« les armées ne font pas ce qu’elles veulent »

par le Gal. François Chauvancy - le 24/09/2017.

Cet été a été assez pénible pour les relations entre le président de la République et les armées. Cette phrase en en-tête parue dans une interview du Point montre bien la méconnaissance des armées qu’en a le président de la République. E.Macron aura l’opportunité, peut-être, de montrer qu’il respecte les armées s’il est présent aux obsèques de l’adjudant du 13e RDP tué au Levant (Cf. L’Opinion).

Ce peu de considération est confirmé par ce porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner. Tout le monde a pu constater le mépris qu’il portait à la communauté militaire avec la manière dont il a traité le général de Villiers en juillet 2017.

Cependant, loin d’en rester là, son aversion envers le monde de la défense s’est affirmée lors de l’affaire du député de « La République en marche » M’jid El Guerrab mis en examen pour « violence volontaire avec arme ». Exclu de la commission des finances, ce député a été « réaffecté » … à la commission de la défense avec ce commentaire savoureux de Christophe Castaner sur Europe 1, ce 10 septembre.

« Passer de la commission des Finances à la commission de la Défense, ce n’est pas une promotion, a-t-il expliqué. Richard Ferrand a sanctionné ce député en le mettant à la commission de la Défense. » Christophe Castaner ne s’arrête pas là, soulignant le manque de prestige de la nouvelle commission : « aujourd’hui, la commission de la Défense n’est pas dans les dossiers aussi chauds que la loi de finance qui arrive à la fin du mois de septembre. » (Cf. L’Express).

La communauté de défense et bien sûr les militaires apprécieront. Il est vrai qu’en cette période budgétaire difficile, ils ne représentent que le 3e budget de l’Etat après la dette et l’éducation nationale.

Le manque de considération du gouvernement pour les armées ne s’arrête pas là puisqu’il semble avoir acté la suppression de 850 millions d’euros annoncée mi-juillet. C’est du moins ce qu’annonce la Tribune (Cf. La Tribune). Cette suppression avait déjà suscité le départ du général de Villiers. Cette ponction pose cependant une question importante de fond. Décidées hors budget annuel, les OPEX doivent-elles être supportées en terme de coûts par le ministère des armées ou faire l’objet d’une ligne budgétaire spécifique ? Comme chaque année, cependant, la prévision budgétaire pour les OPEX est prévue mais s’avère insuffisante année après année, soit pour 2016, autour de 1,4 milliard avec les opérations intérieures (OPINT).

De fait, si le gouvernement ne peut pas assurer le financement d’opération qu’il décide et qu’il met cette dépense exceptionnelle à la charge des armées, donc au détriment des équipements et de l’entraînement, le chef d’état-major des armées a désormais l’impérative obligation de refuser une mission non financée ou non finançable en raison des conséquences. En effet, sa responsabilité sur le succès de la mission sera engagée. Des forces non équipées correctement et pas suffisamment entraînés, en nombre insuffisant, accumulant donc la fatigue en raison d’une surchauffe dans les missions, subiront des échecs pour lesquels le politique demandera bien sûr des explications étonnées.

Un exemple à l’étranger souligne ce danger. En 2018, les Etats-Unis consacreront 657 milliards de dollars dont 74 milliards spécifiquement pour les OPEX. Si les Etats-Unis ont adopté cette solution, c’est qu’il y a peut-être une certaine logique mais peut-être hors de portée de la France ?

Pourtant même ces sommes importantes ne suffisent pas comme en témoigne ce rapport du « United States Government Accountability Office » (GAO) sur l’état de la marine américaine suite aux derniers accidents survenus aux navires militaires américains (http://www.gao.gov/products/GAO-17-809T). Il a été constaté que les capacités opérationnelles de la Navy étaient affaiblies en raison de la fatigue d’équipages suremployés, plus assez entraînés, à l’absence d’une maintenance régulière des navires en raison de missions trop longues. En bref, manque de troupes et manque de moyens obèrent une capacité opérationnelle mais n’est-ce pas ce qui menace les armées françaises ?

Pour revenir à l’exemple français, la disponibilité des forces de sécurité devient de plus en plus nécessaire dans le contexte actuel. L’exécutif devrait avoir une politique plus équilibrée et plus respectueuse pour ceux qui pourraient bien être l’ultime recours d’une république en crise. Il suffit pour s’en convaincre de se reporter à l’intervention dans les iles de Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Le cyclone Irma comme d’autres catastrophes auront systématiquement pour conséquences désormais le pillage et l’insécurité à partir de zones défavorisées finalement de plus en plus nombreuses, y compris sur le territoire national.

Outre les forces de sécurité, il a fallu projeter plus de 2 000 militaires pour assurer la sécurité sur deux iles comportant seulement 45 000 habitants. S’ajoutent aussi les impasses constatées mais connues en terme de capacités militaires pour agir notamment à partir de la mer avec le non-remplacement de navires prépositionnés comme le batral.

Attendons les discussions sur le projet de loi de finances mais l’argent ne suffit pas. On ne sert bien que quand on est respecté et cela ne semble pas être le cas. Les armées ne font pas ce qu’elles veulent mais bientôt elles ne feront que ce qu’elles pourront.

 

Source : http://chauvancy.blog.lemonde.fr/2017/09/24/les-armees-ne-font-pas-ce-quelles-veulent/

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