"Nous sommes assis sur un volcan"

...par le Gal. Pierre De Villiers - Le 19/11/2020

Source : Valeurs actuelles

 

Propos recueillis par Marie de Greef-Madelin, Frédéric Paya et Tugdual Denis

 

Face à l'empilement des risques et des crises, l'ancien chef d'état-major des armées craint une explosion de la situation. Islam radical, terrorisme, mondialisation déséquilibrée, migrations démultipliées, Etat de droit dépasse, société postmoderne aux valeurs inversées: Pierre de Villiers livre ses préconisations pour éviter que la France sombre.

 

Les derniers attentats ont provoqué un émoi considérable. Vous-même avez évoqué la possibilité d'une guerre civile. Pourquoi ?

Une guerre civile, c'est une guerre entre Français. Or, ces dernières années des Français ont assassiné d'autres Français. Nous sommes en guerre contre l'islam radical, qui est un terrorisme idéologique. Ce n'est pas nouveau; je me souviens d'un livre paru sur Internet, en 2004, écrit par l'islamiste Abou Bakr Naji, qui s'intitulait Gestion de la barbarie; il théorisait l'utilisation de la barbarie non comme un moyen mais comme une fin, pour imposer un modèle sociétal articulé autour de la charia en lieu et place de nos modèles occidentaux. Aujourd'hui, à la crise sécuritaire s'ajoute la pandémie, le tout sur fond de crise économique, sociale et politique avec une confiance qui n'existe plus dans les dirigeants. Quand on additionne ces menaces, il y a tout lieu d'être inquiet à court terme. Je crains que ces colères rentrées explosent en même temps...

 

La situation dramatique d'aujourd'hui trans-forme-t-elle notre époque en point de bascule ?

Oui, nous vivons une séquence de bascule historique. Pas uniquement en France, mais dans le monde entier. Pour s'en convaincre, il suffit d'additionner le terrorisme islamiste radical, le retour des États puissances, les migrations massives et le dérèglement climatique: vous obtenez un monde dangereux. Un livre du Britannique Malcolm Gladwell, publié en février 2016, le prophétisait, il s'intitulait justement le Point de bascule (Flammarion). Le principe d'un point de bascule, c'est que cela peut durer un certain temps. Je pense que les changements auxquels nous sommes confrontés font que nous allons vers des évolutions profondes. 11 faut penser l'impensable.

 

"QUAND ON ADDITIONNE LES MENACES, IL Y A TOUT LIEU D’ÊTRE INQUIET A COURT TERME"

 

Qu'entendez-vous par là?

Être capable de bousculer les cadres normalement immuables de l'organisation de la société. L'État de droit est évidemment respectable, mais à un moment, il faut aussi élaborer une réflexion stratégique. J'ai eu la chance de passer dix ans de ma carrière au plus haut niveau de l'État. Il est organisé en tuyaux d'orgue, avec trop peu de cohésion interministérielle. On le voit dans la crise sanitaire aujourd'hui, où il n'y a pas d'approche suffisamment globale. Après avoir constaté des ruptures territoriales entre les campagnes, les villes et les cités, les différents déséquilibres mondiaux géostratégiques, technologiques, économiques, sociétaux et politiques, j'affirme que si l'on veut reconstruire notre pays, il faut recommencer par le début de l'histoire. Cela commence par l'éducation, la jeunesse. Il faut réconcilier cette dernière avec notre pays; cela veut dire réapprendre à nos petits Français à aimer la France. Cela repose sur le triptyque famille, élève et professeur. Cela passe aussi par de forts liens intergénérationnels. Chaque génération reçoit un héritage, le fait vivre, puis le transmet à la génération suivante. Il faut accepter cette modestie. Dans l'armée, cette transmission est culturelle: on respecte nos anciens; lors des cérémonies militaires, le drapeau passe devant nous avec les trois couleurs, symbolisant l'âme de la France et celles de tous ceux qui sont morts pour que nous demeurions libres, puis on le remet aux plus jeunes. Quand on prend un commandement pour deux ou trois ans, nous savons que c'est pour une durée déterminée et que nous sommes l'un des maillons de la chaîne.

 

Dans quelle mesure se pose la question du pouvoir trop important des juges ?

La gravité de la situation nécessite des réactions rapides. Dans l'entreprise, on appelle ça l'agilité; il y a un raccourcissement de l'espace avec la mondialisation, auquel s'ajoute un rétrécissement du temps. L'armée a fait cette révolution opérationnelle; notre société doit faire cette révolution juridique. Cela ne veut pas dire changer fondamentalement l'État de droit, mais il faut être capable de réagir rapidement. On nous impose un confinement du jour au lendemain, mais il faut six mois pour fermer une mosquée radicale; c'est incompréhensible. Tout cela parce qu'il y a la Cour de justice de l'Union européenne, la Cour européenne des droits de l'homme, le Conseil constitutionnel, le Conseil d'État, des juristes et des avocats. Les terroristes islamistes le savent bien. La bureaucratie est le pire ennemi de la guerre contre les islamistes.

 

"IL FAUT RÉAPPRENDRE A NOS PETITS FRANÇAIS A AIMER LA FRANCE"

 

Qu'avez-vous remarqué, lorsque vous êtes allé, pour votre dernier livre, en banlieue ?

Il y a, phénomène nouveau, une multiplicité de contacts entre les caïds qui tiennent l'économie de ces cités par les trafics de drogue, d'armes ou la prostitution, et le salafisrne, qui s'implante solidement au contact de ces caïds. L'un apporte une espérance aux autres, lesquels lui fournissent des moyens financiers.

 

Contrairement à l'idée répandue, vous affirmez que les jeunes de banlieue respectent l'autorité...

Dans l'armée, nous recrutons dans la nation tout entière. J'ai rencontré des jeunes de banlieue dont on a fait des héros en quelques mois. Dans mon livre, je raconte une anecdote qui s'est déroulée alors que je décorais un jeune caporal de la croix de la Valeur militaire. Il avait accompli un acte héroïque en ramenant, sous le feu, un de ses camarades blessé. Je lui ai dit: «Vous êtes un héros» Il m'a répondu: «Non, mon général,je ne suis pas un héros» C'était bien la première fois qu'on me répondait ainsi. Il a poursuivi: «Je ne suis pas un héros, j'ai voulu rendre à la France ce qu'elle avait donné à mon grand-père, l'accueil » Ce n'est donc pas uniquement par la sécurité, par le cadre régalien, que l'on retrouvera cet équilibre. Il faudra trouver l'humanité nécessaire, la considération et le respect, comme celui qu'il y a dans l'armée, pour éviter que les jeunes de banlieue basculent du mauvais côté et qu'ils choisissent, au contraire, le creuset national.

 

Que répondez-vous aux accusations d'illibéralisme ?

Combien faudra-t-il de Français décapités avant de comprendre en France qu'il faut fermer rapidement les mosquées radicales? Le code de la défense et le droit des conflits armés établissent une architecture juridique parfois contraignante, mais cela nous permet de faire la guerre, de riposter quand on nous tire dessus à l'extérieur du territoire. Il faut que l'État puisse riposter à l'intérieur de notre pays, prendre des mesures conservatoires, anticipatoires par rapport aux islamistes radicaux. La peur doit changer de camp.

 

Quel genre de mesures?

Quand un imam connu et reconnu prononce des prêches antifrançais à répétition, il doit être interdit. Notre système de renseignement a beaucoup progressé depuis les attentats de 2015, mais en France, nous avons aussi des difficultés à prendre des décisions fortes dans la durée; elles le sont souvent de manière symbolique et événementielle. Le combat va être long.

 

Dans les démocraties occidentales, existe-t-il un frein culturel, presque psychologique, sur ce genre de prise de décision ?

Nos démocraties vivent une heure de vérité face à l'islam radical. A-t-on les capacités, les anti-corps, la volonté nécessaire pour mener cette guerre et surtout la gagner? Disposons-nous des moyens nécessaires, pas seulement sécuritaires mais éducatifs, sociaux, économiques, culturels et sportifs? Je suis bien placé pour vous dire que pour gagner la guerre, il faut aussi gagner la paix. Ces vingt dernières années, nous avons gagné beaucoup de guerres avec l'armée française, mais nous avons aussi perdu beaucoup de paix. Il n'y a pas de paix sans sécurité. Nos démocraties émollientes, axées sur le plaisir immédiat, l'individualisme forcené et la recherche du bonheur purement matériel individualiste, sont en danger. La nôtre peut-être plus que les autres, parce que la force de la France, c'est son âme, sa culture, ses tripes, son souffle. H nous faut retrouver ce souffle.

 

Comment le fossé s'est-il creusé entre ceux qui dirigent et ceux qui exécutent?

Cela a commencé à se matérialiser dans les années soixante-dix, dans le sillage de la pensée soixante-huitarde. L'État est devenu la finalité et la nation, le codicille. Toute autorité est un service: il faut donc se poser la question de savoir si chaque décision est bonne pour la nation, les citoyens, les Françaises et les Français. Il faut surtout arrêter de se laisser guider par les dimensions financière, voire comptable, et juridique. Notre société est devenue très individualiste et déshumanisée: la personne n'en est plus la colonne vertébrale. Je ne cesse de rencontrer des gens qui me disent "mon général, et moi dans tout ça, qu'est-ce que je deviens?"

 

Doit-on rétablir le service militaire pour retrouver notre colonne vertébrale ?

 L'idée maîtresse de mes activités, bien au-delà de mon livre, est de remettre la personne au centre des préoccupations de notre société, des dirigeants, des entreprises, des associations. Regardez les clubs de football qui gagnent: ils ont cette culture de l'humanité chevillée au corps, doublée d'une discipline. Pour la Coupe du monde en Russie, Didier Deschamps a laissé en France des joueurs parmi les meilleurs du monde, mais il a sélectionné la meilleure équipe grâce au sens du collectif: Il ne s'agit pas d'une simple addition d'individus isolés, mais de l'âme française. Voilà ce que procurait le service national, même s'il fallait le réformer. D'où mon soutien au service national universel annoncé dans la campagne d'Emmanuel Macron; j'attends de voir ce qu'il va donner. Et les jeunes refusant le creuset national pourront être sollicités. Le service national, qui a été suspendu, en 1997, par Jacques Chirac, était inégalitaire et non universel. Par manque d'anticipation, nous manquons aujourd'hui d'outils et de moyens pour retisser le lien national.

 

Quels éléments ont rompu ce lien ?

Il y a la vague migratoire, mais pas seulement. Il subit les coups d'un mondialisme effréné, d'une naïveté confondante du nouveau monde et du progressisme postmoderne qui veut nous faire oublier les fondamentaux de la vie en société. Le confinement devrait nous le rappeler: nous nous sommes confinés, mais nous avons une famille, un village, un pays, bref une forme de cohésion nationale.

 

Dans sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron appelait de ses voeux la disparition des corps intermédiaires. Est-ce son erreur originelle  ?

 Je constate un renouveau des corps intermédiaires, qui ont été détruits par la technostructure depuis les années soixante-dix au nom des économies budgétaires. Aujourd'hui, les gens sont perdus: ils ne savent plus qui décide entre leur village, la fusion des communes, le département et la région. La France est un grand pays qui doit retrouver un fil conducteur, son lien entre ceux qui dirigent et ceux qui exécutent. Avec cette notion de confiance qui est fondamentale.

 

L'affaiblissement des partis vous satisfait-il ?

On ne peut pas s'en réjouir, puisque le principe démocratique repose sur la vitalité du débat. Et un des endroits d'échanges, c'est le parti politique. Certes, en philosophie, on dit que le vide est une plénitude, mais je suis aussi le premier à me rendre compte que ce vide est préoccupant. Dans mes interventions, les gens viennent chercher un discours qui ne soit pas formaté idéologiquement, un discours d'authenticité, de vérité et de fierté nationale. C'est avec cette dernière que, dans l'armée, on emmène les gens jusqu'au sacrifice suprême.

 

Quel modèle citeriez-vous au plan mondial ?

 Nous avons le choix entre deux catégories de pays : Les États puissances, qui ne sont pas des modèles démocratiques, et les démocraties, qui, pour l'essentiel, sont en crise d'autorité. L'instabilité géostratégique n'a probablement jamais atteint ce niveau depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. L'arsenal international est à réinventer. U0nu, l'Otan et l'Union européenne ne sont plus adaptées au monde multilatéral, qui a perdu son équilibre avec la chute du mur de Berlin et l'apparition du terrorisme de masse. On doit retrouver ce sentiment d'appartenance à une nation: un Allemand n'est pas un Britannique, ce n'est ni un Belge, ni un Portugais, ni un Brésilien. La veille d'une opération militaire, on réfléchit à ce qui va se passer le lendemain; on se dit qu'on peut mourir et on se demande pourquoi. Nos militaires vont jusqu'à mourir pour la France. Tous ceux que j'ai vus dans un cercueil enveloppé du drapeau français ne sont pas morts pour rien, mais pour la France.

 

La fierté nationale repose-t-elle sur le retour de la souveraineté nationale ?

 Bien sûr. Mais il faut aussi plus d'Europe. On voit bien que sur un certain nombre de sujets qui nécessitent une coopération interétatique comme la sécurité, l'immigration, la technologie, la France n'y arrivera pas seule. Sur des sujets moins importants, qu'on laisse les pays les traiter comme ils l'entendent. On a failli m'imposer de limiter mon temps de travail dans l'armée au nom d'une directive européenne qu'il fallait transposer au niveau de la France...

 

"LES GENS VIENNENT CHERCHER UN DISCOURS QUI NE SOIT PAS FORMATÉ IDÉOLOGIQUEMENT, UN DISCOURS D'AUTHENTICITÉ, DE VÉRITÉ ET DE FIERTÉ NATIONALE. C'EST AVEC CETTE DERNIÈRE QUE, DANS L'ARMÉE: ON EMMÈNE LES GENS JUSQU'AU SACRIFICE SUPRÊME."

 

Faut-il une Europe de la défense?

C'est une vraie question. Il faut une défense de l'Europe. L'Europe de la défense pour des projets qui n'aboutissent pas, c'est non. Des projets technologiques pour l'Europe de la défense, oui. En revanche, il ne faut pas faire une Europe fusionnée fédérale: j'ai commandé en Afghanistan une force composée de soldats provenant d'une quinzaine d'armées étrangères et je ne suis pas un technocrate qui rêve. On fait la guerre en respectant la souveraineté de chaque pays. Un Turc, vous ne le maniez pas comme un Bulgare ou comme un Portugais. Vous ne leur confiez d'ailleurs pas les mêmes missions. Ce débat incessant entre ceux qui refusent la construction de l'Europe et ceux qui rêvent d'un fédéralisme, d'un mondialisme, d'une fusion n'a plus lieu d'être. L'Europe forte doit être construite uniquement là où elle apporte une plus-value. Pensez-vous que le général de Gaulle se reconnaîtrait dans l'Europe d'aujourd'hui? Il croyait en l'indépendance nationale, qui était l'architecture de sa vision stratégique de la France.

 

"PAR MANQUE D'ANTICIPATION, NOUS MANQUONS D'OUTILS POUR RETISSER LE LIEN NATIONAL."

 

Qu'est-ce qui vous inquiète le plus d'un point de vue géopoliticien? L'affrontement entre la Chine et les États-Unis ? La Russie qui perd ses liens historiques avec l'Europe ? La démographie africaine ?

J'ai plusieurs motifs d'inquiétude. Le retour des États puissances est un phénomène que l'on voit venir depuis plus de dix ans, qui dépend en partie de cette architecture internationale qui semble en survie, ce « machin » comme disait le général de Gaulle. Le terrorisme islamiste, je ne cesse de le dire depuis 2014, est un mal endémique, idéologique. On entend que le combattre profitera aux extrémismes. C'est hallucinant... Ce sont les mêmes qui font des lâchers de ballons ou de colombes après chaque attentat. Il faut agir; l'action doit être nationale et internationale. Les mouvements terroristes sont mouvants et mutants et il en existe autant que de menaces. Ils n'ont pas le même logiciel que nous; ils ont le couteau entre les dents et pour eux, la vie n'a pas le même prix. Ils égorgent un homme comme un mouton. Il ne faut pas raisonner l'ennemi avec notre approche. L'autre grand facteur de déstabilisation, ce sont les migrations massives. Un phénomène mécanique: haute pression - basse pression, richesse - pauvreté, Nord-Sud. Cela ne cessera d'augmenter dans les trente ans qui viennent. Enfin, il y a le dérèglement climatique: Un degré de plus entraîne moins d'eau à tel endroit, des mouvements de populations, des guerres tribales et donc des déséquilibres. Je ne suis pas capable de vous dire lequel de ces facteurs m'inquiète le plus. C'est la simultanéité des crises et leur empilement qui créent des bascules dans l'équilibre mondial. Je ne peux pas vous dire où cela va exploser; je sens que le climat est de plus en plus instable, il a des conséquences sur le moral des Français et sur l'organisation de notre société. Nous sommes assis sur un volcan mondial.

 

L'élection de Joe Biden serait-elle susceptible de modifier les équilibres géopolitiques ?

Il est encore trop tôt pour le dire. L'élection de Joe Biden ne changera probablement pas quelques invariants de la politique américaine: le retour à une forme d'isolationnisme axé autour d"America first"; le désengagement des armées américaines pour ne plus être les "gendarmes du monde"; le regard porté de plus en plus vers l'océan Pacifique et la Chine, plutôt que vers l'Europe. Ce qui pourrait changer est la qualité des échanges diplomatiques, plus conformes à la tradition des relations franco-américaines et moins tweetocentrée ; peut-être une réouverture du dossier iranien, ce qui, au passage, pourrait nous aider à rééquilibrer notre posture dans la tenaille chiites-sunnites; la relance des accords de Paris dans le dossier du dérèglement climatique.

 

Que vous disent les Français que vous croisez ?

"On marche sur la tête, il n'y a plus de boussole, où va-t-on, mon général?" Dans les séances de dédicaces, au moins une personne sur dix, gagnée par l'émotion, pleure devant moi. Je leur réponds que la France est un grand pays avec des valeurs éternelles qui nous permettront de supporter les difficultés et qu'il faut garder l'espérance et avoir confiance. C'est la première condition pour gagner cette guerre contre l'islamisme et résoudre ce problème de pandémie.

 

Ne craignez-vous pas que votre voix résonne dans le vide ?

 Si vous me posez la question de mon engagement politique, je vous répondrai que pour être utile et servir la France, il n'y a pas que l'engagement politique. «Écrire, c'est déjà agir », disait Mauriac. Je ne suis pas un homme politique, je suis un général à la retraite avec une culture; j'essaie d'apporter ma pierre à l'édifice de la transformation de notre société. Ce livre ["L'équilibre est un courage", NDLRJ, qui est le troisième, est politique au sens où je parle effectivement de l'organisation de la cité, mais ce n'est pas un marchepied politique.

 

Votre personnalité est marquée par une capacité à poser un diagnostic sévère, contrebalancée par un penchant pour la conciliation. Est-ce compatible ?

L'armée n'est pas l'institution la plus démagogique qui soit: elle est essentiellement fondée sur l'ordre, la discipline et l'obéissance Une obéissance active, où l'adhésion l'emporte sur la contrainte. Au moment du choix définitif qui est "je tire ou je ne tire pas", on est confronté à sa responsabilité individuelle et collective. J'agis en homme de pensée et je pense en homme d'action. Je cherche à réconcilier les Françaises et les Français, première condition de la refondation de notre pays. Dès que vous cherchez à réunir, vous êtes souvent considéré comme un mou qui accepte tous les compromis, mais la réconciliation peut aussi se faire par l'exigence, l'autorité, l'ordre et la discipline. Notre approche est trop simpliste: la gauche s'occupe du social et de l'écologie, la droite du régalien et de l'économie, l'extrême droite de l'immigration, du patriotisme et de la souveraineté et l'extrême gauche, des flux internationaux, de la justice sociale et du salaire des patrons. Je refuse cette approche clivante. Le mot "équilibre" n'est pas un gros mot. Si nous continuons dans la polémique, dans le tout à l'ego, derrière cette logique de pouvoir à l'opposé d'une logique de responsabilité, la France continuera à décliner comme elle le fait depuis les années soixante-dix. Il y a un moment où l'intérêt général doit guider nos choix: c'est la réconciliation nationale.

Les hommes politiques parlent souvent d'unité nationale. Il ne suffit pas d'en parler, il faut la faire sur le dénominateur commun le plus fort : L'amour de la France.

 

Vivez-vous comme une étrange coïncidence le fait que votre livre soit publié au moment où la France a été frappée par des attentats ?

 Trois livres, trois coïncidences... Le premier (Servir, Fayard) est paru au moment où les premiers ennuis arrivaient dans le quinquennat, le deuxième (Qu'est-ce qu'un chef ?, Fayard) lors de la crise des "gilets jaunes" et le troisième au moment où on observe cette stratification de crises. Peut-être est-ce parce que j'ai appris l'anticipation à Saint-Cyr. Comment, à la sortie de la crise sanitaire, allons-nous reconstituer le lien national qui sera plus abîmé qu'avant ? Nous sommes entrés dans cette crise dans un monde déshumanisé avec une société française hyper individualisée, ramollie par la facilité. Comment recréer cette cohésion dans les entreprises après les confinements? J'anticipe des vagues de suicides, des chocs post traumatiques. Beaucoup de gens vivent très mal la situation actuelle. L'anticipation a manqué dans toutes les crises, y compris dans les deux que nous subissons aujourd'hui, sanitaire et sécuritaire : On court derrière le virus comme on court derrière les terroristes. J'ai fait mienne la devise de De Lattre: Ne pas subir !

 

"DÈS QUE VOUS CHERCHEZ À RÉUNIR, VOUS ÊTES SOUVENT CONSIDÉRÉ COMME UN MOU QUI ACCEPTE TOUS LES. COMPROMIS MAIS LA RÉCONCILIATION PEUT AUSSI. SE FAIRE PAR L'EXIGENCE, L’AUTORITÉ, L'ORDRE ET LA DISCIPLINE."

 

Sans parler de 2022, publier des livres percutants vous oblige...

Nos dirigeants, et je ne vise pas que les politiques, mais aussi le monde économique, associatif et sportif, doivent réfléchir à remettre au coeur de leur journée, la personne, l'homme, la femme plutôt que l'administration, le formulaire, la loi. Si je parviens à apporter cette simple idée, j'aurai réussi ce que je voulais faire quand j'ai quitté l'armée. Il y a beaucoup de candidats à la candidature, c'est une forme de trop-plein et je ne participerai pas à ce phénomène. Des patriotes, il y en a partout. Bien sûr, j'ai un avis de citoyen, comme tout le monde. Mes modèles sont Clemenceau, l'Union sacrée, de Lattre, l'amalgame, Leclerc, le serment de Koufra, de Gaulle, l'appel du 18 Juin. Quand vous prenez un peu de recul sur l'histoire, les hommes qui ont laissé la trace la plus profonde étaient des hommes d'unité, souvent dans la difficulté_ Il y a un moment où il s'agit de la survie du pays.

 

 

 


"Qu'est-ce qu'un chef ?

...par le Gal. Pierre De Villiers - Le 17/11/2020. ("On est pas couché")


Le 10/06/2020.

Le 28/11/2020.


L'équilibre est un courage

...par le Gal. Pierre De Villiers - Le 24/10/2020.


...par le Gal. Pierre De Villiers - Le 29/10/2020.

Commentaires: 0