La vengeance du serpent à plume.

par le Col. Michel Goya.


« A vous tous, je vous promets solennellement que la France mettra tout en œuvre
pour détruire l’armée des fanatiques qui ont commis ces crimes »
François Hollande, 27 novembre 2015
 
Plus d’un mois et demi après les attaques du 13 novembre à Paris et à Saint-Denis et un mois après cette promesse, on voit donc à peu près la forme de la riposte de la France face à l’Etat islamique : deux chansons, Brel et Barbara quand même, quelques bombardements supplémentaires, par ailleurs planifiés depuis longtemps, et puis….rien. Le « tout mis en œuvre », c’est en fait la même chose qu’avant et ce n’est pas faire injure à nos hommes engagés au Levant que de considérer que nous n’allons pas « détruire l’armée des fanatiques » avec quelques avions et une petite poignée de soldats, même compétents et courageux.
 
A partir de ce constat, il n’y a que deux possibilités : soit l’épée de la France est trop courte, pour reprendre l’expression gaullienne ; soit, on ne veut pas s’en servir. Dans les deux cas, cela mériterait quelques explications. 
 
En janvier 2013, nous avons été capables de déployer au Mali à peu près autant de moyens aériens qu’au Levant, lorsque le porte-avions n’est pas engagé, et une brigade complète de l’armée de terre, plus de 4 000 hommes. Aucune des organisations que nous avons affronté à ce moment-là ne nous avait pourtant attaqué comme a pu le faire l’Etat islamique et aucune d’entre elle n’avait sa puissance. Logiquement, on devrait y aller encore plus fort. 
 
En 1991, alors même que notre armée n’était que partiellement professionnalisée et donc relativement peu projetable, nous avions déployé dans la région 60 avions de tous types et 14 000 combattants terrestres, 140 engins armés d’un canon de 105 mm et 130 (oui, 130 hélicoptères !). On se plaignait à l'époque de pouvoir faire aussi peu, on se plait aujourd'hui à imaginer ce que l'on pourrait faire avec ça contre l'Etat islamique, sans qu'il soit question par ailleurs, et comme en 1991, d'occuper l'Euphrate. Il est vrai qu’à l’époque nous avions au total six fois plus de chars, quatre fois plus de pièces d’artillerie et deux fois plus d’hélicoptères que maintenant. Il est possible même qu’il y avait aussi au total plus de soldats professionnels qu'aujourd’hui, près de quinze après la...professionnalisation complète. Magnifique résultat à peine compensé par quelques matériels modernes. 
 
Bref nous avons décidé de ne rien faire de sérieux. Mais peut-être que nous nous trouvons empêtrés dans une guerre que nous n’avons pas voulu alors que nous étions engagés par ailleurs et parfois inconsidérément. Peut-être que si nous n’avions pas autant besoin des moyens des Américains au Sahel nous aurions été capables de leur dire non, comme en 2003, pour ce nouvel engagement en Irak. Peut-être que si on n’avait pas sacrifié notre armée aux dividendes de la paix et aux critères de Maastricht nous pourrions faire plus. On a certes décidé d'enrayer la destruction programmée de notre outil de défense en stoppant les suppressions d’effectifs et prévu d’engager quelques centaines de millions d’euros supplémentaires chaque année (mais surtout après les élections de 2017, ce qui n’engage pas à grand-chose). Tout cela est évidemment heureux mais on reste loin du compte. Pour le rappeler une nouvelle fois, si on faisait aujourd’hui le même effort qu’en 1990, ce n’est pas 31 milliards mais entre 52 et 65 milliards, selon les méthodes de calcul, que l’on dépenserait pour notre armée. Pour les autres ministères assurant la sécurité des Français, la Justice et l’Intérieur, ce serait 10 milliards de plus qui seraient dépensés chaque année. On n’en serait peut-être pas là. Et puis, il faut toujours le rappeler aussi : soit les événements sont prévisibles et ils doivent rentrer dans le cadre de notre stratégie des moyens (Livre blanc, loi de programmation) ; soit ils sont imprévisibles et faut changer de posture. Les attaques de 2015 étaient évidemment prévisibles et on change pourtant de posture, c'est donc bien que nous n'avions pas de stratégie cohérente.
 
Nos dirigeants, ceux-là mêmes qui depuis vingt-cinq ans ont organisé ce déclin des instruments à protéger les Français, nous ont donc menti. Tout ne sera pas mis en œuvre pour détruire Daesh et, au mieux, nous attendons les succès de nos alliés locaux pour voler au secours de la victoire, si possible au moment des élections de 2017, car il n'y a que dans ce domaine que l'on perçoit une quelconque vision stratégique. Il paraît que le Premier ministre va faire éditer ses « discours de guerre ». On peut peut-être envisager de les larguer sur l'ennemi.

En attendant, on gesticule sur le territoire national. Il paraît même que l'on envisage de modifier la Constitution. Cela doit trembler du côté de Raqqa.

 

Source : http://lavoiedelepee.blogspot.com.es/2015/12/la-vengeance-du-serpent-plumes.html

 


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