« Nous basculons dans une guerre juste, ce sont les plus dangereuses »

Source : Bd Voltaire - Le 22/02/2023.

 

Le 24 février 2022, la Russie déclenchait la .

Un an plus tard, le général (2s) Vincent Desportes, ancien directeur de l’École de guerre, revient, pour Boulevard Voltaire, sur les enseignements militaires, les surprises et les issues à haut risque de ce violent conflit au cœur de l’Europe.

Marc Baudriller. À un an du déclenchement de cette guerre, quels enseignements tirez-vous de ce conflit européen pour les armées françaises, pour notre tactique militaire et l’adaptation de notre matériel ?

Général Vincent Desportes. Notre armée a été construite pour des opérations limitées dans un espace réduit, avec des forces limitées. Les pauvres moyens qu’on lui donne ne sont pas adaptés à cette nouveauté : on a découvert que la guerre de haute intensité n’était pas morte et qu’elle pouvait revenir. L’armée française n’est pas préparée à cela. Elle a perdu les éléments nécessaires à ce type de guerre sur la durée : profondeur et hauteur stratégiques, stocks de pièces, etc. Avec nos forces actuelles, nous tiendrions moins de 100 kilomètres d’un front qui fait 1.300 kilomètres. Nos forces sont sans commune mesure avec celles qui sont engagées : nous disposons, par exemple, de 100 chars lourds, contre 1.200 chars russes. L’artillerie française dispose de 100 canons, l’ en possède 2.000. On voit que si nous sommes préparés pour des opérations de police militaire à l’international, nous ne sommes pas à la hauteur d’une guerre de haute intensité.

D’où les mesures prises par Emmanuel Macron via la loi de programmation militaire. Mais cela ne sera pas suffisant. Il faudrait que le budget consacré par la France à sa défense nationale passe de 2 % du PIB, aujourd’hui, à 3 % du PIB, avec une politique planifiée pour atteindre, à terme, la barre des 4 % du PIB. Par ailleurs, pour accéder à l’excellence, il faut de l’entraînement. Notre armée est si petite qu’elle a perdu son savoir-faire. D’où l’exercice Orion 2023 [une simulation de guerre de haute intensité menée en Occitanie, NDLR] actuellement en cours : c’est une manœuvre interarmées importante sur le terrain.

M. B. Qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans la conduite de la guerre en Ukraine?

Gal V. D. Ce qui a surpris le monde occidental, c’est la capacité de résistance de l’Ukraine. Il est aussi désormais avéré que l’ est de mauvaise qualité, qu’elle manœuvre mal, maîtrise mal la logistique et qu’elle est mal commandée. C’est toujours une armée d’hier. Elle possède certains matériels très modernes qu’on a d’ailleurs peu vus sur le terrain mais ressemble assez à celle de l’Empire soviétique avant la chute du mur. En face, l’OTAN avec son commandement « à la mission » s’avère plus efficace que le commandement centralisé et très vertical que pratique l’.

M. B. L’issue sera-t-elle militaire ou diplomatique ?

Gal V. D. Nul ne sait si la guerre durera un an ou davantage. Les deux discours entendus hier [discours de Joe Biden et de Vladimir Poutine prononcés ce 21 février, NDLR] ne font rien pour nous rassurer. Car nous basculons dans une « guerre juste » : ce sont les plus dangereuses car elles ne peuvent s’achever que par la destruction totale de l’adversaire ou par une guerre nucléaire. Il faut savoir jusqu’où ne pas aller trop loin pour ne pas réveiller l’Iran, la Chine ou la Turquie qui a des revendications sur la Crimée. La Crimée a été trois siècles sous la domination turque. On ne peut pas vouloir l’effondrement de la Russie car la chute d’un empire produit de nombreux désordres. Ce qui est sûr, c’est qu’une des voies de sortie de crise de Poutine, c’est l’arme nucléaire. Il faut lui montrer une autre issue. Aux Européens de trouver les solutions pour sortir de la guerre, sauf à ce que s’installe le chaos qui permettra aux États-Unis de faire prévaloir leurs droits sur notre continent.

Note de la rédaction : Le général Desportes a publié, le 4 janvier, chez Odile Jacob, le livre Devenez leader (256 pages, 23,90 euros).

Réponse au Gal. V. Desportes

E-Mail du 27/02/2023

 

Mon général,

 

J'ai pris connaissance, avec beaucoup d'intérêt de vos réponses aux questions que Marc Baudriller de "Bd. Voltaire" vous a posées le 22/février dernier sous le titre :

 

"Nous basculons dans une guerre juste, ce sont les plus dangereuses"

 

En revanche, je dois vous avouer qu'un paragraphe m'a interpellé :

<<Il est aussi désormais avéré que l’armée russe est de mauvaise qualité, qu’elle manœuvre mal, maîtrise mal la logistique et qu’elle est mal commandée. C’est toujours une armée d’hier.....>>

Il se trouve que je m'intéresse au déroulement des opérations en Ukraine depuis décembre 2021, date à laquelle V.Poutine a demandé quelques garanties de sécurité en Europe.

Demande rejetée par l'Occident, un des points de départ du conflit actuel.

 

Vous disposez sans nul doute de beaucoup plus d'informations que moi donc comment expliquez-vous que cette armée généralement présentée comme une "armée de moujiks va-nu-pied" peu motivés, mal équipée, mal commandée, sans le soutien d'une base industrielle solide, manquant de munitions et de missiles, arrive à tenir tête, SEULE, aux forces de l'OTAN depuis plus d'un an, contrôle 20% du territoire, a "consommé" l'équivalent de deux armées ukro-otaniennes et est en passe de faire subir le même sort à la troisième ?

 

Si j'en crois le bilan du Mossad via un média Turc, très probablement diffusé avec le feu vert d'Uncle SAM qui cherche actuellement une issue de secours pour sortir de ce conflit, les pertes sont colossales !

 

Soldats/ Matériels

Russie

Ukraine

Ratio

Avions

23

302

13

Hélicoptères

56

212

4

Drones

200

2750

14

Chars et véhicules blindés

889

6320

7

Howitzer (Systèmes d'artillerie)

427

7360

17

Systèmes de défense AA

12

497

41

Morts

18 480

157 000

8.5

Blessés

44 500

234 000

5.25

Captifs

323

17 230

53

Morts - Instructeurs militaires de l'OTAN

 

234

 

Morts - Soldats de l'OTAN Allemagne, Pologne, Lituanie...

 

2 458

 

Mercenaires Occidentaux

 

5 360

 

 

Cerise sur le gâteau si j'ose dire, cette "piètre armée" a réussi à assécher les réserves de matériels et de munitions (artillerie et anti-chars) des trente pays de l'OTAN !

Même l'Amérique en est réduite à prélever des obus dans ses réserves stratégiques pré positionnées en Israël et en Corée du Sud !

Enfin, de l'aveux même de M. J. Stoltenberg, il s'avère que le complexe militaro-industriel de l'OTAN n'est pas en mesure de réagir et de reconstituer les stocks dans des délais inférieurs à deux ans, deux ans et demi.

 

Vous conviendrez peut-être avec moi que cette "armée de mauvaise qualité" ne se défend pas trop mal.

 

"ON" aurait pu voir pire.

 

J'ai donc l'impression que les analyses occidentales de la situation présentent quelques "bizarreries":

            "On" prédisait que la Russie n'attaquerait jamais avec un rapport initial défavorable de 1/5 voire 1/6 : Elle l'a fait !

            "ON" prédisait qu'elle allait s'emparer de Kiev et envahir toute l'Ukraine : Elle ne l'a pas fait !            

            "ON" prédit une grande offensive d'hiver : Elle ne l'a toujours pas lancée bien que le dégel arrive à grand pas...

            "ON" prédisait qu'elle serait défaite en une petite quinzaine : Un an après, elle a toujours l'initiative !

            "ON" prédisait un effondrement économique de la Russie : Il n'a toujours pas eu lieu et pire, le FMI pronostique un bilan à venir qui fait pâlir d'envie nombre de pays occidentaux.

            "ON" souhaitait un "regime change" : Les sondages montrent que le Peuple Russe suit son chef et adhère à ses objectifs.

 

            Aussi, je dois avouer être quelque peu dubitatif.

 

En revanche, j'adhère tout à fait à votre concept de "guerre juste" porteuse de tous les dangers.

Les deux protagonistes en sont au même stade. Seules, peut-être, leurs motivations divergent :

            L'un se bat pour le "veau d'or" estampillé "$";

            L'autre se bat pour "l'Homme, ses racines et sa culture".

A un moment ou à un autre, il faudra choisir son camp.

 

Quant aux voies de sortie de crise, je crains que nous en soyons au stade des temps bibliques, de Sodome et Gomorrhe, à "minuit moins le quart" d'être transformés en "statues de sel" par le feu nucléaire d'une frappe US en premier suivie d'une réplique russe...ce qui serait parfaitement conforme à leurs doctrines d'emploi respectives.

 

Les USA l'ont déjà fait, il le referont... à moins que...quelque chose ne s'effondre.

Que, par exemple, le combat cesse faute de combattants...et/ou de faute de munitions ?

-  Les soldats ukrainiens ne veulent plus aller au front

- Réveillez-vous ! C’est une boucherie. L’espérance de vie à Bakhmut est de 4 heures sur les lignes de front.

 

 Point sur l'Ukraine du 27 Février 2023. Massacre des soldats ukrainiens enfin admis sur Bakhmut

 

Pour revenir en France, j'espère de tout coeur que les états-majors de nos armées et les gouvernements à venir tireront les enseignements de ce conflit pour bâtir les armées dont la France à besoin pour reprendre sa place dans le concert des Nations.

 

Pour l'instant, vous avez raison : Nous ne sommes pas au niveau. Nous avons deux, voire trois guerres de retard !

 

Il est bien tard car il faut garder à l'esprit qu'il faut 25 ans pour former un chef de corps.(commandant un régiment)

 

 

Mes respects mon Général.

 

Lcl (er) REGNIER Jean-Michel

Mon site : "Officier un jour"

Commentaires: 3
  • #3

    PHG (vendredi, 17 mars 2023 19:31)

    Bravo mon colonel, il n'y a rien à rajouter sur le fond.

    Sur la forme il manque la date de publication des chiffres du journal Turc. De mémoire c'était fin janvier.

  • #2

    Grégory (dimanche, 12 mars 2023 22:03)

    Je vous remercie pour la lecture de votre article. Vous parlez du " chaos qui permettra aux États-Unis de faire prévaloir leurs droits sur notre continent." En tant que Français j'ai appris que depuis des temps anciens nous avons de nombreuses guerres à l'actif de notre nation. Pour autant qui pourrait trouver que ces brutes de ricains auraient tous les droit sur mon pays, le piller, l'endetter, le pervertir, détruire ses valeurs ancestrales pour finalement en faire sa province vassale.
    Bien à vous, j'espère lire votre réponse avec enthousiasme.

  • #1

    Azou (mardi, 07 mars 2023 18:42)

    Bravo!