La bataille d’Hajin : Victoire tactique, défaite stratégique ?

Le 15/02/2019.

Bonjour à tous,

Je vous retransmets aujourd'hui, en pièce jointe,  un article du colonel François-Régis LEGRIER qui termine un séjour opérationnel au levant (Irak, Syrie)où il dirigeait la Task Force Wagram.

 

Cet article a été  publié il y a quelques jours sur la Revue de la Défense Nationale sous le titre : La bataille d’Hajin : victoire tactique, défaite stratégique ?

Les conclusions de cet article ne convenant pas à nos autorités politiques et militaires qui tiennent à verrouiller toutes les informations dans le cadre bien compris de la propagande et de la censure de guerre, cet article a été retiré de la Revue de la Défense Nationale.

Toute vérité n'est pas bonne à dire......

L'auteur de cette analyse lucide pourrait même avoir des ennuis avec sa hiérarchie, si l'on en croit le journal "Le Monde"

https://www.lemonde.fr/international/article/2019/02/15/un-colonel-francais-risque-des-sanctions-pour-avoir-critique-la-strategie-de-la-coalition-en-syrie_5424183_3210.html?utm_term=Autofeed&utm_medium=Social&utm_source=Facebook#Echobox=1550266148

Cette affaire est riche en enseignements. 

J'en retiens d'abord les 6 dernières lignes de la conclusion : 

"Nous avons détruit massivement les infrastructures et donné à la population une détestable image de ce que peut être une libération à l’occidentale laissant derrière nous les germes d’une résurgence prochaine d’un nouvel adversaire. Nous n’avons en aucune façon gagné la

guerre faute d’une politique réaliste et persévérante et d’une stratégie adéquate.

Combien d’Hajin faudra-t-il pour comprendre que nous faisons fausse route ?

"

J'en retiens aussi les réactions épidermiques de ceux qui, aujourd'hui, souhaitent conserver le monopole de "l'information/désinformation" afin de continuer à manipuler le "bon peuple français" et de justifier nos ingérences tous azimuts et tous prétextes au profit d'intérêts qui ne sont

pas ceux de notre pays.....

 

Bonne lecture à tous.

 

DD


L'article du Col. Legrier :

La bataille d’Hajin : Victoire tactique, défaite stratégique ?

- Revue de la Défense Nationale - N° 817 - février 2019.

...le Colonel François-Régis Legrier (à droite sur la photo)

Chef de corps du 68e régiment d’artillerie d’Afrique.

 

Commandant la Task Force Wagram au Levant d’octobre 2018 à février 2019.

 

Auteur de Si tu veux la paix prépare la guerre aux Éditions Via Romana.

Télécharger l'original de la revue.

L'article du Col. Legrier est disponible à partir de la page n°65 dans la rubrique "Opinion" :

 

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RDN n°817
Bataille d'Hajin 2019 02 (fevrier - 817)
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Article du "Monde" - Le 15/02/2019.

Un colonel français risque des sanctions pour avoir critiqué la stratégie de la coalition en Syrie

L’officier a commandé les artilleurs de la Task Force Wagram en Irak et met en cause la méthode et les résultats des Occidentaux contre les forces de l’organisation Etat islamique.

Par Nathalie Guibert 

 

« Nous n’avons en aucune façon gagné la guerre. » En concluant ainsi un article publié dans la Revue défense nationale de février au sujet des ultimes combats contre l’organisation Etat islamique (EI) en Syrie, le colonel François-Régis Legrier vient d’ulcérer la hiérarchie militaire, jusqu’au cabinet de la ministre des armées, Florence Parly. C’est pourtant le même homme qui a accueilli cette dernière en Irak, le 9 février, et lui a présenté les forces françaises.

 

L’officier supérieur, chef de corps du 68e régiment d’artillerie d’Afrique, vient d’être engagé durant six mois au service de la coalition internationale contre l’EI dirigée par les Etats-Unis. Il achève tout juste sa mission de commandant de la Task Force Wagram, le bataillon qui met en œuvre depuis l’Irak les canons Caesar contre les derniers bastions de l’EI. Et il a rédigé son article, « La bataille d’Hajin : victoire tactique, défaite stratégique ? », alors qu’il n’avait pas achevé son mandat. 

 

La hiérarchie lui reproche de n’avoir pas soumis son projet et de s’être exprimé sans attendre son retour en France – le premier « retour d’expérience » que doit un chef de corps l’est auprès de ses généraux, par le traditionnel « compte rendu de fin de mission », confidentiel. Le colonel Legrier devrait être sanctionné, apprend-on vendredi 15 février auprès de l’état-major.

L’article a été repéré et diffusé sur Twitter jeudi par l’historien et ancien colonel Michel Goya, auteur du blog « La voie de l’épée », et expert écouté dans les cercles de réflexion sur la guerre. Le rédacteur en chef de la Revue défense nationale, le général Jérôme Pellistrandi, indique pour sa part « avoir manqué de discernement » et a retiré le texte du site Internet de la publication.

 

La coalition « a perdu la maîtrise du tempo stratégique »

 

La bataille de Hajin, petite cité située aux confins de l’Irak et de la Syrie, a pu être menée avec succès entre septembre 2018 et janvier 2019, estime l’auteur. « Mais de façon très poussive, à un coût exorbitant et au prix de nombreuses destructions ». Certes, ajoute-t-il, « les Occidentaux, en refusant d’engager des troupes au sol, ont limité les risques et notamment celui d’avoir à s’expliquer devant l’opinion.

Mais ce refus interroge : Pourquoi entretenir une armée que l’on n’ose pas engager ? Selon lui, le fait d’avoir utilisé des « proxys », les Forces démocratiques syriennes (FDS) auxquelles les Etats-Unis ont sous-traité le combat, a fait que la coalition «a renoncé à sa liberté d’action et perdu la maîtrise du tempo stratégique».

Prise en étau entre la décision de Donald Trump de se retirer du Nord-Est syrien et le bon vouloir des FDS, elle n’a pas trouvé de meilleure solution que d’intensifier les bombardements pour en finir au plus vite. »...........La suite est réservée aux abonnés.

 

Source : https://www.lemonde.fr/international/article/2019/02/15/un-colonel-francais-risque-des-sanctions-pour-avoir-critique-la-strategie-de-la-coalition-en-syrie_5424183_3210.html?utm_term=Autofeed&utm_medium=Social&utm_source=Facebook#Echobox=1550266148


Commentaires du Col. Michel Goya.

Le 15/02/2018.

 

Je remercie le cabinet de madame la ministre des Armées d'avoir attiré mon attention sur cet excellent article en voulant s'en prendre à son auteur.

Dans le dernier numéro de la Revue Défense Nationale, le colonel François-Régis Legrier signe un excellent article dans la rubrique "Opinions" (rappelez-vous, cet espace nécessaire où on peut s'exprimer librement sans engager aucune institution !). Cet article est disponible ici (p. 65), est intitulé : La bataille d'Hajin : victoire tactique, défaite stratégique ? Il s’agit peut-être, assez loin des éléments de langage habituels, de l’exposé le plus clair de la manière dont nous faisons la guerre sur ce théâtre d’opérations, avec ses points forts mais aussi ses grandes limites.
À la frontière entre l’Irak et la Syrie Hajin était la dernière localité tenue par l’État islamique. Sa prise constitue donc de fait la fin de l’ennemi en tant que territoire, mais certainement pas en tant qu’organisation. Le colonel Legrier, qui commandait le groupement d’artillerie français sur place, a été aux premières loges de cette victoire. Son analyse et son témoignage n’en ont que plus de valeur.
L’auteur part d’une interrogation simple : comment un point tenu par 2000 combattants équipés légèrement a-t-il pu tenir pendant cinq mois face à une telle coalition de forces?
Rappelons juste que si on fait le total des ressources des nations engagées dans la lutte contre l’État islamique, en termes de centaines de milliards d’euros de budget, de dizaines de milliers d’avions de combat, d’hélicoptères, de canons, de chars, de millions de soldats, on obtient la plus grande puissance militaire de toute l’histoire de l’humanité. Comment donc cette puissance colossale ne parvient-elle pas à écraser en quelques jours, sinon en quelques heures, 2000 hommes équipés de Kalashnikovs? La réponse est évidente : parce que cette coalition refuse de faire prendre des risques à ses propres soldats.
En novembre 2015, le président de la République s’engageait solennellement à «mettre en œuvre tous les moyens afin de détruire l’armée des fanatiques qui avait commis cela » [les attaques du 13]. Il mentait (c’est ici moi qui m’exprime). Le « tous les moyens » a consisté dans l’immédiat à augmenter le nombre de frappes aériennes (qui dans l’urgence du besoin de montrer que l'on faisait quelque chose ont surtout frappé du sable) et à l’envoi du groupement d’artillerie évoqué plus haut (et au passage, pourquoi avoir attendu plus d’un an pour le faire?). C’était donc là « tous les moyens » dont disposait la France?
La description politique de cette guerre contre l’État islamique (oui, l’ « État islamique » et non Daesh, terme devenu étrangement obligatoire dans le langage officiel) est un village Potemkine, mais c’est un village Potemkine transparent. Nous voyons bien en réalité que nous ne combattons pas vraiment l’ennemi, que nous préférons montrer nos soldats dans les rues de Paris plutôt que de les envoyer sur l’ennemi, ce qui est normalement leur raison d’être; que nous préférons conseiller et bombarder, ce qui nous place dans la dépendance des Américains, les seuls à pouvoir frapper de loin en grande quantité; que nous préférons que ce soient les autres qui se battent plutôt que nous, ce qui là encore nous rend dépendants de leurs propres agendas.
Tactiquement, tout cela est d’une grande stérilité quand ce n’est pas négatif. Quand des puissants mettent des mois pour vaincre une poignée de combattants, qui sont symboliquement les vainqueurs? L’État islamique n’est pas mort avec la chute d’Hajin, et les symboles vont demeurer. Quand on détruit Mossoul, Raqqa et Hajin, « pour les sauver » selon les mots d’un colonel américain au Vietnam, a-t-on vraiment fait progresser la cause des vainqueurs? Car bien entendu ces ravages ne sont pas neutres, le refus de prendre des risques importants pour les soldats, relatif pour les Irakiens ou les FDS qui y vont quand même, mais presque total pour nous, implique un transfert vers les civils. Malgré toutes les précautions prises, le « zéro mort » pour nous implique « beaucoup de morts » parmi la population civile locale, le bassin de recrutement de nos ennemis.
Au bout du compte, on ne peut s’empêcher, comme l’auteur, de se poser cette question : Pourquoi entretenir une armée que l’on n’ose pas engager contre l’ennemi le plus dangereux que nous ayons? Nous l’avons bien fait en 2013 au Mali. Si Hajin était un objectif aussi important, et il l’était au moins symboliquement, pourquoi, comme le demande l’auteur avec une certaine évidence, ne pas avoir envoyé un groupement tactique interarmes (GTIA) s’en emparer? L’affaire aurait été réglée infiniment plus vite et avec moins de dégâts locaux. Il ne nous a fallu que quelques semaines pour détruire sur l’ensemble du nord Mali les bases d’un ennemi du même volume supérieur à l’EI à Hajin. Nous avons à l’époque accepté d’avoir sept morts au combat. Est-ce la peur d’un enlisement? Soyons sérieux. Si le politique le décide, un ou quatre GTIA, comme au Mali, peuvent se dégager aussi vite qu’on les engage. Ce n’est pas un problème technique, c’est juste une décision politique.
J’ai tendance à considérer, comme l’auteur, que c’est à nous de mener nos combats. En Irak et en Syrie, nous avons suivi les Américains et leur manière. Ce n’était pas forcément une bonne idée, ce qui était assez clair très rapidement. Maintenant la guerre n’est pas terminée, tant s’en faut. Il est plus que temps d’avoir une vision stratégique et une action autonomes, et ne pas se contenter de dire que nous faisons des choses formidables alors que nous imitons à petite échelle des manières discutables et d’annoncer régulièrement des dates de victoire finale toujours démenties (la dernière était…en février 2018), preuve que nous ne maîtrisons pas grand-chose.
On me dit que l’article du colonel Legrier n’est plus disponible à la vente depuis hier sur le site de la RDN et je ne le vois plus dans le sommaire de la revue en ligne. Je n’ose imaginer une seule seconde qu’une expression intelligente et soucieuse de l’efficacité des armes de la France puisse faire l’objet d’une quelconque censure, du cabinet ministériel par exemple. Je n’ose imaginer que l’on revienne à ces sottes pratiques qui dans le passé ont toujours constitué le prélude à de grandes déconvenues.
Je conseille donc encore plus la lecture de cet exemplaire et sa diffusion.
Plus le cabinet, qui n' a visiblement jamais entendu parler de l'effet Streisand, s’opposera à sa diffusion et plus j’en ferai la publicité.



Pouquoi l'article du colonel Legrier agace

...par Jean-Marc Tanguy (journaliste) - le 18/02/2019.

C'est un article qu'il faut prendre la peine de lire avant de lancer boulets rouges ici ou là par goût 
unique de la polémique, ou de prendre parti (je ne fais ni l'un ni l'autre ici). L'article du colonel Legrier, patron du 68e RAA et de la TF Wagram n'est pas un total brûlot, ni un texte de thuriféraire, mais un texte sur des opérations en cours, qui n'a pas subi le processus normal de validations. Facteur aggravant, il a été publié dans la revue défense nationale, une association loi 1901, mais avec une proximité non dissimulée avec l'institution. Même si cette dernière sait garder une distance : dans les mois à venir, elle veut par exemple mieux jouer un rôle d'agitatrice d'idées, provoquer des "réflexions en anticipation", plus stratégiques, sur des choix très futurs qui ne sont pas encore tranchés par les armées.


Le patron de la TF Wagram a choisi un sujet de plus court terme, et de niveau opératif (donc pas de son niveau, qui est, lui, tactique). Il a commandé la TF Wagram, a opéré en Irak (ce qui n'est pas mon cas) mais sa hiérarchie lui reproche d'avoir pensé trop tôt, sans validation, sur une opération en cours. Le général Serge Cholley, un aviateur qui a commandé la composante française d'OIR, a lui aussi écrit sur Chammal, mais a pris la précaution de faire valider son texte.
Rien n'empêche un militaire d'écrire -l'intéressé a d'ailleurs commis un livre sans difficulté- mais il faut assez mal connaître l'institution militaire pour penser qu'il est possible d'y écrire sans un minimum de limites gauche et droite -apprise dès la scolarité, pour les officiers directs-. L'un des objectifs, dans ce cas précis, étant de ne pas mettre le commandement en porte-à faux avec sa ministre, et la ministre, avec ses homologues de la coalition. Pas besoin d'avoir fait de grandes écoles pour le comprendre. 


En outre, même si l'article est rangé au chapitre des opinions et de la contribution au débat, des plus expérimentés et aussi sans doute plus informés que lui s'interrogent aussi sur le fond de son article, qui présente plusieurs points de critique. Sans compter qu'il ouvre aussi le questionnement sur les frappes aériennes sans le faire pour l'artillerie elle-même -ni l'une ni l'autre n'ont démérité, mais l'une et l'autre ont leurs limites-. Peut-être beaucoup trop d'audace pour un seul texte.


Après une mobilisation en faveur de l'artilleur sur quelques réseaux sociaux, la RDN a reconnu ce week-end avoir retiré le texte de l'officier du site internet de la revue, sans pour autant évoquer de manque de discernement d'avoir publié l'article, que la hiérarchie constate, de son côté.
La revue dispose pourtant d'un comité de lecture et d'un rédacteur en chef qui n'ont pas joué leur rôle de prévenir l'auteur des risques contenus dans son article, et de temporiser sa parution, vu qu'il ne répondait pas à quelques canons du genre autorisé dans les armées.


Ces précautions systémiques n'auront pas suffi, manifestement. D'autant plus que la "déontologie", brièvement évoquée dans un communiqué ce weekend, revient précisément à refuser des textes qui n'ont pas été préalablement validés par l'EMA, voire le cabinet de la ministre dès qu'il s'agit d'opérations en cours.

 

Source : "Le mamouth"


Pas de quoi fouetter un colonel !

par Roland Hureau - le 20/02/2019.

 

Pas de quoi fouetter un chat. Pas de quoi, non plus, sanctionner un officier supérieur. Il est incroyable que l’article du colonel Legrier, dans la très austère Revue de la défense nationale, ait pu provoquer une tel remue-ménage au cabinet du ministre des Armées et à l’état-major des armées, au point que le porte-parole de ce dernier parle de sanctions. Il s’agit d’un article court, technique, faisant le bilan de la récente bataille de Hajine en Syrie.

Ce que dit cet article : il a fallu plusieurs mois et des destructions considérables pour venir à bout des 2.000 derniers djihadistes de Daech retranchés dans l’extrême est de la Syrie. Pourquoi ? Parce que la coalition (essentiellement les États-Unis et un peu la France), n’ayant pas voulu envoyer des soldats au front, a fait faire le travail à une milice locale peu motivée, le Front démocratique syrien, composée essentiellement de Kurdes éloignés de leurs bases, et a dû, pour vaincre, bombarder massivement tout ce qui se trouvait au sol, au risque de s’aliéner les habitants. Conclusion : pour éviter une telle dépense d’énergie et tant de dégâts, mieux aurait valu envoyer des troupes au sol. « La bataille d’Hajine a été gagnée […], dit le colonel, à un coût exorbitant et au prix de nombreuses destructions. »

Cet article ne dit rien qui soit faux ni ignoré des spécialistes. Tirer la leçon d’une bataille après que les armes se sont tues est un exercice normal de débriefing, comme on dit à l’OTAN. La guerre de Syrie étant pratiquement terminée, l’enjeu stratégique n’était pas tel qu’on ne puisse rendre ces données publiques. Que le colonel donne, en conclusion, un coup de patte à la stratégie des Américains, habituelle depuis la Deuxième Guerre mondiale, d’épargner leurs hommes en opérant des bombardements aériens massifs est, si on ose dire, de bonne guerre.

Quand il a déclaré assez piteusement « avoir manqué de discernement » et retiré le texte du site de la revue, le rédacteur en chef, le général Pellistrandi aurait pu se souvenir de la maxime de Talleyrand : « Méfiez-vous du premier mouvement, c’est le bon. »

Cet article n’est pas bien méchant : il ne met nullement en cause la légitimité de l’intervention de l’OTAN dans cette bataille, où elle intervient pourtant en pleine violation de la légalité internationale, puisque l’autorité légale aux yeux du droit international, celle du gouvernement syrien, ne l’avait pas appelée. C’était à l’armée syrienne de faire ce travail de nettoyage, dès lors que personne n’envisage plus que Bachar el-Assad puisse être renversé.

L’auteur aurait pu rappeler, aussi, que l’armée américaine qui a combattu Daech à Hajine et l’avait fait à Raqqa – autre bataille très meurtrière – était, il y quelques mois, intervenue à Deir ez-Zor pour porter secours au même Daech aux prises avec l’armée syrienne. Mais, se cantonnant à la technique, il ne l’a pas fait.

La thèse du colonel Legrier sur la nécessité d’un engagement au sol était celle des durs du Pentagone, relayée dans une lettre de cent diplomates américains au président Obama. Elle aurait sûrement prévalu si Hillary Clinton avait été élue présidente, au risque de déclencher une guerre mondiale.

Trump, au contraire, a annoncé, conformément à son programme, le retrait des troupes américaines de Syrie mais il ne voulait pas le faire sans liquider Daech, qui était désormais pour lui la cible prioritaire, alors que pour les démocrates, c’était l’armée syrienne. D’où cette ultime bataille.

Pourquoi donc ce pataquès ? Un froncement de sourcil des Américains ?

Même pas : le gouvernement français a désormais la trouille au ventre de ce qu’on peut penser à Washington. Cet incident est également significatif de l’affolement qui règne désormais dans les sphères dirigeantes françaises.

 

Source : http://www.bvoltaire.fr/pas-de-quoi-fouetter-un-colonel/


Devoir de réserve et devoir d’expression

...par le Gal. Henri Roure - Le 21/02/2019.

 

Le colonel Legrier, chef de corps du 68ème Régiment d’Artillerie d’Afrique, a écrit un article, particulièrement argumenté sur le bilan des opérations menées contre Daesh. Il n’y fait aucune attaque ad hominem à l’encontre de quiconque. il constate, dans son développement, publié initialement par la très sérieuse Revue de la Défense Nationale, que les Occidentaux n’ont sans doute pas gagné la guerre. Le texte a ensuite été retiré, amenant le directeur de ce périodique à s’excuser pour l’avoir diffusé. Preuve notable du poids du politique dans le contrôle de l’expression des militaires. Pour résumer la pensée de l’auteur, les Occidentaux ont perdu parce qu’ils ne savent plus faire la guerre. Ils se masquent derrière leur technologie, ravageant les infrastructures et faisant prendre le minimum de risques à leurs soldats. Ils s’aliènent les populations au lieu de les séduire. C’est une réalité. Aucun militaire français ne peut contester cette analyse marquée par l’observation précise de quelqu’un qui se trouve être un des responsables de l’opération Chamal sur le terrain. Or le ministère des Armées vient de menacer cet officier de sanctions pour s’être affranchi de l’autorisation de publier et de ne pas avoir respecté le devoir de réserve. L’affaire rappelle la condamnation du général Vincent Desportes qui, en juillet 2010, à la suite d'un entretien publié dans Le Monde sur la stratégie américaine en Afghanistan, a été sanctionné sur ordre du ministre de la Défense et a du démissionner. Ou, toute chose égale par ailleurs, au limogeage du général de Villiers, ancien chef d’état-major des Armées.

 

Le soldat, par la mission, qui est la sienne, peut être amené à exercer la violence d’État pour le bien et la sécurité de ses concitoyens et du pays. Il doit, en conséquence, se plier à des règles de discipline rigoureuses. Il les accepte en revêtant l’uniforme. Elles sont consenties. Elles s’appliquent à son comportement, et à son expression publique. Il n’y a là rien d’anormal. Je note que d’autres fonctionnaires doivent aussi se soumettre à cette nécessaire réserve. L’État est l’expression organisée de toute la Nation. Ses fonctionnaires, de tous statuts, s’obligent à servir l’ensemble de notre collectivité nationale. Aussi, afficher ses options politiques ou philosophiques, dans le cadre de ses activités, serait prendre le risque de diviser l’État et de ne plus se comporter en serviteur de la Nation toute entière.

 

Or, dans le cas d’espèce, le colonel Legrier n’a aucunement dérogé à ces principes. Il s’est exprimé en professionnel. Il n’a aucunement pris une position partisane et n’est donc pas sorti de son devoir. À l’évidence nous sommes confrontés à une appréciation subjective de la notion d’obligation de réserve par le politique, en l’occurence la ministre des Armées. 

 

Sur le fond. Le colonel Legrier, est compétent. Il est impliqué dans une opération internationale où il assure des responsabilités importantes. il a pu observer la façon d’agir de la coalition et en tirer des enseignements. Ce qu’il écrit est le fruit d’une vision claire et argumentée qui peut contribuer à une réflexion géopolitique. Ses qualités sont incontestables.

 

Sur la méthode de diffusion. Ce document n’est pas un compte-rendu de fin de mission, mais bien une réflexion d’un officier, destinée surtout - si je ne me trompe pas - au périodique précité, accueillant les analyses les plus pertinentes de tous ceux qui réfléchissent à la Sécurité de la Nation. L’attitude de la ministre à l’égard de cet officier montre une volonté de brider l’expression des militaires, en la limitant au milieu hiérarchique. C’est difficile à accepter. En effet, les réflexions, en espace confiné, décantées par les strates hiérarchiques, si elles sont prises en considération, parviennent souvent très édulcorées, au sommet de la hiérarchie. Par ailleurs, les états-majors, dans leurs différentes composantes, gardent, pour les chefs, le résultat de leurs travaux. Ils travaillent sur ordre. Souvent leurs conclusions ou propositions s’arrêtent là…Aussi que les personnes compétentes puissent se saisir d’un sujet et diffuser leur pensée, hors du milieu hiérarchique, donc sans engager les Armées, dans le respect de ce qui est une déontologie professionnelle, m’apparaît essentiel pour le progrès de l’institution et son image.

 

Sur les raisons de l’attitude du politique. Il est évident que les responsables militaires français possèdent un savoir approfondi des mouvements géopolitiques. Depuis plus d’un siècle nos armées sont directement impliquées dans les crises qui secouent le monde. Elles ont acquis une riche culture, largement diffusée en leur sein, enrichie de génération en génération, enseignée dans les écoles, à laquelle s’ajoute, en général, une connaissance de l’histoire de notre pays. N’ayant pas, pour la plupart, les mêmes connaissances et compétences, certains hommes et  femmes politiques, le sachant, se méfient du soldat de peur de le voir se substituer à eux dans des domaines sensibles. Ils « civilianisent » le ministère, tentent de limiter le rôle des chefs d’état-major au « coeur de métier » et surtout veillent à ce que le militaire se taise ou se cantonne, devant la presse, à la relation technique des exercices ou opérations. Ce phénomène a tendance à s’amplifier avec l’arrivée dans les hautes sphères, de jeunes responsables n’ayant pas fait leur service militaire, portant sur la Défense un regard souvent condescendant et dénué de toute compréhension de l’utilité des Armées dans un environnement dans lequel l’internationalisme, la finance et les échanges commerciaux leur semblent prévaloir. Nous sommes confrontés à un phénomène de caste, où un groupe social se considère comme omniscient et absorbe des responsabilités pour lesquelles ses membres ne sont pas nécessairement les mieux formés.

 

Pourtant, sans remonter bien loin, ce sont les Armées et leurs chefs qui ont fait l’histoire récente de la France. Pendant la Première Guerre mondiale, Joffre a dirigé, de fait, la France jusqu’à la victoire de la Marne et Foch a conçu, en accord avec Clémenceau les clauses de l’armistice du 11 novembre. Les militaires se sont toujours exprimés. Ils l’ont toujours fait pour servir le pays. Sous la Troisième République, les ministres des Armées étaient des officiers-généraux ou d’anciens combattants…Pendant la dernière guerre mondiale, nous avions un général à Londres et un Maréchal à Vichy…par la suite des généraux et amiraux ont gouverné nos colonies, et la Vème République, que ces hommes et femmes politiques ne contestent pas, a bien été conçue par un officier, le général de Gaulle. Et même lors du putsch d’Alger, qu’aurait fait le pouvoir politique si la majorité de l’Armée n’était pas restée fidèle à l’autorité civile? Le général Bigeard a été le dernier officier investi de fonctions ministérielles. Depuis lors, les chefs de nos armées sont exclus de la direction du pays et leur parole est étouffée.

 

Faire taire le soldat est une aberration. C’est la preuve d’une crainte injustifiée, avec pour effet de priver l’État des éminentes qualités de serviteurs, disposés à offrir davantage que leur vie à leur pays, leur réflexion. Pire qu’une aberration, c’est une forme de mépris pour une institution dont dépendent la sécurité et l’indépendance de la France.

 

Henri ROURE



BATAILLE D'HAJIN : Quand le devoir de réserve s’impose.

...par le Gal. Pierre Zammit - le 22/02/2019.

Dans la Revue de la Défense nationale de février dernier, le colonel François-Régis Legrier a publié un article dans lequel il critique la stratégie de la coalition en Syrie, reproche à la France son suivisme des Etats-Unis sur ce théâtre d’opération en matière de stratégie et de conduite des opérations. Il estime qu’en engageant des troupes au sol la France aurait pu s’emparer plus rapidement des positions tenues par Daesh, précisant au passage qu’il aurait fallu pour cela consentir des pertes.

Si l’on se place dans une perspective opérationnelle, la prise de position du colonel Légrier pose une première question : pourquoi verser le sang de nos soldats si le but de guerre fixé peut être atteint par d’autres moyens moins couteux en pertes humaines ? D’autant que sur ce théâtre, les troupes françaises ne sont qu’en appui du combat que mènent les protagonistes locaux pour éradiquer du territoire les derniers combattants de Daesh. Dans tous les cas, après l’élimination de ce qui reste de Daesh sur ce théâtre, la lutte politique et militaire continuera ailleurs contre cette idéologie mortifère.

L’autre point de débat – et pas le moindre - que soulève cet article est celui du devoir de réserve. Le colonel Légrier, selon des articles parus dans la presse, encourt des sanctions pour avoir critiqué la stratégie de la coalition et par voie de conséquence celle de la France en Syrie. L'affaire fait du bruit parce qu’elle touche au débat sur la libre expression des militaires. Un débat d’autant plus sensible que le mot « transparence » est aujourd’hui mis à toutes les sauces, souvent sans discernement. Ce qui – selon nous -  pose problème dans l’article du colonel Légrier, c’est qu’il s’agit de conclusions et réflexions « à chaud » d’un chef opérationnel, en charge d’un commandement. Il critique les choix stratégiques et tactiques d’une coalition dans laquelle la France est partie prenante et qu’il a été – avec d’autres -  chargé de mettre en œuvre sur le terrain. Ce type de réflexion et de conclusion tout à fait compréhensible et souhaitable de la part d’un chef opérationnel doit être réservé en premier et uniquement à ses chefs hiérarchiques, d’autant que ces écrits peuvent avoir des conséquences sur le moral des troupes engagées et les opérations en cours. Agir ainsi, c’est tomber dans le travers de l’immédiateté d’une publication à tous vents dont la portée dépasse l’aire de responsabilité opérationnelle immédiate de son auteur.

Entendons-nous bien. Il ne s’agit pas de brider la réflexion. En effet, toute réflexion est utile et souhaitable pourvu qu’elle soit argumentée, ce qui est le cas de celle du colonel Legrier, que l’on partage ou pas son point de vue. Nous savons aussi que le champ comme la qualité d’une réflexion ne sont pas forcément corrélés au nombre de galons. On se souvient des écrits du capitaine de Gaulle[1] ou du capitaine Lyautey[2] qui développaient un projet, proposaient une vision qui ont fait date. Le point de vue que nous soutenons ici est qu’il s’agit en fait de distinguer deux temps. D’une part, le temps de l’action et des réflexions « à chaud » ou en cours d’action qui concluent et prennent date dans les mémoires d’opérations prévus à cet effet et auxquels il pourra par la suite être fait référence. Ces réflexions à chaud doivent être réservées à l’usage exclusif des chefs qui ont en charge le commandement des armées et des opérations en cours. D’autre part, vient ensuite le temps de la réflexion stratégique et tactique « à froid » qui doit pouvoir exister – et reconnaissons que par le passé ce ne fut pas toujours le cas – dans des enceintes prévues à cet effet et où là, indubitablement, la pensée doit être libre pour être fructueuse : écoles supérieures de guerre, cercles de recherche opérationnelle, instituts stratégiques, etc.  

 

Général (2s) Pierre ZAMMIT

 Avis du président de l’ASAF

L’article rédigé par le colonel François-Régis Legrier est à la fois pertinent et bien argumenté. Son point de vue est d’ailleurs partagé par nombre d’officiers.
En revanche, assurant un commandement opérationnel à l’étranger, ce texte, que ne revêt aucun caractère d’urgence,  se devait d’être transmis d’abord au commandement, ce qui ne semble pas avoir été le cas. Sa parution dans une revue, pouvait attendre au moins la fin de sa mission et le retour en Métropole de l’auteur. 

 

[1] Capitaine de Gaulle : « La discorde chez l’ennemi » (1924) ; et plus tard, comme chef de bataillon et lieutenant-colonel : « le fil de l’épée » (1932) ; « Vers l’armée de métier » (1934)

[2] Capitane Lyautey : « Le rôle social de l’officier » (1891)

 

Source : https://www.asafrance.fr/item/bataille-d-hajin-quand-le-devoir-de-reserve-s-impose.html


La guerre, une chose trop sérieuse pour la laisser … faire par ceux qui ne la connaissent plus ?

...par le Gal. François Chauvancy - le 18/02/2019.

A Baghouz, les forces arabo-kurdes appuyées par une coalition conduite par les Etats-Unis sont en offensive contre le dernier réduit géographique en Syrie du groupe terroriste « état islamique ». Le colonel Legrier, en activité et rentrant d’opération, tire les enseignements de la bataille précédente gagnée en janvier 2019 à Hajin. Un article a été publié dans le numéro de février 2019 de la revue mensuelle Défense nationale (www.defnat.com).

Or, cet article a ému la haute hiérarchie civile et militaire au point que sa version en ligne a été retirée sur décision du général (2S) Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue (Cf. Site de la RDN). Mon camarade de longue date ne m’en voudra pas si je critique cette décision aux raisons bien légères mais je comprends que la pression du ministère des armées, du gouvernement, de l’état-major des armées (Qui en fait ?) ait pu être suffisamment forte malgré l’affichage proclamé par la revue d’être indépendante des Armées.

En outre, cette décision pour conformité « déontologique » n’est que bien symbolique puisque l’article est présent dans le numéro de février et que les adhérents à la version numérique l’ont aussi reçu. Il peut aussi être lu sur le site « Réseau international » (Cf.Article dans son intégralité)

Conséquence, cet article a naturellement été l’objet de nombreux billets ou articles de presse qui permettent au citoyen de s’intéresser aux combats que nous menons en Syrie (Cf. OPEX360L’OpinionLa voie de l’Epée, qui a attiré l’attention sur cet article – Merci au camarade et frère d’armes Michel Goya -, Le MondeLe FigaroB2-Bruxelles).

Une nouvelle censure à l’encontre des militaires ?

Il est possible d’envisager cette éventualité contre une réflexion d’un acteur de terrain et avec le sentiment que seuls les bureaux parisiens ont la vérité, comme au bon temps de la Vème République et ce jusqu’aux années 2000. Aux grades de commandant, de lieutenant-colonel puis de colonel, j’avais déjà subi avec quelques camarades ces attaques contre les écrits d’officiers qui évoquaient simplement par leurs écrits des réflexions différentes de celle des « sachant » (Cf. Mes billets du 3 octobre 2011 sur la liberté d’expression des militaires, du 21 décembre 2014, du 8 mai 2016 et du 15 mai 2016).

Je pensais ce temps révolu d’autant que la haute hiérarchie et l’Ecole de guerre, étape incontournable pour devenir colonel, sinon général après un concours sélectif, ne cessent de proclamer depuis une dizaine d’années que les officiers doivent s’exprimer. Pour reprendre les propos de JD Merchet, faut-il se contenter maintenant de parler de « militarité » et « d’éthique » ?

Réfléchir sur les opérations serait donc sanctionnable. Cela mérite réflexion. Prenons un exemple : les syndicats de police s’expriment depuis des semaines sur les conditions d’emploi des forces de sécurité contre les gilets jaunes. Qui peut s’exprimer sur les conditions d’emploi des forces armées ? Les journalistes mais est-ce bien sérieux ? Comme hier, les experts militaires devraient-ils donc se taire et faire profil bas pour satisfaire une certaine forme de « cuisine » gouvernementale ?

Certes, dans le cas du colonel Legrier, le statut général des militaires de 2005 précise : « (…) Les militaires doivent faire preuve de discrétion pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions ». Si l’on suit ce libellé, le colonel Legrier est sanctionnable. Si nous lisons son article, est-ce que ses propos justifient une sanction, à chacun de faire son opinion…

En l’occurrence, le colonel Legrier a fait ce que tout officier doit ou devrait faire comme expert de la guerre : tirer les enseignements des combats menés qui, à un certain niveau de responsabilité, ne peuvent pas se limiter à de simples commentaires de terrain mais doivent aussi conduire à des réflexions du niveau stratégique.

Pour ma part, je préciserai que ce débat est important et qu’un certain nombre de militaires engagés dans les opérations s’exprime sur le soldat et la guerre aujourd’hui, et pas seulement au niveau tactique mais cela fera l’objet d’un autre billet. En paraphrasant Clemenceau, je résumerai cette problématique en écrivant que la guerre est une chose trop sérieuse pour la laisser … faire par ceux qui ne la connaissent plus (Cf. Mon billet du 6 avril 2014 « Qui devrait penser la stratégie militaire ? »).

Malgré un effort par rapport au passé, nos politiques sont bien trop sûrs d’eux-mêmes quant à leur compréhension de la guerre. Qu’ils respectent l’autonomie des chefs militaires qui ont notamment une obligation de résultat : en l’occurrence aujourd’hui, détruire l’ennemi pour protéger la France et sa population que cela soit loin de nos frontières … ou dans nos « frontières » si nécessaire et demandé. Faire la guerre ne se limite pas au « paraître » et à des objectifs flous, partiels ou incomplets.

Que faut-il retenir de cet article qui n’ait pas été dit par les autres commentateurs ?

Je remarque en premier lieu que nous avons un article bien construit selon la méthode de l’Ecole de guerre. Il y a effectivement une méthode pour poser un problème et y répondre clairement.

En l’occurrence, que précise l’introduction ? « Au XIXe siècle, le sort d’une bataille mettant en jeu quelques milliers d’hommes était réglé en une journée (…), au XXe siècle en quelques semaines ; au XXIe siècle, il faut près de cinq mois et une accumulation des destructions pour venir à bout de 2 000 combattants ne disposant ni d’appui aérien, ni de moyens de guerre électronique, ni de forces spéciales, ni de satellites. Telle est la réalité de la guerre d’aujourd’hui qui doit nous conduire, décideurs politiques et chefs militaires, à un examen critique salutaire sur notre façon de concevoir et faire la guerre » et « finalement, pourquoi entretenir une armée que l’on n’ose pas engager ? ».

Cette dernière remarque devrait faire réfléchir. Animateur de plusieurs « grands débats » dans mon département, le coût de la défense a été parfois évoqué dans la recherche des réductions des dépenses publiques même si l’étude des chiffres relativise cette approche biaisée (Le dossier accompagnant l’organisation du grand débat national précise que, sur 1000€ de dépenses publiques, 575€ sont dédiés à la protection sociale, 96€ à l’éducation, 37€ à la dette et …seulement 31€ à la défense).

Ainsi, la question posée par le colonel Legrier est claire. Faut-il concevoir la guerre par des destructions massives comme le font les Américains alors que ce n’est pas notre conception de la guerre ? Le but est d’éliminer avec efficacité et le plus rapidement possible l’ennemi par le combat non par des actions d’attrition, de destruction progressive, systématique et longue de l’environnement adverse dans lequel se trouve aussi une population civile, base éventuelle du recrutement des islamistes.

Comme dans tout argumentaire militaire, le colonel Legrier pose d’abord le cadre. La bataille d’Hajin est un concentré de toutes les guerres. Il évoque ensuite les limites de la stratégie choisie avec des résultats mitigés. La coalition a abordé cet affrontement en étant « technocentrée » – la technologie d’abord -et en déléguant le combat au sol. Il propose enfin ce qu’il aurait fallu faire en raison de son expérience sur le terrain.

En effet, le contexte des combats d’Hajin a montré le manque de continuité des opérations en raison des propres objectifs des forces arabo-kurdes. Il rappelle que ces affrontements ont ressemblé « furieusement » aux combats de la Première guerre mondiale en se déroulant à de faibles distances. Je pourrai en déduire que les appuis « feux » étaient en partie inopérants. Les frappes à distance ont été aussi entravées par les aléas de la météo, empêchant les tirs.

Ainsi, les résultats ont été mitigés.

  • Oui, l’ennemi a été détruit mais seulement en partie malgré les déclarations d’efficacité se référant essentiellement à des estimations statistiques et non à une réelle évaluation sur le terrain, donc au contact.
  • Non, l’ennemi n’a pas été atteint dans sa volonté de se battre. Le colonel Legrier souligne l’avantage informationnel au niveau stratégique acquis par le groupe terroriste « état islamique ». Celui-ci a su construire un environnement informationnel favorable au niveau international : l’occident a peur d’engager ses soldats et de devoir justifier des pertes ; l’occident a peur de l’influence des dommages collatéraux potentiels sur ses opinions publiques.

Pour ma part, l’image du martyr recherchée par l’islamiste terroriste, son succès obtenu au niveau international par sa capacité à résister aussi longtemps à des forces nettement supérieures lui ont donné un ascendant moral réel et attirant. Ils lui amèneront de nouveaux combattants qui viendront renforcer tous ceux qui se sont exfiltrés des zones de combats. Une destruction efficace et déterminée aurait atténué cette aura.

Je soulignerai que ce sont ces mêmes fanatiques qui seront peut-être accueillis en France sous les pressions américaines et kurdes, peut-être condamnés s’il y a des preuves de leur trahison, de toute façon un jour ou l’autre libérés. Ils représentent donc des menaces potentielles pour notre sécurité nationale et mieux vaudrait sans doute les tenir éloignés du territoire national.

Vision stratégique et approche tactique

Sa seconde partie interroge sur les buts poursuivis au niveau stratégique. Or, les combats menés ont été des combats localisés sans vision d’ensemble de la guerre à mener d’autant plus que les décisions unilatérales du président Trump ne cessent de fragiliser les actions collectives et ne favorisent pas la continuité de l’action dans le temps, élément majeur de toute stratégie.

Pour ma part, le temps de la guerre ne peut pas correspondre au temps électoral, par exemple d’un président qu’il soit américain ou français. Pour ne pas entraver la stratégie militaire d’un Etat, il faut donc agir avec force et détermination, avec tous les moyens nécessaires, dans le cadre d’une réelle vision stratégique qui peut, sinon doit se concevoir dans le long terme. On ne peut pas se limiter à des actions tactiques qui se limiteraient à des victoires locales mais bien vaines au niveau stratégique. Il serait temps d’en prendre conscience. Je rejoins totalement l’approche du colonel Legrier.

Celui-ci souligne aussi cette incapacité et cette absence de volonté à s’adapter à l’ennemi. Une « simple » météo défavorable arrêtait les opérations de la coalition au lieu de rechercher un autre mode d’action, en fait au lieu de manœuvrer laissant alors l’initiative aux combattants du groupe terroriste « état islamique ». Celui-ci ne s’est pas privé de contre-attaquer alors qu’étaient diffusés les communiqués de victoire de la coalition.

Alors que faire ? le colonel Legrier rappelle simplement dans sa dernière partie ce que les stratèges savent. Il faut une vision stratégique donc globale en vue des effets à obtenir et donc de la sortie de crise. Ensuite, au niveau tactique, il faut combattre avec force. En l’occurrence, un groupement interarmes soit quelque 1500 hommes comme cela a été redécouvert en Afghanistan aurait été une réponse tactique adaptée.

Surtout nous devons engager la bataille informationnelle et celle de l’influence qui est bien du niveau de la stratégie et de la politique. Sujet que nos dirigeants n’ont pas toujours voulu assumer. L’islamiste radical du groupe terroriste « état islamique » ne doit pas passer pour un héros, encore moins laisser croire qu’il pourrait être victorieux. Or, le manque d’engagement notamment au sol, expression forte de la guerre des volontés et sujet de débat récurrent, laisse croire qu’il met ses ennemis en échec.

Pour conclure

Faire la guerre c’est la gagner dans les esprits et pas seulement au niveau tactique mais aussi dans les opinions publiques, les médias, les réseaux sociaux et les groupes de pression ou d’influence.

Faire la guerre, c’est aussi la penser. Les officiers supérieurs et généraux sont formés pour cela. Il suffit pour s’en rendre compte de lire la revue Défense nationale de février 2019 (abonnez-vous !), où s’est exprimé le colonel Legrier et dont le dossier est intitulé « Formation et commandement ». Cela ne manque pas d’ironie alors qu’un autre article de la Revue est intitulé « Ecole de guerre : sommes-nous réellement formés pour vaincre ? ».

Enfin, servant au sein d’une Armée républicaine et respectueuse des institutions, les officiers ne remettent pas en cause le pouvoir politique. Cependant, leurs connaissances ne se limitent pas seulement au domaine de la stratégie militaire mais abordent aussi celui de la géopolitique. A ce titre, leurs compétences, leur aptitude à comprendre et à répondre aux situations complexes doivent être respectées et prises en considération avec intelligence. Sanctionner le colonel Legrier serait une erreur.

Source : http://chauvancy.blog.lemonde.fr/2019/02/18/la-guerre-une-chose-trop-serieuse-pour-la-laisser-faire-par-ceux-qui-ne-la-connaissent-plus/#xtor=RSS-32280322


LE COLONEL A DIT LA VÉRITÉ, IL DOIT ÊTRE EXÉCUTÉ

...par Jean Daspry - le 25/02/2019.

 

« Il n’est pas de tyran au monde qui aime la vérité ; la vérité n’obéit pas » nous rappelle fort à propos le philosophe Alain. La recherche de la vérité n’est pas toujours un long fleuve tranquille, y compris dans le pays qui s’autoproclame « patrie des droits de l’homme ». France dont la Constitution du 4 octobre 1958 déclare, dès son article premier, que la « France respecte toutes les croyances ». France, partie à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950 qui reconnait à son article 10 la « liberté d’expression » à tout citoyen même si elle la tempère à son alinéa 2 par certaines conditions tenant aux « mesures nécessaires… à la sécurité nationale ». La Macronie est en quête permanente de sanction des bobards, des « fake news » pour employer le terme consacré. Mais où s’arrête la vérité et où commence le bobard. Vaste programme aurait dit le général de Gaulle, surtout dans ces temps de propagande et de bourrage de crâne. La question est d’autant plus importante lorsqu’elle concerne des fonctionnaires soumis au fameux « devoir de réserve », concept à géométrie variable en fonction des agents publics concernés, du lieu et du temps1. On l’aura compris, nous sommes dans l’arbitraire le plus complet. Quid de la liberté, de la clause de conscience qualifiée pour certains de désobéissance civile ? Quid de la latitude laissée à un fonctionnaire, y compris à un militaire d’active d’émettre des critiques fondées sur son retour d’expérience ? Après la sinistre affaire Matelly du début des années 2010, c’est au tour du colonel François-Régis Legrier d’avoir les honneurs des gazettes. Tout cela pour avoir dit tout haut ce qui se dit tout bas entre gens raisonnables.

LE SOUVENIR DE L’AFFAIRE MATELLY

Manifestement, le pouvoir est toujours très chatouilleux lorsque ses militaires s’expriment, y compris dans des revues scientifiques pour faire part de leurs interrogations, de leurs doutes sur des situations précises. On se souvient qu’un officier de la Gendarmerie a connu la notoriété en décembre 2008, lorsqu’il a cosigné un article critiquant fermement le projet visant à placer les forces de Gendarmerie sous l’autorité du ministre de l’intérieur, réforme qui a eu lieu par la loi du 3 août 2009. On se souvient de la sanction (heureusement annulée par le Conseil d’État en 2011) infâmante (révocation) infligée au lieutenant-colonel de gendarmerie, Jean-Hugues Matelly, (politologue, sociologue, auteur d’essais et de romans) pour manquement à l’obligation de réserve, par un décret de Nicolas Sarkozy pour avoir eu l’outrecuidance de critiquer le rapprochement de la gendarmerie et de la police sous la houlette du ministère de l’Intérieur. Ce qui lui était reproché était en définitive de réfléchir à son métier2. L’intéressé s’en expliquera dans un ouvrage bien documenté3. Rappelons au passage que la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France en 2014 dans cette même affaire au titre de la liberté d’association4. Manifestement, la France a subi les foudres de la plus haute juridiction administrative française et de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) du Conseil de l’Europe.

Pm. : rappelons que le mandat d’Emmanuel Macron a débuté par un coup d’éclat à la veille du 14 juillet 2017 lors de sa présentation des vœux aux Armées. Il y prenait à partie le chef d’état-major des armées (CEMA), Pierre de Villiers pour avoir critiqué les restrictions budgétaires devant la commission de la défense de l’Assemblée nationale. Ceci conduira à la démission fracassante du général de Villiers5. Une fois encore était posée la question du périmètre du devoir de réserve d’un officier. Quelques mois après, dans un entretien au Monde, son successeur au poste de CEMA reprenait ces critiques mais ne fut pas tancé pour son crime de lèse-Jupiter.

LA DÉCOUVERTE DE L’AFFAIRE LEGRIER

Les faits objectifs. Dans sa livraison des 17 et 18 février 2019, le quotidien Le Monde sous la plume de son experte des questions de défense, Nathalie Guibert nous apprend que la ministre des Armées, la sympathique Florence Parly envisagerait de sanctionner le colonel d’artillerie, François-Régis Legrier pour avoir publié dans la Revue défense nationale un article critique intitulé : « La bataille d’Hajin : victoire tactique, défaite stratégique ? ». Fort de son expérience de commandant de la « Task Force Wagram », l’auteur y stigmatise une approche de la bataille d’Hajin à l’américaine aboutissant à des destructions importantes de cibles civiles qui donnent à la population « une détestable image de ce que peut être une libération à l’occidentale, laissant derrière nous les germes d’une résurgence prochaine d’un nouvel adversaire ». Ce colonel regrette l’absence d’une tactique de terrain et critique la vision globale américaine. À ses yeux, la guerre n’est pas gagnée « faute d’une politique réaliste et d’une stratégie adéquate ». Notons que le rédacteur en chef de la Revue défense nationale – dont nous tairons le nom – indique « avoir manqué de discernement » et a retiré le texte du site internet de la publication 6.

Leurs implications futures. Cette censure en règle d’un article destiné à alimenter la réflexion sur la sale guerre de la coalition en Syrie, une guerre américaine pour laquelle nous nous sommes contentés de jouer les idiots utiles et cela dans une revue censée être scientifique, est tout simplement intolérable au nom de la liberté d’expression, de la liberté de penser « out of the box » comme disent les anglo-saxons. Nous nous limiterons à trois réflexions.

Tout d’abord, cette affaire en dit long sur les pratiques de nos instituts de recherche financés par l’État. Ils apparaissent aujourd’hui sous leur vrai jour, à savoir de vulgaires officines de propagande de la doctrine officielle au sein desquelles toute forme de critique, fut-elle constructive de la doxa, est interdite, bannie 7. Elle vaut à son auteur l’excommunication des temps modernes qui a pour nom sanction disciplinaire. Ni plus, ni moins. Rares sont nos médias aux ordres qui osent soulever le tapis sur cette réalité incontournable. L’on s’étonnera ensuite des erreurs de nos prévisionnistes nichés dans les instituts de recherche qui ne prévoient que ce que veut le Prince. La guerre en Syrie en fournit un exemple frappant. Bachar Al-Assad est toujours là en dépit des prévisions Du très clairvoyant Laurent Fabius en août 2012.

Ensuite, cette affaire en dit long sur les pratiques détestables de la Fonction publique où l’on promeut les courtisans et l’on sanctionne les indépendants. L’esprit de Cour n’a jamais été aussi prégnant que sous le règne de Jupiter-Macron 1er. La servitude volontaire y est la règle pour tous ceux qui veulent faire carrière, veulent des promotions rapides, veulent des affectations prestigieuses, veulent des décorations en bleu et en rouge… Il est vrai qu’entre le verbe « veulent » et le mot « veule », il n’y a pas une énorme différence. On se souviendra du courage légendaire de la Haute fonction publique française sous le régime de Vichy. Rien n’a changé. Et cela n’est pas près de changer. Notre ambassadeur à Washington, Gérard Araud, ambassadeur dignitaire de France n’a jamais été sanctionné pour des fautes autrement plus graves que celles du colonel Legrier. Pourquoi ?

Enfin, cette affaire en dit long sur l’alignement systématique de la France sur les Diktats américains dans le domaine militaire. Tels de petits caniches nous accourons au premier coup de sifflet de notre maître à Washington 8. Donald Trump exige que nous rapatrions nos djihadistes de Syrie et nous nous exécutons tels des laquais… Et, nous avons le toupet de parler de défense européenne, d’armée européenne alors que nous vivons sous la dictature de l’OTAN9. De qui se moque-t-on ? Lisons et relisons ce qu’écrit récemment sur le sujet Régis Debray à propos de cette fausse défense européenne !10 Toute opinion contraire à la doctrine officielle est considérée comme hérétique et vaut excommunication à son auteur. Le colonel Legrier l’apprend à son corps défendant.

Attendons avec intérêt la suite ! Voilà à quel petit jeu la Macronie s’amuse alors qu’elle est incapable de résoudre la crise des « gilets jaunes » qui n’est que le résultat de sa politique sans cap ni boussole. Lamentable affaire que cette affaire Legrier, ce militaire qui n’a qu’un seul tort, celui de livrer sa vérité sur la guerre conduite par la coalition internationale dirigée par les États-Unis en Syrie. De tout temps, le combat le plus noble est celui pour la vérité. Mais quelle vérité au juste ? La « vérité des faits » chère à Hannah Arendt. « Cette vérité si fragile parce qu’elle s’expose aux manœuvres du pouvoir, mais si puissante parce qu’elle dit ce qui est » comme le proclamait une certaine Lucie Dreyfus, l’épouse d’un certain capitaine ! Une fois encore, la morale de cette histoire nous est fournie par un chanteur, aujourd’hui décédé, Guy Béart dont la chanson intitulée La vérité nous éclaire fort utilement. En la plagiant, nous pourrions tous reprendre en chœur : le colonel a dit la vérité, il doit être exécuté.

1 Roseline Letteron, Revue de la défense nationale : enquête sur une disparition inquiétante, www.libertescheries.blogspot.com , 17 février 2019.
2 Jean Guisnel, L’affaire Matelly, ou le côté obscur de la « force humaine », www.lepoint.fr , 5 octobre 2010. 
3 Jean-Hugues Matelly, L’affaire Matelli, Jean-Claude Gawsevitch, 2010.
4 Roseline Letteron, Vers la liberté syndicale dans les forces armées ?, www.libertescheries.blogspot.com , 3 octobre 2014.
5 Pierre de Villiers, Servir, Fayard, 2017.
6 Nathalie Guibert, Un officier français critique la stratégie de la coalition occidentale en Syrie, Le Monde, 17-18 février 2019, p. 4.
7 Guillaume Berlat, Influencer la recherche : vaste programme !, www.prochetmoyen-orient.ch , 24 avril 2017.
8 Guillaume Berlat, L’atlantisme, une passion françaisewww.prochetmoyen-orient.ch , 11 décembre 2017.
9 Guillaume Berlat, Défendre l’Europe ou défendre l’OTAN ?, www.prochetmoyen-orient.ch , 11 décembre 2017.
10 Régis Debray, L’Europe fantôme, 9 La défense européenne, Gallimard, « Tracts », février 2019, pp. 37 à 41.
 

Source : https://prochetmoyen-orient.ch/orient-ations-219/


Revue de la Défense Nationale (RDN) :

Enquête sur une disparition inquiétante...

...par Roseline Letteron - Le 25/02/2019.

 

Un article a disparu. Dans la Revue de la Défense nationale du février 2019, le colonel Legrier, commandant de la Task Force Wagram en Irak, a publié « La bataille d’Hajin : victoire tactique, défaite stratégique ». S’il figure toujours dans la revue diffusée sur papier, l’article ne figure plus dans sa version en ligne et même dans le sommaire également diffusé sur internet.

UN MAGNIFIQUE EFFET STREISAND

On pourrait évidemment se borner à constater un magnifique Effet Streisand. La disparition de l’article lui confère une notoriété exceptionnelle, alors que s’il n’avait pas fait l’objet d’une telle censure, le nombre de ses lecteurs n’aurait guère dépassé le cercle des abonnés de la RDN, militaires et spécialistes des questions de défense.

Aujourd’hui, il est repris sur de nombreux sites internet, et les lecteurs se précipitent. Ils cherchent quels propos effroyables ou scandaleux pouvaient justifier une telle mesure de censure, et ils sont déçus. Puisant son analyse dans son expérience de terrain, l’auteur observe qu’en acceptant la conception américaine de la guerre, la France s’est placée sous l’autorité des États Unis pour sa conduite.  Le choix de bombardements massifs détruisant les infrastructures a certes permis une victoire tactique, mais a « donné à la population une détestable image de ce que peut être une libération à l’occidentale, laissant derrière nous les germes d’une résurgence prochaine d’un nouvel adversaire ». Les choix faits par les Etats Unis dans la conduite des opérations sont clairement mis en cause, et c’est sans doute l’origine de cet autodafé virtuel.

Le communiqué publié par le rédacteur en chef de la RDN ne fait que conforter cette impression. Il reconnait que la Revue ne « souhaite pas publier des articles relatifs à des opérations en cours sans avoir obtenu une approbation des autorités en charge de ces opérations ». En l’espèce, « le processus de validation du texte n’a pas respecté ce principe essentiel », et il assume donc la décision de retrait du texte, même s’il n’est pas exclu qu’il lui ait été demandé par de hautes autorités civiles ou militaires. On doit donc comprendre que les articles publiés sont soumis à un régime d’autorisation qui, en l’espèce, n’a pas été respecté. Ceci nous conduit à préciser les problèmes juridiques que pose cette étrange disparition.

UNE MESURE DISCIPLINAIRE ?

Le premier d’entre eux est la nature juridique de la mesure de retrait. De toute évidence, il ne s’agit pas d’une mesure disciplinaire. En effet, la disparition d’un article n’est pas une mesure figurant dans l’échelle des sanctions concernant les militaires. Prévues par l’article 41 du Statut des militaires, elles vont de l’avertissement à la radiation des cadres, sans passer par la censure des écrits.

Pour pouvoir condamner le colonel Legrier à une sanction disciplinaire, il faudrait démontrer l’existence d’une faute disciplinaire. Le seul fondement possible serait le manquement à l’obligation de réserve. Celle-ci est définie de manière extrêmement floue par les textes en vigueur. L’article L 4121-2 du code de la défense énonce que « les opinions ou croyances, notamment philosophiques, religieuses ou politiques, sont libres ». Toutefois, elles ne peuvent être exprimées « qu’en dehors du service et avec la réserve exigée par l’état militaire ». L’article censuré ne révélait, à l’évidence, ni des opinions philosophiques ni des convictions religieuses. 

Peut-on considérer que la position prise par l’auteur affirmait des « opinions politiques »? La réponse est loin d’être simple. Force est de constater que les contours de l’obligation de réserve sont suffisamment imprécis pour permettre au supérieur hiérarchique de considérer comme manquement à la réserve toute expression d’une conviction qui ne reflète pas la position officielle française. Autrement dit, tout ce qui n’entre pas dans la langue de bois en usage lorsque les membres des forces armées s’adressent au public extérieur à La Grande Muette peut être considéré comme un manquement à l’obligation de réserve.

Mais si l’autorité hiérarchique entend poursuivre sur ce fondement le colonel Legrier, elle doit engager une procédure disciplinaire, et garantir à l’intéressé l’exercice des droits de la défense qui lui sont attachés. Il pourra aussi bénéficier du droit au recours contre l’éventuelle sanction prise à son égard, et, sur ce point, il convient d’observer que le juge administratif exerce un contrôle maximum de l’adéquation entre la sanction et le manquement à la discipline. On se souvient que, dans un arrêt du 12 janvier 2011, le Conseil d’Etat a considéré que le chef d’escadron de Gendarmerie Jean-Hugues Matelly avait violé l’obligation de réserve en publiant  différents articles contestant le passage de l’Arme sous l’autorité du ministre de l’intérieur. En revanche, la Haute Juridiction avait estimé disproportionnée par rapport aux faits qui l’ont motivée la sanction de radiation des cadres prononcée à son encontre. 

On peut se demander quelle sanction serait jugée proportionnée dans le cas d’un officier supérieur publiant un article de « retour d’expérience » (RETEX) dans une revue spécialisée. Celui-ci pouvait d’ailleurs s’estimer autorisé à écrire, dès lors que François Lecointre, chef d’état-major des armées (CEMA) avait tout récemment, en janvier 2018, déploré le "mutisme militaire", et invité les militaires d’active à écrire. Ces propos étaient tenus à l’occasion de la sortie d’un livre édité sous la direction du CEMA lui-même.

Le colonel pouvait donc sincèrement se croire autorisé à écrire, et le droit positif va dans ce sens. Contrairement à une idée reçue, le statut des militaires n’exige plus d’autorisation de publier donnée par le supérieur hiérarchique. L’article L 4122-2 du code de la défense énonce même que « la production des œuvres de l’esprit s’exerce librement ». Ces dispositions ne signifient pas qu’un militaire qui publie ne peut être sanctionné pour manquement à la réserve, mais plus simplement que le contrôle ne sera exercé qu’a posteriori. En l’espèce, l’article est retiré alors même que son auteur n’a fait l’objet d’aucune poursuite disciplinaire pour manquement à la réserve. Il est retiré, nous dit-on, parce que la procédure de validation n’a pas été respectée, c’est-à-dire sur le fondement d’un régime d’autorisation préalable.

A réécouter : Sound of Silence de Simon and Garfunkel, concert de Central Park, 1982

UNE MESURE INTERIEURE A LA REDACTION ?

Le communiqué du rédacteur en chef de la Revue nous invite donc à considérer le retrait de l’article comme une mesure prise par la Rédaction, dans l’intérêt de la revue. Ce n’est pourtant pas si simple car cette mesure a été prise parce que l’article n’avait pas été soumis à autorisation, et cette fois il s’agit bien d’une autorisation délivrée par l’administration. Nous sommes donc dans le cas d’un acte de droit privé fondé sur le non-respect d’une procédure administrative.

La nature juridique de l’acte est donc peu claire, moins que les mesures d’ordre intérieur dont les militaires peuvent faire l’objet. A la suite d’une intervention marquée par sa franchise devant une commission d’enquête parlementaire, puis de la publication d’un livre « Tout ce qu’il ne faut pas dire. Insécurité, justice : un général de Gendarmerie ose la vérité », le général de gendarmerie Soubelet a ainsi été placé en position hors-cadre. Il s’agit là d’une situation, certes peu confortable, car l’intéressé s’est retrouvé "chargé de mission"… sans mission réellement définie, mais il n’était pas victime d’une sanction disciplinaire. Sa fonction, ou plutôt son absence de fonction, était officiellement justifiée par l’intérêt du service. 

En l’espèce, le colonel Legrier n’a fait l’objet d’aucun changement d’affectation et la seule mesure qui le frappe, du moins on l’espère, est la censure de son article, censure réalisée par un acte de droit privé. On apprend ainsi que le régime de la liberté de presse à la RDN est totalement dérogatoire au droit commun. Alors que celui-ci permet à chacun de s’exprimer librement dans la presse, sauf à rendre des comptes a posteriori et devant le juge pénal en cas d’infraction, le régime en cours à la RDN est un régime d’autorisation qui soumet les publications à un contrôle a priori des autorités supérieures, sans que l’on sache s’il s’agit des autorités civiles et/ou militaires. 

UNE INSÉCURITÉ JURIDIQUE

La conséquence de ce système est une double insécurité juridique. D’une part, les critères de l’autorisation sont loin d’être clairs. On apprend que l’article du colonel Legrier a été retiré car il évoquait une opération en cours. Certes, mais la lecture des sommaires de la Revue nous apprend que le général Cholley avait publié, dans la livraison d’octobre 2018, un article intitulé « la guerre contre Daesh au Levant, paradigme des opérations extérieures ».  A l’époque, aucune censure préalable n’avait été exercée, alors même qu’il portait sur la même opération. Il est vrai qu’il se montre plus indulgent à l’égard de la conduite américaine du conflit.

D’autre part, et d’une manière plus générale, les auteurs militaires de la Revue se trouvent placés devant un conflit de normes bien difficile à gérer. D’un côté, le statut des militaires, et même le Chef d’État-Major, les incite à écrire, à participer au débat. De l’autre côté, un régime d’autorisation les replace dans une position de stricte soumission hiérarchique. La mesure prise par la RDN leur rappelle donc qu’ils ont le droit d’écrire, à la condition d’écrire ce qui est autorisé par leur supérieurs hiérarchiques. Autant dire qu’il ne s’agit plus de réfléchir mais tout simplement de communiquer. Considérée sous cet angle, l’affaire illustre parfaitement l’incertitude pesant sur la liberté d’expression des militaires. Ces derniers ont l’impression d’être incités à écrire, mais ils sont finalement rattrapés par la censure à l’issue de leur travail. Leur position est donc pour le moins inconfortable et incite à souhaiter une réflexion nouvelle sur la liberté d’expression des membres des forces armées.

Le débat pose évidemment la question de la place des revues académiques dans le système militaire. La RDN est un périodique traditionnellement dirigé par un officier général en 2e section, mais en principe indépendant. Elle affirme qu’elle « ne dépend d’aucun groupement économique, d’aucun pouvoir financier, ni d’aucun institution officielle (…) Elle vit de ses abonnements, de ses recettes de publicité et des ses ressources propres. Son indépendance est ainsi garantie ». Elle revendique dans sa mission "la diffusion d’idées nouvelles", mission qui ne saurait être exercée efficacement sans indépendance. Jusqu’à tout récemment, l’idée générale était que les forces armées françaises sont suffisamment fortes pour supporter le débat, pour écouter un retour d’expérience un peu transgressif, même si, ensuite, les décideurs font d’autres choix.

Hélas, la diffusion d’idées nouvelles n’est plus à l’ordre du jour. Depuis la révocation très brutale de l’ancien CEMA, l’autorité politique ne veut voir qu’une seule tête et exige un silence absolu des membres des forces armées. L’article du colonel Legrier va à l’encontre de cette tendance, et il n’a pas tardé à disparaître. Cette mesure témoigne d’un risque de repli sur soi de la pensée militaire, d’un isolement nuisible à son rayonnement et conduisant à l’exclure des débats académiques. La RDN est ainsi la seconde victime de l’affaire car elle demeurait l’un des rares espaces de débat académique sur les questions défense, ouverte aux militaires mais aussi à tous ceux qui réfléchissent sur les questions de défense, en particulier au sein des Universités. En assumant la décision de retrait, elle accepte d’être considérée comme un simple outil de communication institutionnelle et de perdre la collaboration d’auteurs attachés à la liberté académique.

Roseline Letteron

Source : http://prochetmoyen-orient.ch/revue-de-la-defense-nationale-rdn-enquete-sur-une-disparition-inquietante/


Censures françaises !

...par Richard Labevière - le 26/02/2019.

 

L’émotion médiatico-politique – déclenchée par la publication dans la Revue de défense nationale (RDN) de l’article du colonel François-Régis Legrier sur les opérations occidentales en Syrie – est révélatrice de trois évolutions lourdes qui contraignent désormais l’état du débat public en France. Après une lecture aussi précise que symptômale, trois constats s’imposent :

 

Premier constat : cet article qui n’est – somme toute – qu’un « retour d’expérience » des plus classiques, affaiblit considérablement, sinon porte un coup peut être fatal à l’exercice indispensable lui-même du « retour d’expérience ».

Deuxième constat : ce genre de censure n’est pas nouveau et rappelle quelques fameux précédents, autant d’illustrations d’une vassalisation de la pensée, donc du pays.

Troisième constat : la jurisprudence Legrier correspond à la disparition languissante d’une recherche, sinon d’une pensée stratégique française ouverte, indépendante autant que nécessaire.

CHER ALAIN JUPPE

L’auteur de ces lignes se souvient avoir assisté au discours prononcé par Alain Juppé le 20 janvier 2011 à l’Ecole militaire à l’occasion du baptême de la promotion « Général de Gaulle » du Collège interarmées de Défense (CID). Son intervention officialisait aussi la transformation du CID, qui reprenait ainsi sa fonction d’« Ecole de guerre ». Se référant à la pensée et aux écrits stratégiques du général de Gaulle, Alain Juppé déclarait « droit dans ses bottes » : « cette capacité de réflexion intellectuelle doit commencer à s’exercer dès aujourd’hui. Je sais que votre encadrement vous encourage à écrire et à publier, dans l’esprit de responsabilité qui a toujours été celui de nos Armées. Je souhaite que vous poursuiviez ces efforts dans une démarche pragmatique et constructive et que vos articles soient le fruit de la pensée la plus innovante possible ». Sic et dont acte !

« Une pensée innovante » ne saurait s’en tenir à la répétition du manuel pour prendre le risque de contredire les doxas dominantes. Exercer le « doute hyperbolique » cartésien consiste d’abord à récuser les idées reçues qui s’imposent souvent comme « des évidences trompeuses », nous rappelle René Descartes dans son Discours de la méthode. Une quelconque « pensée critique » se met d’abord en situation de crise afin de rebattre les différences communément établies entre l’erreur et la vérité.

Colonel François-Régis Legrier

Colonel François-Régis Legrier

En l’occurrence que dit le colonel François Régis Legrier dans son article ? Quelques vérités revisitées : il a fallu plusieurs mois et des destructions considérables pour venir à bout des deux milles ultimes jihadistes de Dae’ch retranchés dans l’Est de la Syrie. Pourquoi ? Parce que la coalition américaine à laquelle participe la France – n’ayant pas voulu envoyer des soldats au sol – a confié le travail aux milices locales aléatoires du Front démocratique syrien (FDS), dominées par des factions kurdes éloignées de leurs bases. Pour vaincre, il a fallu bombarder massivement tout ce qui se trouvait au sol, au risque de s’aliéner les habitants. Conclusion : pour éviter une telle dépense d’énergie et tant de dégâts, mieux aurait valu envoyer des soldats aguerris sur le terrain. « La bataille d’Hajine a été gagnée (…), écrit le colonel, avec « un coût exorbitant et au prix de nombreuses destructions ».

Cette lecture ne dit pas autre chose que ce qu’écrivent – en interne – les experts des différentes instances opérationnelles de l’état-major des armées (EMA) et les analystes de la Direction du renseignement militaire (DRM). Tirer leçons et enseignements d’une bataille sur le point d’aboutir est un exercice des plus normaux dans le cadre habituel de ce que les militaires appellent « retour d’expérience » (RetEx). La question de savoir ce qui peut être rendu public ou pas ne relève pas d’une science exacte et doit être ramenée aux concepts fondateurs de La Formation de l’esprit scientifique de notre historien national des sciences Gaston Bachelard !

Après une lecture à la loupe du papier du colonel Legrier, force est d’admettre que ce dernier propose un RetEx des plus rigoureux, conforme à sa responsabilité d’officier supérieur. Il ne livre aucune information classifiée, ni de quelconques secrets d’Etat qui metteraient en péril la sécurité de la France comme a pu le faire François Hollande dans un livre étrange1 alors qu’il était encore président de la République !

A l’évidence, ce qui ne passe pas c’est le coup de griffe à l’encontre d’une stratégie américaine qui n’a pas variée depuis le Seconde guerre mondiale : bombarder massivement de très haut pour ne pas mettre en danger la vie des équipages et, surtout pour éviter un déploiement humain sur le terrain. Le papier ne met nullement en cause la chaîne de commandement de la Coalition occidentale, ni les décideurs militaires de notre pays. Il ne rappelle même pas que l’ingérence des forces occidentales en Syrie est parfaitement illégale au regard du droit international.

En effet, si les Russes, les Iraniens et le Hezbollah libanais interviennent en Syrie, ils le font à la demande du gouvernement légal de ce pays. Pour sa part, la coalition occidentale se fonde abusivement sur la résolution 2249 du Conseil de sécurité des Nations unies (20 novembre 2015), qualifiée par les diplomates de « monument d’ambiguïté ». Bien qu’adopter sans recourir au chapitre VII de la Charte de l’ONU (qui autorise le recours à la force), cette résolution en utilise la rhétorique, engageant tous les Etats membres qui en ont les moyens à « prendre toutes les mesures nécessaires » sur les territoires syriens et irakiens contrôlés par Dae’ch pour faire cesser les actes de terrorisme.

Avec l’aval de Barack Obama et de l’OTAN, Nicolas Sarkozy et David Cameron n’avaient pas procédé autrement en s’autorisant de la résolution 1973 pour déclencher leur guerre de Libye au printemps 2013, dont l’objectif affiché était pourtant un « changement de régime » dans ce pays. Avec l’appui des pays européens et en l’absence totale du moindre appui des Nations Unies, Donald Trump veut maintenant faire la même chose au Venezuela… Comment, notre pays – détenteur d’un siège permanent au Conseil de sécurité – peut-il cautionner à ce point le démantèlement du droit international et jouer ainsi contre ses propres intérêts ?

Toujours est-il que le colonel Legrier aurait pu rappeler aussi que les forces spéciales américaines – qui ont combattu Dae’ch à Hajine et Raqqa – sont intervenues à Deir ez-Zor (à l’Est de la Syrie) pour porter secours aux mêmes factions jihadistes engagées contre l’armée gouvernementale syrienne… En fait, la thèse du colonel Legrier insistant sur la nécessité d’un engagement au sol se trouve être la même que celle de nombre d’officiers du Pentagone et d’une centaine de diplomates ayant adressé une lettre ouverte au président Obama ! La grande différence avec notre pays, c’est que des officiers américains peuvent le penser, l’écrire et le publier tandis qu’en France cette liberté (en responsabilité citoyenne) est, désormais assimilée à un délit punissable…

LE DEMANTELEMENT DE LA REVUE DEFENSE

Deuxième constat : l’affaire Legrier s’inscrit dans une filiation chargée d’autres censures du même type, plus anciennes mais tout aussi scandaleuses. L’une des plus éclatantes censure de ce type remonte au printemps 2011. Dans son numéro 149, la revue Défense des auditeurs de l’IHEDN (Institut des Hautes Etudes de Défense nationale)2 s’était permise de publier un entretien avec le général Vincent Desportes critiquant de manière modérée les règles d’engagement de troupes françaises en Afghanistan. Ce dernier osait souligner que « les orientations stratégiques américaines se sont imposées en France » et que « beaucoup de choix militaires ne nous appartiennent plus », en s’inquiétant d’une réduction des moyens humains et matériels de nos armées : « nous sommes aujourd’hui dans une situation de baisse préoccupante de nos capacités opérationnelles ».

Jean-Raphaël Notton

Jean-Raphaël Notton

Un triste sire nommé Jean-Raphaël Notton (à l’époque président de l’Union-IHEDN et à ce titre faisant office de directeur de la publication) réagit vertement, engueulant copieusement le comité de rédaction ordonnant de lui soumettre les sommaires et articles des prochaines livraisons de la revue. Réponse du berger à la bergère : le 14 mars 2011, le comité de rédaction (bénévole, pluridisciplinaire et politiquement pluriel) lui adressait une lettre de démission en bloc. Sans même s’être fait remonter les bretelles par qui que ce soit – ni à Matignon dont dépend l’IHEDN, ni dans la hiérarchie militaire – ce monsieur Notton en attente fébrile de La Rouge (Légion d’honneur) se mit alors à invoquer fallacieusement quelques irrégularités de gestion de la revue pour ne pas perdre la face. Bien que menacé de poursuites judiciaires, l’imprudent accusateur s’adressa à Jean Guisnel du Point, faisant lui-aussi feu de tout bois pour se faire bien voir de ses sources de la hiérarchie militaire3.

Mettant en égale balance les deux parties, le servile Guisnel, s’abstint de toute enquête sérieuse, préférant donner largement la parole au triste Notton qui n’a pas abandonné, aujourd’hui encore, ses rêves de Légion d’honneur.

Plus récemment en novembre dernier, la présidente du conseil d’administration de l’IHEDN – Nicole Gnesotto – a fait interdire un colloque qui devait se tenir à l’Ecole militaire. Thème : nouvelles menaces terroristes et contre-terrorisme. Intervenants : les anciens juges anti-terroristes Jean-Louis Bruguières et Michel Debacq, Bernard Squarcini ancien patron de la DCRI (Direction centrale du Renseignement Intérieur) et Alain Chouet, ancien chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE, ainsi qu’Alain Juillet, notamment ancien responsable de l’Intelligence économique auprès du Premier ministre ! Autant de dangereux délinquants, il faut bien en convenir ! Encouragée par l’ambassadeur de France à… Washington et quelques plumitifs néo-cons, l’interdiction non motivée tomba comme un couperet de.. Matignon !

Ces deux dernières années, plusieurs colloques concernant la guerre en Syrie et la diplomatie française ont été successivement censurés au Mémorial de Caen, à la Sorbonne, au Sénat et à l’Assemblée nationale. Autre insolence : ces réunions ouvertes et pluridisciplinaires ambitionnaient de donner la parole à d’autres grands connaisseurs de la Syrie et des coulisses du Quai d’Orsay que ceux qui ont leur rond de serviette sur les plateaux de C-dans l’Air, de BFM ou de C-niouze et propagandes… Une fois et à répétition, la peur de la contradiction, l’aplaventrisme et l’ignorance avaient gain de cause.

Aujourd’hui, de nombreuses enquêtes savantes concluent à la perte de confiance des Français envers leurs médias. On se demande bien pourquoi ! Paraissant toujours, la revue Défense de l’IHEDN est redevenue le bulletin paroissial des anciens auditeurs et des industries de défense. Ses rédacteurs soumettent leurs papiers aux successeurs du triste Notton qui s’est incrusté dans le monde merveilleux des associations d’anciens auditeurs. Après le malheureux épisode Legrier, la prestigieuse RDN va certainement connaître le même destin. Mais on attend une réaction forte de Conseil constitutionnel… Celle-ci ne devrait pas tarder pour endiguer les vents mauvais afin de redonner confiance aux officiers qui souhaitent toujours écrire et se faire publier !

Plus sérieusement, redisons (et la rédaction de prochetmoyen-orient.ch le fait régulièrement) – que cette évolution consacrant le retour de la censure dans notre pays – n’est pas une bonne chose, non seulement pour nos indépendance et souveraineté nationales, mais aussi pour nos intérêts économiques, scientifiques et de rayonnement culturel qui ne sauraient se passer de la contradiction et d’une pensée critique libre et responsable à la manière de René Descartes et de tant d’autres penseurs qui ont fait s’exporter nos Lumières.

VIVE 2084 !

Troisième constat : la haine de l’intelligence. En écrivant son célèbre 1984, le grand écrivain George Orwell nous prédisait l’avènement d’un monde décervelé ou règnerait la novlangue et toutes les ruses de la propagande. L’avertissement de ces sombres prédilections est – aujourd’hui – pulvérisé par de bien pires menaces : une banalisation générale de la médiocrité normative et courtisane.

A force de prendre ses lecteurs, téléspectateurs et auditeurs pour des veaux, la presse « mainstream » se met elle-même en position de disparaître. Le nombre de ses usagers réguliers diminue d’année en année, de mois en mois, de jours en jours. Rivalisant d’ignorance, ses segments courent derrières les mal nommés « réseaux sociaux » et autres monstres liquides de la révolution numérique : « j’aime/j’aime pas », je partage les « opinions » de millions d’amis. La belle affaire ! Entre la mode des « Fake News », contre-Fake-News, autres fariboles et fantasmes complotistes, l’information sourcée, recoupée et vérifiée est devenue chose rare et trop importante pour être confiée aux médias classiques, qu’ils soient gratuits ou plus onéreux.

Aujourd’hui, qui produit encore de l’information ? Quelques agences dinausoriques ainsi que les services de renseignements régaliens et privés. Il existe – bien-sûr – quelques niches d’excellence dont ne fait surtout pas partie « Médiapart-ial » et les amuseurs publics Plenel, Bourdin, Apathie, Calvi et consort. Ces quelques perles relèvent, le plus souvent, d’une clandestinité qu’on pourrait associer à celle du Conseil national de la résistance (CNR), dernièrement encore vertement décrié par Emmanuel Macron.

L’édition est, à-peu-près dans le même état, délaissant les enquêtes de fond au profit des frasques de nos dirigeants anciens et plus actuels qui « ne devraient pas dire ça… Une censure attentive y règne aussi, la liste des ouvrages critiques passés à la trappe après avoir été lancés en fabrication est aussi longue qu’éloquente.

Restait la recherche, ses laboratoires inventifs et rutilants aux Lumières des vieux lustres de notre CNRS national. Là aussi on a fermé à-peu-près tout ce qui pourrait fâcher au profit d’Instituts et de Think-tanks aux ordres ! Ces derniers inféodent leurs priorités de recherche et leur ligne éditoriale aux desiderata de leurs bailleurs de fonds du Maroc, du Qatar, de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unies… Dans ces officines aussi, les esprits critiques sont devenus denrée extrêmement rare. « Obnubilés » par les fins de mois et fidèles au sacré principe selon lequel « le client est roi », « chercheuses » et « chercheurs » produisent « utiles », c’est-à-dire dans les seules perspectives pouvant garantir l’avenir de la carrière ! Ecce homo certes, mais notre pays mérite mieux en guise d’intelligence, de recherche et de prospective.

2024 ? Nous y sommes et l’affaire Legrier n’en est qu’une nouvelle confirmation. Ce courageux colonel a eu le tort de prendre à la lettre le conseil d’Alain Juppé lancée à l’Ecole de guerre en 2011. Nous suivrons la suite de sa carrière avec la plus grande attention, parce qu’en définitive son papier ne faisait que décrire une réalité de terrain que nous (et plus autres collaborateurs de prochetmoyen-orient.ch) pratiquons depuis plus de vingt ans. Osons l’affirmer très modestement, même au risque d’être aussitôt accusé de barboter dans les Fake News et le complotisme…

Quelques-uns de nos maîtres du Vieux monde – Claude julien, Eric Rouleau et Paul Balta – nous ont enseigné « le devoir d’irrespect », le croisement et la vérification des sources. Les gourous du nouveau « nouveau monde » préfèrent les places, les passeports diplomatiques, le fric et les voitures de fonction… en s’essuyant les pieds sur la France et ses citoyens. Triste époque vraiment…

Néanmoins bonne lecture et à la semaine prochaine.

Richard Labévière

Source : https://reseauinternational.net/censures-francaises/

 

ITW de Richard Labévière pour TVL

Syrie : La diplomatie française a eu tout faux !


La stratégie française contre Daech est-elle erronée ?

"Le Point" - le 26/02/2019.

Le colonel Legrier pourfend la conduite française de la guerre dans la zone irako-syrienne, qu'il juge trop alignée sur les options du Pentagone. Polémique.

 

 
Hajin, le 27 janvier 2019. Le colonel Legrier deplore les bombardements massifs en lieu et place de l'envoi de troupes aguerries au sol.

Hajin, le 27 janvier 2019. Le colonel Legrier déplore les bombardements massifs en lieu et place de l'envoi de troupes aguerries au sol.

© DELIL SOULEIMAN / AFP

 

 

Le colonel François-Régis Legrier est chef de corps du 68e régiment d'artillerie d'Afrique, basé à La Valbonne (Ain). Jusqu'à sa relève récente, au terme programmé de son mandat, il a commandé la task force Wagram, une force de 200 artilleurs équipés de canons Caesar installée non loin de la frontière irako-syrienne pour contribuer à la réduction des derniers bastions de Daech.

En rendant visite le 9 février dernier à cette force intégrée à l'opération internationale Inherent Resolve, la ministre des Armées Florence Parly avait été reçue par le colonel Legrier, en instance de retour en France.

 

Avant de rentrer, il avait rédigé son rapport de fin de mission, destiné à ses chefs militaires. Classifié et inaccessible, comme il se doit. Et aussi un texte rédigé pour un public plus large, envoyé à la revue Défense nationale, éditorialement indépendante du ministère des Armées, mais pas trop… Dans ce texte que tout un chacun peut acquérir en ligne en achetant le numéro complet de la revue, le colonel Legrier affiche une plume assez leste. Sous le titre « La bataille d'Hajin : victoire tactique, défaite stratégique  ? », l'auteur défend une position ferme : la coalition a suivi une stratégie erronée. En refusant d'engager des troupes au sol, il lui a fallu « près de cinq mois et une accumulation de destructions pour venir à bout de 2 000 combattants ne disposant ni d'appui aérien, ni de moyens de guerre électronique, ni de forces spéciales, ni de satellites ». L'arme aérienne a ses avantages, admet l'auteur, mais « pourquoi entretenir une armée que l'on n'ose pas engager  ?  Si la réduction du dernier bastion de l'État islamique ne vaut pas la peine d'engager des troupes conventionnelles, quelle cause sera assez importante pour le faire  ? Extrêmement à l'aise pour remplir les grands états-majors multinationaux d'une ribambelle d'officiers, les nations occidentales n'ont pas eu la volonté politique d'envoyer 1 000 combattants aguerris régler en quelques semaines le sort de la poche d'Hajin et épargner à la population plusieurs mois de guerre ».

 

« Combien d'Hajin faudra-t-il pour comprendre que nous faisons fausse route  ? »

 

En réalité, des forces terrestres ont été engagées : celles des forces démocratiques syriennes, à base de combattants kurdes. Et les avions américains et alliés ont rasé la région, amenant l'auteur à s'interroger : « La question qui se pose est de savoir si la libération d'une région ne peut se faire qu'au prix de la destruction de ses infrastructures (hôpitaux, lieux de culte, routes, ponts, habitations, etc.). C'est là, l'approche assumée sans complexe, hier et aujourd'hui, par les Américains ; ce n'est pas la nôtre. » Pour le colonel Legrier, « en s'en remettant principalement à des moyens air inopérants sur un plan tactique lorsque les conditions météo se dégradent et aux forces spéciales, la coalition a perdu beaucoup de temps, d'énergie et de crédibilité, Daech ayant beau jeu de se vanter d'avoir tenu en échec la première puissance mondiale pendant des mois ». Et d'enfoncer le clou : « En refusant l'engagement au sol, nous avons prolongé inutilement le conflit et donc contribué à augmenter le nombre de victimes au sein de la population. Nous avons détruit massivement les infrastructures et donné à la population une détestable image de ce que peut être une libération à l'occidentale, laissant derrière nous les germes d'une résurgence prochaine d'un nouvel adversaire. Nous n'avons en aucune façon gagné la guerre faute d'une politique réaliste et persévérante et d'une stratégie adéquate. Combien d'Hajin faudra-t-il pour comprendre que nous faisons fausse route  ? »

 

"Manque de discernement"

 

À l'état-major des armées, on s'est dit choqué par l'article. On fustige le « manque de discernement » de l'auteur, voire son défaut de « loyauté » envers ses chefs qui l'ont envoyé dans la zone irako-syrienne pour mettre en œuvre une stratégie nationale. Cet agacement a été signifié au général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue. Il avait eu la prudence de publier l'article dans une rubrique de libres opinions, tout en estimant aujourd'hui qu'il aurait dû attendre pour le publier que l'auteur soit revenu d'Irak. Un coup de fil courroucé de l'état-major l'a conduit à retirer de son propre chef l'article de la page d'accueil du site. Il assure que le cabinet de Mme Parly ne l'a pas contacté.

Nous voilà, en tout cas, avec un bel exemple de l'effet Streisand. Dans un article indigné sur son blog La voie de l'épée, le colonel Michel Goya apporte son soutien au colonel Legrier : « Je n'ose imaginer que l'on revienne à ces sottes pratiques qui dans le passé ont toujours constitué le prélude à de grandes déconvenues. »

Le chef d'état-major des armées, le général François Lecointre, s'affiche comme un chaud partisan de la liberté de parole et d'écriture des militaires. Tant qu'ils expriment des points de vue sur l'éthique, la camaraderie et la clairvoyance des chefs, l'exercice est approuvé d'avance. Quant à donner son avis sur la conduite de la guerre, c'est une autre paire de manches. Le colonel Legrier en fait aujourd'hui l'expérience. Avis aux amateurs…

 

Source : https://www.lepoint.fr/editos-du-point/jean-guisnel/la-strategie-francaise-contre-daech-est-elle-erronee-26-02-2019-2296416_53.php


Polémique à la française pour l'article critique d'un officier sur la bataille d'Hajin : Une défaite stratégique ?

...par "La Voix du Nord" - le 28/02/2019.


Malgré des efforts louables, la communication de défense reste prisonnière de ses vieux principes, hérités avec l'Alouette III, le VAB et le FAMAS, d'un temps où les réseaux sociaux n'existaient pas. Si les équipements finissent par se moderniser et se remplacer, il en est autrement des esprits.

 

L'exemple de l'article du colonel François-Régis Legrier (photo AFP à gauche avec Florence Parly...), paru dans le numéro de février de la Revue de Défense Nationale, est frappant. Voilà un papier qui aurait pu rester dans le cénacle restreint des spécialistes (pas seulement militaires), ouvrir un débat, nourrir l'intelligence des observateurs, en déranger certains peut-être. Mais c'est l'indignation publique, notamment de la ministre des Armées, Florence Parly, qui a déclenché à rebours l'intérêt pour ce RETEX, certes abrupt, sur la stratégie américaine contre l'Etat islamique au Levant. Les spécialistes appellent ça l'effet Streisand (la chanteuse avait voulu interdire la diffusion d'une photo de son domaine privé en 2003 mais le recours avait eu pour effet inverse d'attiser et multiplier la curiosité).

 

Détaillons cette polémique à la française quand résonne l'opinion du chef d'état-major des armées, le général François Lecointre : « Faire l’impasse sur l’écriture n’est pas admissible chez ceux qui se disposent à être des chefs militaires. » « Le contexte est, aujourd’hui, favorable au renouvellement de la pensée sur des thèmes trop longtemps négligés », poursuit-il en janvier 2018 dans une tribune parue dans Le Figaro. Quand la ministre réclame des sanctions... Les prochains trublions risquent de tourner sept fois leur clavier dans leur bouche avant d'exposer leur analyse. Et c'est désastreux. Une victoire tactique peut se transformer en défaite stratégique.

 

D'abord, l'article du chef de corps du 68e régiment d'artillerie d'Afrique et chef de la Task Force Wagram d'octobre 2018 à février 2019 (les 6 ou 4 canons de 155 mm sur camion Caesar), est critiquable (il ne manquerait plus que ça). Il oublie principalement de placer la réflexion militaire dans le touffus contexte politique syrien. La présence de forces étrangères, russes, iraniennes (et proxy), compte dans la stratégie globale contre Daech, basée sur l'appui occidental aux forces démocratiques arabo-kurdes, la technologie, les forces aériennes et spéciales. L'absence d'engagement de troupes conventionnelles au sol est donc à analyser au regard de ce contexte. Le colonel Legrier a toutefois le mérite d'exposer « les limites de la guerre par procuration et de notre approche tournée vers la suprématie technologique ». « Certes, la bataille d’Hajin a été gagnée mais de façon très poussive, à un coût exorbitant et au prix de nombreuses destructions » d’infrastructures, dénonçant « l’approche assumée sans complexe, hier et aujourd’hui, par les Américains ».

 

Cet article de sept pages est à lire par ici dans une version PDF de la RDN (il a été supprimé du site devant le tollé interne) et intitulé : La bataille d’Hajin : victoire tactique, défaite stratégique ? 

Ce qui est amusant, c'est que la polémique qui suit lui donne une exposition inédite. Le papier a été ainsi diffusé officiellement à l'ensemble des officiers de la composante terrestre belge, les mêmes qui vont travailler de concert avec les Français dans un partenariat lié au programme Scorpion. Une autre approche...

 

En audition devant la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat le 20 février (publié ce mercredi 27), Florence Parly a montré un courroux disproportionné. On a du mal à en saisir le fondement. Elle assure que le colonel Legrier « a commis une première faute en exposant potentiellement ses hommes par les révélations contenues dans l'article ». A sa lecture, c'est clairement faux.

 

Conséquence, « il a été convoqué à Paris pour rendre compte à sa hiérarchie. Je suis tout à fait favorable à la liberté d'expression, mais elle est limitée par la déontologie professionnelle qui s'applique à tous les agents publics, dont les militaires ». La ministre, qui a rencontré l'officier en Irak le 9 février, tance : « S'il n'était pas d'accord avec l'action de France (ce qui ne transparaît pas dans l'article), il devait demander à être déchargé de son commandement. Je vois donc dans son attitude une certaine fausseté et un manque de courage. Sa hiérarchie prendra donc les mesures qui s'imposent et rappellera les règles de base qui s'appliquent à tous. »

 

Avis aux amateurs.

 

Source : http://defense.blogs.lavoixdunord.fr/archive/2019/02/28/colonel-legrier-15918.html#more


La fabrique de l'armée des sans-couilles

...par F. Boizard - le 28/02/2019.

Syrie : Florence Parly demande des sanctions contre un colonel  :

httpss://premium.lefigaro.fr/flash-actu/2019/02/27/97001-20190227FILWWW00328-syrie-florence-parly-demande-des-sanctions-contre-un-colonel.php

 

 

Florence Parly, je m'en fous. Elle est comme tous les ministres de ce gouvernement, elle mérite le mépris le plus total. Il faut marcher dedans du pied droit, c'est tout ce qu'on peut en faire.

Elle fait la classique poussée d'autoritarisme de ces imbéciles macroniens : « Gna gna gna, je suis le chef, ta gueule ! ».

En revanche, ce qui me soucie, parce que cela a des effets de long terme, c'est la restriction de la liberté d'expression des militaires.

Déjà que la tendance française historique est à privilégier la servilité chez les officiers supérieurs, cette décision idiote ne peut qu'aggraver cette situation dangereuse.

En effet, qu'est-ce que la servilité militaire ? Cacher les mauvaises nouvelles pour ne pas déplaire et exécuter des décisions que l'on sait mauvaises pour faire plaisir au chef.

Vous allez me dire que c'est habituel chez les macroniens. Certes, mais en matière militaire encore plus qu'ailleurs, la réalité se venge de ce genre de lâchetés et ça fait des morts, quelquefois beaucoup. Vous allez me encore dire : « Tant que ça ne touche pas un ministre, c'est pas grave ».

Hélas, l'armée française était forte quand les militaires étaient libres de s'exprimer, et cela a un rapport direct.

Vous pouvez toujours espérer que sa hiérarchie défende le colonel accusé. Ne soyez pas trop impatients. Vous allez attendre longtemps.
Source : httpss://fboizard.blogspot.com/2019/02/la-fabrique-de-larmee-des-sans-couilles.html

Florence Parly demande des sanctions contre un colonel qui a critiqué la stratégie en Syrie


Florence Parly à l'Elysée le 3 août 2018. (VAN DER HASSELT / L'officier a dénoncé dans un article la victoire "poussive à un coût exorbitant" de la coalition internationale lors de la bataille d'Hajin fin 2018 contre l'organisation Etat islamique.

La ministre des Armées, Florence Parly, a demandé des sanctions contre un colonel qui a critiqué la stratégie de la coalition internationale sous commandement américain dans la guerre contre l'organisation Etat islamique (EI) en Irak et en Syrie, dénonçant une "certaine fausseté" de sa part.

Le colonel François-Régis Legrier, qui a commandé les artilleurs français engagés contre l'EI d'octobre 2018 à ce mois de février, a dénoncé dans un article, retiré du site de la "Revue Défense Nationale" mais dont "le Monde" a publié des extraits, une victoire "poussive à un coût exorbitant et au prix de nombreuses destructions" lors de la bataille d'Hajin fin 2018.

 

"S'il n'était pas d'accord avec l'action de la France, il devait demander à être déchargé de son commandement", a estimé la ministre lors d'une audition le 20 février devant la Commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat, dont le contenu a été rendu public mercredi.

"Je vois donc dans son attitude une certaine fausseté et un manque de courage", a-t-elle poursuivi en rappelant qu'elle avait rendu visite à son détachement d'artillerie (Task Force Wagram) le 9 février en Irak et qu'il ne lui avait alors fait "aucune observation". "Sa hiérarchie prendra donc les mesures qui s'imposent et rappellera les règles de base qui s'appliquent à tous", a ajouté la ministre.

 

"Une faute" 

Selon Florence Parly, l'officier a "commis une faute en exposant potentiellement ses hommes par les révélations contenues dans l'article". Elle a jugé l'article aussi "particulièrement critiquable" sur le fond. Et d'ajouter :

"Je suis tout à fait favorable à la liberté d'expression mais elle est limitée par la déontologie professionnelle qui s'applique à tous les agents publics, dont les militaires."

L'article, publié dans l'édition de février de la "Revue Défense Nationale", a depuis été retiré du sommaire diffusé sur le site en ligne de la "RDN". Le général Jérôme Pellistrandi, qui dirige la revue, a expliqué que s'agissant "d'opérations en cours", la "RDN" aurait dû recevoir "une approbation des autorités" militaires et regretté que dans ce cas elle n'ait pas respecté ses "obligations déontologiques".

L'auteur de l'article déplorait notamment que des soldats français n'aient pas été engagés en plus grand nombre sur le terrain face à l'EI – à l'exception de quelques forces spéciales –, que "plusieurs milliers de bombes aient été déversées sur quelques dizaines de kilomètres carrés" pour venir à bout du groupe djihadiste à Hajin.


Parly veut des sanctions contre le colonel Legrier qui a critiqué la stratégie occidentale en Syrie

...par RT France - le 28/02/2019.

 

Parly veut des sanctions contre le colonel Legrier qui a critiqué la stratégie occidentale en Syrie© Daphné BENOIT Source: AFP
Le colonel Legrier (à gauche) et Florence Parly le 9 février 2019 dans la province d'Anbar en Irak, non loin de la zone syrienne de Deir ez-Zor (image d’illustration).

Le ministre des Armées a rappelé à l'ordre un colonel qui a critiqué l'action de Paris dans la coalition menée par Washington en Syrie. Evoquant la bataille d'Hajin, il avait dénoncé une victoire «poussive [...] au prix de nombreuses destructions».

 

Le ministre des Armées a demandé des sanctions contre le colonel français François-Régis Legrier qui s'est montré critique vis-à-vis des opérations de la coalition internationale en Syrie dirigée par les Etats-Unis et à laquelle participe la France. Dans un rapport du Sénat publié le 27 février (mais reprenant les propos d'une audition tenue le 20 février devant la Commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat), Florence Parly a dénoncé une «certaine fausseté» de la part de celui qui a commandé d'octobre 2018 à février 2019 les artilleurs français engagés contre Daesh dans le cadre de la Task Force Wagram.

Dans un article publié par la Revue de Défense Nationale(RDN) au mois de février, l'officier avait dénoncé, au sujet de la bataille d'Hajin fin 2018, une victoire «poussive à un coût exorbitant et au prix de nombreuses destructions». Il écrivait : «Certes, la bataille d'Hajin a été gagnée mais de façon très poussive, à un coût exorbitant et au prix de nombreuses destructions. Certes, les Occidentaux, en refusant d’engager des troupes au sol, ont limité les risques et notamment celui d’avoir à s’expliquer devant l’opinion. Mais ce refus interroge : pourquoi entretenir une armée que l’on n’ose pas engager ? Si la réduction du dernier bastion de l’Etat islamique ne vaut pas la peine d’engager des troupes conventionnelles, quelle cause sera assez importante pour le faire ? Extrêmement à l’aise pour remplir les grands états-majors multinationaux d’une ribambelle d’officiers, les nations occidentales n’ont pas eu la volonté politique d’envoyer 1 000 combattants aguerris régler en quelques semaines le sort de la poche d'Hajin et d’épargner à la population plusieurs mois de guerre.»

Le gouvernement français a notamment reproché au colonel Legrier d'avoir fait parvenir ce texte à la RDN (qui a depuis retiré l'article) avant d'avoir rendu son rapport de retour d'expérience (retex) à sa hiérarchie. Le directeur de la publication de la revue a, quant à lui, regretté avoir «manqué de discernement».

Comme le signale le rapport du 27 février, Florence Parly réclame des sanctions à l'attention du colonel : «S'il n'était pas d'accord avec l'action de la France, il devait demander à être déchargé de son commandement. Je vois donc dans son attitude une certaine fausseté et un manque de courage [...] Sa hiérarchie prendra donc les mesures qui s'imposent et rappellera les règles de base qui s'appliquent à tous.»

Selon le ministre, l'officier a «commis une faute en exposant potentiellement ses hommes par les révélations contenues dans l'article». Florence Parly assure : «Je suis tout à fait favorable à la liberté d'expression mais elle est limitée par la déontologie professionnelle qui s'applique à tous les agents publics, dont les militaires.»

Michel Goya soutient le colonel

Dans une tribune publiée par le journal Le Monde le 26 février, l'ancien colonel Michel Goya a pour sa part apporté son soutien au colonel Legrier, qualifiant l'affaire de «réaction de cabinet». Le militaire en retraite appelle à un débat d'idées autour de la question de l'engagement des armées françaises au Levant pour discuter de la stratégie en cours et justifie : «Ne nous y trompons pas, c’est comme cela que l’on évolue vraiment et qu’on développe des idées neuves, avec une dose de critique autour de l’action, qui n’exclut en rien la discipline dans l’action.»

Vidéo intégrée
RT France @RTenfrancais

Déclarations du colonel : «Une volonté de secouer les consciences»

 

Lire aussi : «Nous n’avons en aucune façon gagné la guerre» en Syrie, selon un colonel de l'armée française

https://francais.rt.com/france/59128-nous-navons-aucune-facon-gagne-guerre-syrie-colonel-armee-francaise

Source : https://francais.rt.com/france/59551-florence-parly-veut-sanctions-colonel-legrier-critique-strategie-occidentale-syrie


La France sanctionne le débat sur la réalité de la lutte contre Daesh

Réseau Voltaire.net - Le 02/03/2019.

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Le colonel François-Régis Legrier (photo), qui a commandé les artilleurs français engagés contre Daesh sur le territoire syrien (Task Force Wagram), en violation de la souveraineté de ce pays, a publié un article critique dans la Revue de la Défense nationale.

 

Il y expliquait que l’absence d’engagement au sol a rendu inefficace l’action de la Coalition sous commandement US et prolongé inutilement les destructions et les souffrances de la population civile.

 

Le directeur de la revue, le général Jérôme Pellistrandi, a regretté ne pas avoir vérifié que l’article avait été visé par la hiérarchie du colonel.

Lors d’une audition au Sénat, la ministre des Armées, Florence Parly, a indiqué qu’il serait sanctionné. Selon elle, il aurait lâchement accepté de commander ses soldats contre Daesh pour critiquer après coup l’action française.

 

Le Monde du 27 février 2019 a publié un long extrait de l’article ainsi qu’un commentaire du colonel Michel Goya soutenant le débat et d’un article du général Serge Cholley contestant le bien-fondé des analyses du colonel Legrier.

 

En réalité, la France a participé durant des années à une Coalition dont nous n’avons cessé de dire qu’elle ne combattait pas vraiment Daesh, mais détruisait la Syrie. Comme beaucoup d’autres, les soldats français présents sur le terrain l’ont constaté. Le colonel Legrier a eu tort de lever le voile, de manière technique, sur la duplicité de sa hiérarchie politique.

 

Ce même débat a eu lieu aux États-Unis. Lors du 2015 Intelligence & National Security Summit, de hauts responsables de l’administration avaient évoqué l’affaire. The Daily Beastavaient révélé que 50 analystes du CentCom avaient porté plainte devant l’Inspecteur général du Pentagone après avoir été contraints de falsifier les rapports de la Coalition. La Commission de surveillance et de réforme du gouvernement de la Chambre des représentants avait lancé une enquête. En définitive, les différentes instances avaient étouffé le scandale. Elle avaient blanchi le commandant de la Coalition, le général John Allen, … tout en le priant de donner de sa démission. Tout avait pu continuer comme avant, jusqu’à l’élection de Donald Trump.

 

 

Source : https://www.voltairenet.org/article205407.html

 



La censure des militaires comme prélude aux désastres

 

Tribune publiée dans Le Monde 
en date du 26 février 2019
 
Sous le Second Empire, on rayait de l’avancement tout officier dont le nom se trouvait sur la couverture d’un livre. En 1935, après la publication de Vers l’armée de métier par le lieutenant-colonel de Gaulle, il était imposé un imprimatur officiel à toute publication d’article ou de livre par un militaire. Le général Weygand parlera plus tard d’un vent glacial vidant d’un seul coup un espace intellectuel jusque-là bien occupé. Dans les années qui ont suivi ces deux exemples, la France a subi un désastre militaire qui, à chaque fois, a été qualifié de défaite intellectuelle.
 
Inversement, les forces armées françaises n’ont vraiment été fortes que lorsqu’elles ont non seulement pensé, cela toutes les organisations le font, mais débattues. Les innovations militaires de la Révolution et de l’Empire n’auraient jamais eu lieu sans les «Lumières militaires», la victoire de 1918 n’aurait pas été possible sans le bouillonnement intellectuel qui a précédé et accompagné. Il y a eu des centaines de livres et d’articles écrits par des militaires avant 1914. On y réfléchissait sur son propre métier, de la même façon qu’il y avait des débats dans les autres disciplines, comme la médecine, ou dans les sciences. Rétrospectivement, on y trouve beaucoup de bêtises, mais pas plus que dans les doctrines officielles, mais aussi tout le stock d’idées alternatives qui a permis au bouillonnement intellectuel de perdurer pendant la guerre, d’innover à grande vitesse et justement de faire évoluer les doctrines, jusqu’à la victoire finale. Après le désastre de 1940, l’armée de la France libérée a connu à son tour une effervescence de réflexions professionnelles sur tous les domaines, depuis l’emploi des blindés jusqu’aux nouvelles formes de guerre et l’appréhension du phénomène nucléaire.
 
Clairement, dans l’armée de la Ve République, on hésite beaucoup plus. Le syndrome algérien, la fin des débats parlementaires sur les questions de défense au profit des conversations dans les cabinets d’un exécutif désormais prédominant ont induit la tentation de l’immixtion politique jusqu’aux échelons opérationnel et tactique. Les effets de ces immixtions ont rarement été bons. Le bon exercice du métier a besoin d’une direction stratégique, mais aussi d’une autonomie professionnelle. Que la stratégie soit claire sera déjà énorme. Pour le reste les soldats s’adapteront au contexte et surtout à l’ennemi. Ils s’adapteront d’autant mieux qu’ils réfléchiront et débattront. 

En 2005, le général Petraeus demandait au général britannique Aylwin-Foster de faire dans la Military Review une critique de l’action militaire américaine en Irak. Le constat n’était pas flatteur, mais il était pourtant à l’intérieur une revue institutionnelle américaine. Il a suscité par la suite un débat, qui a contribué, avec de multiples autres contributions dans d’autres revues comme la Marines Corps Gazette ou Parameters, à faire évoluer la pratique militaire américaine en Irak. Aucune intrusion dans le champ politique, aucun secret dévoilé évidemment, mais un débat entre professionnels sur la manière de l’emporter sur le terrain. Inversement, le politique ne se mêle pas de ces choses techniques.
 
Il y a quelques jours dans le numéro de la Revue Défense Nationale (RDN) de février 2019, un officier publiait une analyse opérationnelle et tactique de la manière dont la coalition combat au Levant contre l’État islamique. Il n’y avait là rien d’un pamphlet mais un discours argumenté, rien de politique non plus, aucun secret dévoilé et aucune attaque personnelle. Il répondait d’une certaine façon à un autre officier qui dans les numéros précédents de la revue faisait également une analyse militaire de la situation. Mais si ce premier article, il est vrai très laudateur sur la méthode opérationnelle américaine en vigueur dans toute la coalition, n’a pas été inquiété, le plus récent, plus critique, a fait l’objet d’une réaction de cabinet.
 
C’était oublier que nous étions en 2019 et non dans les années 1930, et qu’à l’ère d’Internet et des réseaux sociaux, en voulant censurer on prend désormais le risque d’amplifier. L’article attaqué, qui sans cela serait resté dans un cadre restreint, est donc devenu à ce jour le plus lu de l’histoire de la revue. Le public sait que le cabinet du ministère a voulu le censurer et tuer ainsi toute réflexion professionnelle future.

Une armée plus que toute autre organisation car elle fait face constamment à des ennemis mortels a toujours besoin d’évoluer et de s’adapter. Notre armée a donc nécessairement besoin aussi de zones refuges de la pensée marquée «expression libre» pour des auteurs qui n’engagent pas ainsi l’institution, y compris dans ses revues institutionnelles.
 
On rappellera au passage pour cet exemple récent que le comité de rédaction de la RDN relève de l’association de 1901, est financièrement indépendant et revendique dans sa mission « la diffusion d'idées nouvelles », ce qui n’est pas synonyme, loin de là, de « communication ministérielle ». Il faut rappeler également que la nécessité d’une autorisation préalable de publier a été supprimée depuis longtemps pour les militaires. Il appartient aux comités de rédaction seuls de juger de la qualité de l’article, de sa conformité avec le devoir de réserve (ce qui est le cas ici) et du bon moment de sa publication (ce qui n’était pas forcément le cas ici mais c’est une toute autre question) mais à partir du moment où il est publié, un article écrit par un militaire doit être intouchable. Il peut faire l’objet d’une réponse, il peut initier un débat intéressant mais il doit être inconcevable d’en modifier une virgule.
 
Ne nous y trompons pas, c’est comme cela qu'on évolue vraiment et qu’on développe des idées neuves, et donc par définition avec une dose de critique autour de l’action qui n’exclut en rien la discipline dans l’action. Quitte à imiter les Américains autant imiter ce qu’ils font de bien, et leur liberté de réflexion professionnelle, préservée de toute intrusion politique, est un modèle. On doit pouvoir faire au moins aussi bien dans ce domaine. Cela sera bien plus utile pour la France qu’une censure politique qui au regard de l’histoire s’apparente toujours finalement à une forme de traîtrise.


Michel Goya

Un colonel sanctionné pour son parler-vrai.

..."le Canard enchaîné" - le 07/03/2019.

 

Il a osé qualifier d’échec stratégique la guerre menée en Syrie sous l’égide des Américains.

 

AUTEUR d’un article « militairement incorrect » paru en février dans la revue « Défense nationale », le colonel François-Regis Legrier est menacé de sanctions. Avec l’aval de l’Elysée, la ministre Florence Parly a demandé à l’état-major des armées de convoquer et de punir cet insolent. La revue qui a publié ce texte n’a pourtant rien d’un manifeste antimilitariste. Hébergée dans les célèbres locaux de l’Ecole militaire, elle est éditée sous la responsabilité du général de réserve Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef ; et de Thierry Caspar-Fille-Lambie, ancien inspecteur général des armées, et tous deux sont censés savoir lire. Aujourd’hui, après les reproches véhéments de Parly, ils reconnaissent avoir « manqué de discernement », et le sulfureux article a été retiré du site Internet de la revue.

 

Cette tempête sous les képis a provoqué un certain malaise dans la hiérarchie militaire et au Quai d’Orsay, où de nombreux diplomates partagent le constat dressé par le colonel Legrier sur la guerre menée en Syrie par la coalition internationale, dont la France fait partie. Mais, à entendre d’autres officiers, le colonel n’aurait jamais dû rédiger un article dans lequel il pose cette impertinente question : « Victoire tactique, défaite stratégique ? » les lecteurs militaires ou civils de « Défense nationale » pourraient en déduire que Macron est mi mauvais chef de guerre, ce qui serait désolant pour sa réputation. « La bataille de Hajin a été gagnée, écrit le colonel, niais (...) à un coût exorbitant et au prix de nombreuses destructions. Certes, les Occidentaux, en refusant d’engager des troupes au sol, ont limité les risques et, notamment, (celui) d’avoir à s’expliquer devant l’opinion (...). Extrêmement à l’aise pour remplir les grands états-majors multi-nationaux d’une ribambelle d’officiers, les nations occidentales n’ont pas eu la volonté d’envoyer 1 000 combattants aguerris régler en quelques semaines le sort (de Hajin) et d’épargner à la population des mois de guerre. » Villes et villages détruits Vient ensuite ce constat : « Nous avons donné à la population une détestable image de ce que peut être une libération à l’occidentale (...). La question qui se pose est de savoir si (cette libération) ne peut se faire qu’au prix de la destruction des infrastructures (hôpitaux, lieux de culte, routes, ponts, habitations, etc.). C’est là l’approche assumée, sans complexe, hier et aujourd’hui, par les Américains, ce n’est pas la nôtre (...). La bataille ne se résume pas ci détruire des cibles comme au champ de foire."

 

En résumé, le colonel met indirectement en cause l’Elysée, qui a admis, en Syrie comme en Irack, la conception américaine de la guerre : détruire depuis le ciel, et grâce à l’artillerie, les villes et villages détenus par des djihadistes. Remarque d’un expert militaire : « En incriminant ainsi l’allié américain, cet officier a franchi la ligne blanche. » Peut-être, mais n’a-t-il pas raison ? D’octobre 2018 à février 2019, le colonel a été, en Irak et aux frontières de la Syrie, le patron de la tank force « Wagram » (avec ses canons Casser — de 6 à 8 coups à la minute), et il sait de quoi il parle. Depuis leur entrée en action, en 2016, ces canons à très longue portée (42 km) ont balancé 10 000 obus pour la reconquête de Mossoul, en Irak, et 3 500 pour la reprise de Baghouz, en Syrie. On doit reconnaître à cet artilleur une relative franchise quant aux ravages provoqués par sa propre artillerie. Pour sa défense, face à la ministre Party et aux généraux qui l’accusent de« manquement au devoir de réserve », le colonel pourrait invoquer les encouragements lancés à ses subordonnés par le général François Lecointre, chef d’état-major des armées. A diverses reprises, et le 18 janvier encore, il les a incités « à prendre le temps d’écrire (...) et à tirer les enseignements » de leurs missions. Car, dit-il, « lorsqu’elle se porte sur le fait militaire, la pensée n’a pas pour vocation unique d’explorer la conduite de la guerre. Elle permet également (...) d’explorer les pistes qui permettent de l’éviter ou de la prévenir ». Le Général Lecointre osera-t-il défendre un officier qui l’a pris au mot ? Par le plus grand des hasards, un rapport de la mission d’assistance des Nations unies donne indirectement raison au colonel Legrier. Publié le 24 février, ce texte pointe le nombre record de civils afghans tués l’an dernier — 10 993, parmi lesquels 927 enfants.

 

Les talibans, les terroristes de Daech et ceux d’Al-Qaida ne sont pas les seuls responsables de ces massacres. Le rapport de l’ONU incrimine explicitement l’antiterrorisme aérien pratiqué par l’US Air Force. Donadd Trump va pouvoir encore clamer que l’ONU fait partie des ennemis de la Grande Amérique.

 

Claude Angeli « Le Canard enchaîné » 
— mercredi 27 février 2019

 

Source : https://www.comite-valmy.org/spip.php?article10980

 


RDN : Le colonel Legrier n’aura qu’une sanction légère

...par Jean-Dominique MERCHET - le 06/03/2019

A la tête de la TF Wagram en Irak, il avait publié un article évoquant une « défaite stratégique »

Selon des informations concordantes, le colonel François-Régis Legrier n’aura finalement qu’une sanction légère (sans doute quelques jours d’arrêts) qui devrait être sans conséquence sur la suite de sa carrière. Chef de corps du 68e régiment d’artillerie d’Afrique, il commandait la TF Wagram quand il a publié un article dans la Revue Défense Nationale RDN), critiquant la stratégie de la coalition.

Après la sur-réaction initiale du niveau politique, qui craignait une réaction négative des Américains à la veille de la conférence de Munich, l’affaire devrait désormais s’apaiser de manière raisonnable.

Le retrait de l’article du site de la RDN a suscité de nombreuses réactions, y compris à l’étranger, et provoqué l’exact inverse de l’effet final recherché.

 

Source : https://www.lopinion.fr/blog/secret-defense/rdn-colonel-legrier-n-aura-qu-sanction-legere-180055?utm_source=twitter&utm_medium=social&utm_campaign=barre-partage-site

 


 

RAPPEL : 

 

...En juillet 2010, le Gal. Vincent Desportes a "osé" mettre en doute le bien fondé et l'efficacité de la stratégie américaine en Afghanistan !

Il a été "sanctionné" et mis à l'écart : Carrière militaire prometteuse brisée net.

  

L'année dernière, le Gal. François Lecointre, Chef d'état major des armées,  engageait ses subordonnés "à écrire"...(cf : "Il faut écrire !" du 24/01/2018 sur ce site)...

 

Le Col. Legrier a écrit.

Sera-t-il défendu ? Rien n'est moins sur et il y a fort à parier qu'il subira le sort réservé au Gal. Vincent Desportes....Taisez-vous, "ON" ne touche pas à "L'ami américain" !

 

<<Les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent !>>

 

Aujourd'hui, d'autres généraux (2°S) prennent la parole (voir ci-dessus)...pour invoquer ...et  "s'abriter" derrière le devoir de réserve ...politiquement correct quand tu nous tiens  !

Sauf erreur de ma part, en consultant les archives de mon site, quasiment les mêmes exigeaient il y a peu, la libre expression des militaires...

 

En revanche, d'autres à l'opposé, comme les généraux H. Roure,  F. Chauvancy et le Col. M. Goya,  exposent des arguments mesurés et pertinents dénonçant  justement ce "devoir de réserve" qui "verrouille " les esprits et neutralise la réflexion.

A chacun de se faire son opinion... 

JMR

Si le Col. Legrier venait à être sanctionné, cet épisode  renforcerait certainement la "Confiance" que le SOLDAT doit avoir en ses chefs pour accepter de rencontrer la MORT au combat !

 

JMR

 

NB : Je rejoins le Col. Michel Goya : LISEZ ET PARTAGEZ...

La Grande Muette ne peut plus rester silencieuse sous peine de disparition.

..Et sans Défense, plus de Nation.

S'en sera fini de notre FRANCE. 


Le général Lecointre précise les limites à l’expression des militaires

...par Laurent Lagneau - Le 26/07/2019.

 

Dans une tribune publiée par le quotidien Le Figaro en janvier 2018, le général François Lecointre, le chef d’état-major des armées [CEMA] avait invité les militaires à prendre la plume afin de permettre un renouvellement de la pensée sur les thèmes relatifs « à la confrontation et au fait guerriers ».

« Faire l’impasse sur l’écriture n’est pas admissible chez ceux qui se disposent à être des chefs militaires. […] Prendre le temps d’écrire, de recueillir ses impressions de tout ordre, de tirer les enseignements de la mission tout juste effectuée, de raisonner l’opération à venir » sont autant « d’actes salutaires et indispensables pour maîtriser l’action », avait alors plaidé le général Lecointre.

 

Et c’est ce que fit le colonel François-Régis Legrier qui, après avoir reçu la ministre des Armées, Florence Parly, à la frontière irako-syrienne où il commandait le détachement français d’artillerie [Task Force Wagram], publia un papier dans les colonnes de la Revue de la Défense nationale [RDN] très critique sur la conduite des opérations par la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis.

 

« En refusant l’engagement au sol, nous avons prolongé inutilement le conflit et donc contribué à augmenter le nombre de victimes au sein de la population. Nous avons détruit massivement les infrastructures et donné à la population une détestable image de ce que peut être une libération à l’occidentale laissant derrière nous les germes d’une résurgence prochaine d’un nouvel adversaire. Nous n’avons en aucune façon gagné la guerre faute d’une politique réaliste et persévérante et d’une stratégie adéquate », avait ainsi écrit le colonel Legrier.

 

Seulement, ses critiques allèrent beaucoup trop loin au goût de sa hiérarchie. Au point qu’il fut sanctionné par la ministre.  » Je suis tout à fait favorable à la liberté d’expression, mais elle est limitée par la déontologie professionnelle qui s’applique à tous les agents publics, dont les militaires », avait-elle justifié, voyant dans l’attitude de l’officier « une certaine fausseté et un manque de courage. »

On pensait cette affaire oubliée… Mais lors de sa dernière audition à l’Assemblée nationale, le général Lecointre a été interpellé par un député au sujet de l’article du colonel Legrier.

 

Cette audition n’ayant pas été ouverte à la presse, son compte-rendu a dû être passé au crible par le CEMA avant sa publication, plus d’un mois après, sur le site de l’Assemblée nationale. Ce qui veut dire qu’il tenait à ce que ses propos – très sévères à l’endroit du colonel Legrier – fussent connus…

 

« Je suis un ardent défenseur de l’expression des militaires, mais c’est moi qui ai souhaité punir le colonel Legrier. J’ai souhaité le punir car ce qu’il a fait est exactement en parfaite contradiction avec l’exercice de la discipline militaire […], qui s’exerce singulièrement en respectant les états d’âme de chacun », a lancé le général Lecointre.

 

« Chacun a la possibilité d’exprimer à son chef les doutes qui l’assaillent au moment où il reçoit sa mission et où on lui précise les objectifs à atteindre. En l’occurrence, ce face-à-face qui doit exister, et cet échange qui est toujours extrêmement franc entre un subordonné et son chef, n’a pas eu lieu préalablement à la parution de l’article du colonel Legrier, ce que je ne comprends pas », a enchaîné le CEMA.

 

« Par ailleurs, le colonel Legrier a exprimé ce point de vue en faisant fi de ce que pourraient penser ses propres subordonnés qui mettent en œuvre une action qu’il leur commande de mettre en œuvre, et qu’il désavoue publiquement au moment même où ils le font, obéissant à ses ordres », a ensuite noté le général Lecointre, qui a confié avoir eu le « sentiment d’une double trahison ».

 

« D’abord, la trahison vis-à-vis de son chef, parce qu’il n’a pas eu le dialogue qu’il aurait dû avoir pour exprimer ses doutes » et « trahison vis-à-vis de ses propres hommes », a développé le CEMA.

 

« Je ne la comprends pas. J’essaie de me mettre à la place de ces soldats qui, pendant quatre mois, ont obéi à ses ordres et mis en œuvre une stratégie puis constatent que leur chef déclare publiquement, dans un article, que ce qu’ils sont en train de faire est contraire au sens commun, à l’éthique, à la morale et à l’efficacité militaires. Si j’étais à la place de ces hommes, je serais absolument bouleversé », a-t-il fait valoir.

 

« C’est pour cette raison, pour ce sentiment de trahison, que j’ai puni le colonel Legrier. C’est moi qui ai souhaité le punir et je maintiens ce point de vue », a insisté le général Lecointre. Cependant, a-t-il admis, si cet ancien chef de la TF Wagram « avait fait paraître son article deux ou trois mois après, en étant plus nuancé dans son analyse, je l’aurais mieux accepté. »

 

Cela étant, les rapports humains étant ce qu’ils sont, il n’est peut-être pas toujours facile de faire part de ses doutes à un supérieur hiérarchique… Mais ce n’est pas une excuse pour le général Lecointre. « Croyez-moi, il m’est arrivé plus souvent qu’à mon tour de dire à mes chefs ce que je pensais des ordres qu’ils me donnaient, de préciser ce que je n’accepterais pas de faire et d’être prêt à démissionner, à quitter mon poste ou de ne pas accepter un commandement si le chef ne me disait pas qu’il prenait acte des réserves que j’émettais », a-t-il raconté aux députés.

 

Ensuite, s’agissant du fond de l’article du colonel Legrier, le général Lecointre l’a réfuté de bout en bout.  »

« Il y avait des troupes au sol. Le colonel Legrier affirme que l’on refuse de mettre des troupes au sol et d’aller au contact et qu’en ayant une attitude de bombardement à distance et de destruction systématique, on ajoute la destruction à la haine et on ne fait qu’accentuer le problème et la difficulté. Mais il y a quand même des troupes au sol! Ce sont les Forces démocratiques syriennes [FDS], qui ont eu à déplorer de nombreuses pertes », a rappelé le CEMA.

 

« Il est assez facile de dire ‘bande de lâches, apprenez à vous battre!’. C’est d’ailleurs assez confortable quand on est l’artilleur qui appuie ses petits camarades au sol. Mais ils étaient là, au sol. Ils y étaient, s’est emporté le général Lecointre.

 

« Par ailleurs, je peux témoigner que les frappes, en tout cas pour la partie française, qui sont effectuées dans le cadre de cette opération Inherent Resolve et pour appuyer l’action des FDS dans la réduction des poches successives de Daesh dans la moyenne vallée de l’Euphrate, se font avec un contrôle extrêmement étroit de la France, un contrôle national très précis », a fait valoir le CEMA. « Nous sommes, de ce point de vue, des alliés très exigeants et tatillons », a-t-il conclu.

 

Source :  https://www.opex360.com/2019/07/26/le-general-lecointre-precise-les-limites-lexpression-des-militaires/?utm_source=feedburner&utm_medium=feed&utm_campaign=Feed%3A+ZoneMilitaire+%28Zone+Militaire%29


Extrait de l'audition du Gal. Lecointre sur ce sujet :

Source : http://www.assemblee-nationale.fr/15/cr-cdef/18-19/c1819042.asp

 

 

M. Fabien Gouttefarde. J’aimerais vous interroger sur l’analyse relative à notre manière de conduire les hostilités au Levant qu’a pu faire un de vos officiers – je dirais l’un des plus expérimentés, puisqu’il a commandé la task force Wagram – dans un article qui a fait grand bruit, intitulé « La bataille d’Hajin, victoire tactique, défaite stratégique ? ». Loin de moi l’idée d’entrer ici dans le débat sur la liberté d’expression des officiers d’active. Je souhaite plutôt connaître votre interprétation sur le fond de cette analyse que je résume d’un mot : en refusant l’engagement au sol, la coalition a prolongé inutilement le conflit, a contribué à augmenter le nombre de victimes au sein de la population et a donné une image négative de ce que peut être une libération à l’occidentale. Quel regard portez-vous sur ces critiques ? Les jugez-vous fondées ? Au regard du rapport à la mort, même celle de nos soldats, qu’entretiennent des nations occidentales, peut-on faire autrement ?

 

Général François Lecointre

……………………… Une question portait sur l’article du colonel Legrier. Je ne résiste pas au plaisir de vous dire d’abord ce que je pense sur la forme. Je suis un ardent défenseur de l’expression des militaires, mais c’est moi qui ai souhaité punir le colonel Legrier. J’ai souhaité le punir car ce qu’il a fait est exactement en parfaite contradiction avec l’exercice de la discipline militaire que j’ai évoqué tout à l’heure, qui s’exerce singulièrement en respectant les états d’âme de chacun. Chacun a la possibilité d’exprimer à son chef les doutes qui l’assaillent au moment où il reçoit sa mission et où on lui précise les objectifs à atteindre. En l’occurrence, ce face-à-face qui doit exister, et cet échange qui est toujours extrêmement franc entre un subordonné et son chef, n’a pas eu lieu préalablement à la parution de l’article du colonel Legrier – ce que je ne comprends pas. Jamais il n’est allé voir ni le chef d’état-major des armées, peut-être étais-je un peu loin, ni le général qui représentait le commandement français dans l’opération Inherent Resolve. Il n’a pas saisi l’occasion du passage de la ministre pour lui dire qu’il éprouvait des doutes quant à la stratégie mise en œuvre. Par ailleurs, le colonel Legrier a exprimé ce point de vue en faisant fi de ce que pourraient penser ses propres subordonnés qui mettent en œuvre une action qu’il leur commande de mettre en œuvre, et qu’il désavoue publiquement au moment même où ils le font, obéissant à ses ordres.

 

Je ne comprends pas. J’ai le sentiment d’une double trahison. D’abord, la trahison vis-à-vis de son chef, parce qu’il n’a pas eu le dialogue qu’il aurait dû avoir pour exprimer ses doutes – et croyez-moi, il m’est arrivé plus souvent qu’à mon tour de dire à mes chefs ce que je pensais des ordres qu’ils me donnaient, de préciser ce que je n’accepterais pas de faire et d’être prêt à démissionner, à quitter mon poste ou de ne pas accepter un commandement si le chef ne me disait pas qu’il prenait acte des réserves que j’émettais.

 

L’autre trahison est celle vis-à-vis de ses propres hommes. Je ne la comprends pas. J’essaie de me mettre à la place de ces soldats qui, pendant quatre mois, ont obéi à ses ordres et mis en œuvre une stratégie puis constatent que leur chef déclare publiquement, dans un article, que ce qu’ils sont en train de faire est contraire au sens commun, à l’éthique, à la morale et à l’efficacité militaires. Si j’étais à la place de ces hommes, je serais absolument bouleversé. C’est pour cette raison, pour ce sentiment de trahison, que j’ai puni le colonel Legrier. C’est moi qui ai souhaité le punir et je maintiens ce point de vue. Par ailleurs, si le colonel Legrier avait fait paraître son article deux ou trois mois après, en étant plus nuancé dans son analyse, je l’aurais mieux accepté.

 

Sur le fond, vous avez raison de poser la question. Il y avait des troupes au sol. Le colonel Legrier affirme que l’on refuse de mettre des troupes au sol et d’aller au contact et qu’en ayant une attitude de bombardement à distance et de destruction systématique, on ajoute la destruction à la haine et on ne fait qu’accentuer le problème et la difficulté. Mais il y a quand même des troupes au sol ! Ce sont les Forces démocratiques syriennes (FDS), qui ont eu à déplorer de nombreuses pertes. Il est assez facile de dire « bande de lâches, apprenez à vous battre ! ». C’est d’ailleurs assez confortable quand on est l’artilleur qui appuie ses petits camarades au sol. Mais ils étaient là, au sol. Ils y étaient.

 

Par ailleurs, je peux témoigner que les frappes, en tout cas pour la partie française, qui sont effectuées dans le cadre de cette opération Inherent Resolve et pour appuyer l’action des FDS dans la réduction des poches successives de Daech dans la moyenne vallée de l’Euphrate, se font avec un contrôle extrêmement étroit de la France, un contrôle national très précis. Je me suis rendu au Qatar, où j’ai vu le Combined Air Operations Center et l’équipe française qui participait à ce contrôle. J’ai vu la façon dont, lorsque les objectifs nous sont proposés par les Américains, nous contrôlons leur réalité avec nos propres moyens de renseignement et d’acquisition d’images. Nous nous assurons aussi qu’en traitant ces objectifs, nous n’aurons pas de dégâts collatéraux. Nous sommes, de ce point de vue, des alliés très exigeants et tatillons.

 

Peut-être le colonel Legrier a-t-il raison sur le fond ? Peut-être faudrait-il consentir plus de morts ? Peut-être faudrait-il offrir plus de poitrines et plus de héros pour avoir moins de pertes ? Vous avez posé la bonne question en demandant si nos sociétés sont prêtes à l’accepter. Je n’en sais rien. Ce que je crois, aussi, c’est que quand on fait la guerre, malheureusement, on la fait avec tous les moyens dont on dispose pour remporter la victoire le plus vite possible. Dans l’histoire qui nous intéresse et dans cette guerre terrible, face à des gens complètement fanatisés, il y avait la nécessité de se battre, poitrine contre poitrine – et c’est ce que faisaient les FDS courageusement. Il fallait en plus, si l’on voulait obtenir une victoire face à un ennemi qui est délibérément allé s’installer dans les villes et au milieu de la population civile, le déloger de là où il était. Cela passait par des destructions. C’est certes terrible. Mais nous avons évoqué tout à l’heure les cérémonies du 6 juin, Colleville-Montgomery et ces villes qui ont été détruites par la guerre et par nos alliés américains et britanniques. La destruction de Caen a été terrible. Mais il arrive un moment où l’on fait la guerre et où il faut vaincre l’ennemi.

 

Commentaires: 1
  • #1

    Jean DAMEL (mercredi, 13 mars 2019 19:33)

    Pendant mon Service Militaire en 1975, j'avais fait remarquer à mes chefs le danger qu'il y avait à faire garder l'entrée d'un aérodrome militaire par une sentinelle dont le chargeur du F.S.A.49-56 était vide de munitions. Si la sentinelle avait été menacée par des voleurs d'armes elle n'aurait pu se défendre mais leur donner son fusil ou se faire abattre en s'y refusant. Il me fut répondu qu'il y avait au poste de garde un peu plus loin des munitions dans des "sacs cousus" et que cela devait suffire. Quant à moi je n'avais qu'à "finir mes 12 mois", sous-entendu sans réfléchir.
    Jean DAMEL, Directeur d'Hôpital Honoraire.

@jean Damel

1975...! C'était dans un autre monde !

A l'époque, qui aurait pu être intéressé par un FSA 49/56 ? Un PM Mat 49 ou un PA 50 peut-être, mais un 49/56...!

JMR