qu’il reste sans conséquence hormis le fait d’avoir été « dégagé » par l’élection ? Celle-ci vaudrait-elle absolution ? Ne faut-il pas faire passer le personnel politique en responsabilité devant au moins la cour de justice de la République pour s’expliquer sinon pour forfaiture ?

Concernant les armées, les conséquences de ce mensonge budgétaire pourront affaiblir la satisfaction des besoins des armées même si les commentateurs ne s’attardent pas sur cette éventualité. Pour l’instant, la reconduite pour un an du général de Villiers dans sa fonction de chef d’état-major des armées peut permettre une phase de transition pour préserver sinon reconstruire le cadre de remontée en puissance des armées.

L’incertitude budgétaire… et politique 

Cependant, ne nous leurrons pas. Un doute sur le soutien à venir aux forces conventionnelles existe notamment dans le domaine budgétaire (Cf. blog OPEX360). Je ne prendrai pour seul exemple que la nomination contre attente du député (anciennement PS) Jean-Jacques Bridey comme président de la commission de la défense et des forces armées. Conseiller défense du président Macron pendant la campagne présidentielle, son passé parlementaire dans ce domaine est éclairant (Cf. wikipedia)

En effet, cette apparente expertise est mise en défaut à travers la lecture des travaux de la commission de la défense nationale et des forces armées à laquelle il a appartenu. Certes, il a été présent à plus de la moitié des réunions sur cinq ans. En revanche, jamais il n’a questionné au cours de ces auditions les personnalités auditionnées. Il a posé quatre questions parlementaires dont une seule au titre de la défense nationale sur le terrorisme en 2015.

Surtout le seul travail effectué a été un rapport d’information sur les enjeux industriels et technologiques du renouvellement des deux composantes de la dissuasion (Cf. Rapport d’information du 14 décembre 2016). Il y défend avec force le soutien à la dissuasion nucléaire et de la filière nucléaire notamment dans ses implications civiles. Cela fait un peu succinct pour une expertise « défense ». Le lobby nucléaire ne sera-t-il pas privilégié aussi bien dans la revue stratégique que dans la prochaine loi de programmation militaire ?

Compte tenu de la contrainte financière, pouvons-nous croire que cette commission avec ses nombreux « amateurs » des questions militaires (Cf. Composition de la commission) traitera sérieusement les questions ayants trait aux forces armées ? Surtout pas d’experts des questions de défense ! D’ailleurs comme toujours, cette commission « fourre-tout » intègre des députés qui ne seront pas présents ayant d’autres d’activités politiques : Bruno Lemaire, Christian Jacob, Richard Ferrand, Jean-Christophe Lagarde…

Revue stratégique et discours politiques

Il n’en reste pas moins que le président de la République s’est placé dès le début de son élection comme chef des armées qui peuvent inspirer la nouvelle revue stratégique.

A Gao (Mali), il déclarait à nos soldats (Cf. Discours à Barkhane du 19 mai 2017) : « je respecterai les impératifs humains et techniques de l’outil militaire mais ma détermination dans l’action sera totale (…)  Je souhaite que notre politique de défense prenne en compte avec la plus grande vigueur les exigences des nouvelles conditions de combat, réponde à vos attentes, notamment en termes de matériel et vous permette de mener à bien vos missions dans de bonnes conditions (…). Il suppose aussi que nous soutenions le développement de l’Afrique en associant les acteurs publics et privés (…) Vos ennemis, nos ennemis, se nourrissent de cette misère. Notre action doit donc aussi être une action de développement (…) pour assécher tout ce qui donne des raisons au terrorisme islamiste de continuer à poursuivre ses actions.

Le 27 juin 2017, Florence Parly, nouvelle ministre des armées, déclarait à son tour : « Sous la direction du président de la République et du Premier ministre, je m’attacherai à promouvoir à son plus haut niveau l’effort de défense de notre pays qui ne saurait baisser la garde à l’heure des périls (…). Je travaillerai à renforcer nos partenariats et nos projets de défense européens. J’assumerai pleinement les responsabilités qui sont les miennes pour poursuivre les réformes nécessaires à la consolidation de notre outil de Défense et à la promotion de notre base industrielle et technologique tout en poursuivant les efforts entrepris en matière d’exportations ».

Pour résumer, une orientation stratégique positive serait une meilleure association de la stratégie militaire et de l’aide au développement. Il faut combattre les causes de l’islamiste radical déjà à l’étranger bien que, sur le territoire national, les causes pourraient être en partie les mêmes.

Les généraux américains ont déjà exprimé il y a peu ce besoin d’une stratégie de puissance plus globale. Ils se sont opposés à la diminution du budget du département d’Etat et donc de celle l’aide au développement et à l’augmentation de 10% du budget de la défense demandée par le président Trump. La force militaire traite des conséquences d’un conflit. L’aide au développement traite des causes de ce conflit. Le débat serait désormais plutôt sur le processus décisionnel. Le ministère des affaires étrangères est-il toujours légitime pour traiter du développement lorsque nous sommes engagés dans un conflit ?

Un corollaire de cette réflexion serait le rapprochement franco-allemand souhaité dans la gestion des crises. L’Allemagne ne veut pas consacrer 2% à la défense au lieu des 1,2% actuels (32 milliards d’euros soit autant que la France qui y inclut 6,5 milliards d’euros pour la dissuasion) en raison de sa forte participation budgétaire au développement (0,7% soit 24 milliards d’euros contre 0,38% ou 9 milliards d’euros pour la France).

Le président de la République semble bien orienter vers une coopération où les forces armées françaises feraient la guerre et l’Allemagne assurerait financièrement le traitement des causes socio-économiques : le sang français et l’argent allemand dans une stratégie commune mais travailler pour le roi de Prusse comme au XVIIIe siècle ? pour être pragmatique, quels seraient alors les retours économiques pour la France qui ne ferait que « dépenser » alors que l’Allemagne ne ferait qu’investir notamment en Afrique (Cf. Allemagne et développement en Afrique, Arte, 28 février 2017) ?

Une seconde orientation affichée dans le discours de Florence Parly est celle de la priorité donnée au renforcement de la défense européenne. Aucune surprise. Le conseil européen a montré une avancée (Cf. Communiqué du 22 juin 2017) par exemple sur la prise en charge financière des groupements tactiques par le mécanisme Athena mais combien de coopérations militaires restées sans suite ou sans efficacité ?

Une troisième est cette évocation de poursuivre les réformes nécessaires à la consolidation de notre outil de Défense. En termes clairs, les chefs d’état-major n’ont-ils pas déclaré sous une forme ou une autre que les réformes, « cela suffisait » ? Qui dit réforme dit déflation depuis des dizaines d’années. Or le CV de la ministre n’indique-t-il pas le risque d’un « nouveau plan social » pour les armées et le non-respect des effectifs promis, risque accru par le nouveau trou budgétaire dissimulé par l’ancienne majorité ?

Enfin, la quatrième orientation est la « promotion de notre base industrielle et technologique ». Donc nous allons vendre des armes et créer de la richesse et des emplois. Le lobby militaro-industriel, comme en témoigne le cabinet de la ministre des armées, est au pouvoir et garde la main, tout ceci aussi dans le contexte du renforcement de la dissuasion nucléaire préparé depuis l’ancienne législature.

Pour conclure

La priorité donnée aux forces armées conventionnelles, celles qui font la guerre et protègent les citoyens au quotidien, me semble loin d’être confirmée que ce soit par le nouveau gouvernement, les discours politiques ou les nouveaux titulaires des différents postes politiques au contact des armées.

 Source : http://chauvancy.blog.lemonde.fr/2017/07/02/des-orientations-sur-la-volonte-jupiterienne-a-disposer-de-forces-armees-fortes/

 

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