Bernard Landais est professeur émérite de Sciences Economiques à l’Université de Bretagne-Sud et auteur de « Croissance économique et choix politiques », L’Harmattan 2020.
Source : Conflits
Le déclin français est à la mode. Il y a dix ans encore les positions « déclinistes » étaient largement brocardées ou contestées, mais elles ne le sont plus désormais. Il est difficile de trouver un observateur intelligent pour soutenir que le peuple français est plus heureux qu’il ne l’ait jamais été. Évidemment, chaque catégorie de spécialistes aborde la question sous son angle propre et porte un éclairage utile sur un déclin qui présente bien des aspects : social, moral, politique, démographique, économique, extérieur et puissance. Le versant économique n’est peut-être pas le plus abrupt, mais il est aussi relié à tous les autres dont il est une expression conjointe.
Le déclin économique se manifeste tant dans les grandeurs économiques au sens strict : revenu, endettement, taux de croissance, déficits extérieurs chroniques…que dans celles de l’utilité des individus. Dans ce dernier cas, les économistes ne peuvent évaluer l’utilité cardinale ou son évolution. L’appréciation du bonheur ne peut être faite qu’indirectement, au moyen de sondages ou par certains indicateurs. Ainsi, la consommation française d’antidépresseurs et de somnifères est de plus en plus élevée, sans doute un record mondial. De plus, on peut réunir des faisceaux de données concordantes telles que la poussée de la précarisation, la décadence du secteur industriel, la baisse du revenu disponible par habitant, la perte de qualité de l’éducation … tous éléments qui sont justement des causes ou des expressions du déclin.
A lire également : France : la fin d’un modèle
Voyons par exemple le taux de croissance du PIB réel du pays depuis 1961. Ce taux ne cesse de baisser en tendance et par paliers successifs. Comme la population et les prélèvements obligatoires augmentent, on devine que le revenu disponible par tête d’habitant a d’abord stagné puis a diminué, en gros depuis l’an 2000.
Source : Présentation de l’auteur sur données Eurostat
Afin d’analyser l’anti-développement français nous bénéficions d’une théorie de croissance économique claire. Depuis le début des années 1980, elle porte le nom d’Économie de l’Offre (Supply-Side) et donne le cadre de la réflexion que nous allons poursuivre. Très récemment, j’ai entrepris de pousser sa logique et de la poursuivre jusqu’au développement dans le cadre du modèle à investissement effectif (MIE) dont les principales conclusions sont présentées en deux étapes :
Première étape ; la croissance économique est une question de progression des facteurs de production : le capital physique s’accroît par un maximum d’investissements, qui dépendent eux-mêmes des prises de risque des entrepreneurs ; le progrès technique qui repose sur des investissements en technologie, largement conditionnés par la culture scientifique globale ; le capital humain professionnel, qui progresse par la transmission éducative et l’apprentissage ; le travail qui se mobilise dans une offre optimisée reliée à la démographie. Pour bien organiser ces facteurs, une saine gestion des entreprises et des conditions juridico-réglementaires sont nécessaires. Des équipements publics doivent être financés en permanence. L’ouverture vers l’extérieur et la puissance nationale qui catalyse cette ouverture sont indispensables.
A lire également : L’euro, une chance pour la France
Ainsi, la croissance économique dépend des investissements effectifs dans tous ces domaines et la politique économique idéale est celle qui les porte à leur maximum. La croissance économique est un phénomène de long terme où les progressions se succèdent et s’enchaînent parfois sur des décennies. On le comprend d’autant mieux quand on considère le temps de transmission des cultures et des mentalités, l’esprit d’entreprise par exemple. C’est une première étape à franchir vers le développement.
La deuxième étape nous fait passer de la croissance économique à l’utilité des personnes et à l’utilité « collective ». C’est justement la progression de cette utilité au niveau national qui constitue le développement d’un pays ; l’anti-développement en est la baisse. Outre la consommation des biens procurés par le revenu disponible, le développement se nourrit de la constitution du patrimoine des particuliers et du temps disponible non professionnel dont ils disposent pour en obtenir des satisfactions. Mais tous ces éléments se combinent aussi à une série de cultures humaines : culture privée de qualité de vie, culture religieuse et philosophique, santé, sécurité, fierté nationale, sentiment d’appartenance. Enfin, à l’inverse, l’État et d’autres entités exercent des pressions et contraignent les individus en limitant leurs choix.
A lire également : Semi-conducteurs : la quête de la souveraineté (1/5)
Pour cette étape, on pourrait aussi parler de transmission, voire d’investissements, même si souvent les investissements en culture s’étalent sur une ou plusieurs générations.
La présentation des forces de développement et des faiblesses de l’anti-développement fait ressortir l’importance des actions publiques pour les mouvements de croissance économique et de l’utilité sociale. Bien que d’essence libérale, l’Économie de l’Offre reconnaît cette réalité sans état d’âme. Des dizaines de points d’impulsion ou de freinage peuvent être repérés dans l’analyse : fiscalité, stabilisation macroéconomique, équipements publics, organisation juridique, accumulation des diverses formes de capital humain, politique démographique, ouverture et puissance, pressions et précautions …
Le poids de l’État dans le PIB le met évidemment au premier rang des acteurs les plus influents. Dès lors, il est légitimement placé sur la sellette en cas de mauvaise situation d’un pays et d’une économie.
La tâche des gouvernants « parfaits » est simplement définie comme celle qui maximise l’utilité collective des habitants. Comme cette maximisation est intertemporelle, elle doit être leur préoccupation pour le présent, mais aussi pour le futur. Cela coïncide pleinement avec la dynamique décrite par l’analyse du développement. Derrière cette vision technique en effet, on discerne des notions anciennes, du temps où les rois se préoccupaient du bonheur de leur peuple et prenaient les décisions pour assurer son avenir.
A lire également : Chine contre Alibaba. La fourmi et les cigales
Le modèle de développement économique recense une quantité d’actions publiques ayant des effets. On peut les classer selon (1) leur impact sur la croissance du PIB et du revenu disponible et (2) leur influence sur les autres déterminants de l’utilité et du développement.
(1) L’idée est simple : faire avancer tous les facteurs de production (travail, capital, progrès technique …) le plus vite possible pour connaître la meilleure croissance. C’est donc « booster » les fonctions d’investissement, en particulier en augmentant le rendement net d’impôt et plus généralement en modelant un système d’incitations favorables à l’action économique. Comme ce programme politique se déroule dans le temps long, il doit aussi promouvoir la progression de toutes les formes de capital humain utiles, parmi lesquelles la culture de puissance nationale occupe une place à part.
(2) Des mesures plus spécifiques concernant l’utilité collective sont aussi à prendre, en respectant les principes de soutien aux cultures humaines qui accroissent le bonheur des peuples et de réglage au plus bas des pressions et des contraintes.
Dans ce contexte, ce qui fait d’une politique de l’Offre une politique « de droite » c’est l’idée libérale selon laquelle l’État respecte le principe de subsidiarité. Il laisse l’économie privée en première ligne pour assurer la croissance et il laisse l’individu définir son propre bien-être. Comme on l’a dit plus haut cela n’empêche ni ne nie la présence et l’importance de l’État pour toute une série de tâches et d’impacts sur le développement. Dans le cas de la France par exemple, l’essentiel de la mission d’éducation est assuré directement par l’État ; il a donc d’emblée cette responsabilité qu’il doit assumer au mieux.
A lire également : Miracles et mystères de l’économie allemande
Dès lors, on imagine qu’un gouvernement idéal fera son possible pour accroître les biens et le patrimoine dont disposent les citoyens et les diverses formes de cultures sur lesquelles ils s’appuient pour construire leur bonheur. Il doit aussi penser ce bonheur pour les générations futures, tout en ajustant ad minima les pressions qu’il exerce ou laisse exercer par d’autres.
Reste à comprendre pourquoi et comment les gouvernants peuvent se sentir incités à agir dans le bon sens et pourquoi finalement, en bien des circonstances, ils ne le font pas. L’État est impliqué dans le développement par action et par omission ! Avant de dérouler le film qui cherche à le démontrer pour la France, nous évoquons la théorie du comportement de l’État, en tirant parti des enseignements de l’École de Virginie (Public Choice) et de leur extension au sein du modèle d’Économie de l’Offre.
Les travaux de l’École du Public Choice (Pat Buchanan, Gordon Tullock, William Niskanen...) soulignent le fait que les choix publics tendent à maximiser l’utilité des gouvernants. Ce ne sont pas des acteurs au-dessus de la mêlée ! Prévoir leurs décisions implique donc de découvrir leur utilité personnelle, une fonction dont les arguments principaux sont comme le disait Thomas Sowell : « Premièrement, se faire élire, deuxièmement se faire réélire ! ».
A lire également : Bitcoin, la monnaie de demain ? Entretien avec Adli Takkal Bataille
Le cadre institutionnel est celui de la démocratie, tel qu’en général il leur faut obtenir des majorités pour atteindre leurs objectifs ; dès lors, l’un des résultats les plus concrets de ces travaux c’est l’insistance mise sur le contrôle de l’électeur médian, celui qui fait basculer la majorité.
Pierre Lemieux (2008) parle de « tyrannie de l’extrême centre ». Pour le déclin français, c’est une clef d’explication ouvrant quelques portes.
L’École de Virginie met ainsi la politique intérieure sur la même ligne que la géopolitique des États, dans un monde réel où le pragmatisme et le cynisme dominent le folklore naïf des « valeurs républicaines » et le postulat de bénévolence a priori des gouvernants.
Mais la théorie des choix publics, si florissante dans les années soixante-dix et quatre-vingt du XXèmesiècle, a perdu une part de son lustre ; elle suppose la démocratie sous sa forme américaine et insiste particulièrement sur les stratégies de groupes de pression dans ce contexte précis. Elle ne peut convenir telle quelle à la multitude des autres situations. Au sein même des pays dits « démocratiques », beaucoup de choix importants ou graves ne sont pas faits par adhésion majoritaire claire, même si les procédures légales sont respectées. La démocratie véritable implique l’adhésion, ou au moins le non-rejet de la part des gouvernés, et diffère du banal « État de Droit » où les Politiques et les Juges peuvent dominer l’électeur. La théorie du « Public Choice » ne fait pas assez référence au cadre culturel, aux mentalités complexes et surtout à l’environnement médiatique, tous éléments prépondérants dans l’analyse contemporaine des économies et des sociétés. Elle laisse aussi de côté le problème de la participation aux votes. Selon la gravité des sujets, l’enjeu et les personnalités en cause, un scrutin peut mobiliser plus ou moins ; l’électeur médian n’est pas forcément au même endroit dans tous les cas.
Les décideurs politiques ne sont pas des individus stéréotypés. Chacun porte une culture et des convictions personnelles qui sont le reflet de leur foi, de leur éducation et de leur expérience. En forçant le trait si l’on imagine que Mère Teresa avait gouverné l’Albanie à la place d’Enver Hodja on peut au minimum penser que le développement de ce pays aurait été différent. C’est en grande partie pour cette raison que l’histoire nationale importe beaucoup pour le destin d’un peuple. Au début du XXe siècle, la société « produisait » des milliers de personnalités portant des valeurs positives pour le pays, sa survie et sa grandeur. Georges Clemenceau et le général de Gaulle ne furent pas des accidents de l’histoire, mais des « probabilités » tout sauf marginales. Ce fut aussi la culture nationale qui, venue de loin, « produisit » les dizaines de millions de Français capables de supporter héroïquement le choc de la Grande Guerre.
A lire également : La guerre du gaz en Méditerranée
Les gouvernants dépendent donc de la société qui les porte ; leurs intentions, éventuellement résumées dans une « fonction objectif » propre à chacun, expriment d’où ils viennent, ce qu’ils sont et ce qu’ils deviennent par l’expérience. En gros, « les pays ont les gouvernements qu’ils méritent … depuis quelque temps parfois ! ». L’analyse des choix publics doit forcément tenir compte de ce phénomène de sélection des élites politiques à long terme, venant d’un vivier plus ou moins riche produit par la culture nationale.
Tous les projets ou toutes les carrières politiques passent désormais une batterie d’examens médiatiques préalables et s’élaborent souvent plus en fonction de ces examens qu’en rapport avec les bénéfices collectifs qu’on espère en tirer. Les médias reflètent et forgent tout à la fois la culture « à la mode », celle qui peut ouvrir ou obstruer la carrière politique. L’analyse des choix publics devrait donc s’élargir à considérer les intérêts et comportements des « journalistes » et faiseurs d’opinions, en amont de ceux des hommes politiques, et ainsi de suite si nécessaire. Cette séquence « culture-médias-politique » est l’une des clefs de compréhension de l’évolution de la politique française depuis 1975 et des conséquences pour son anti-développement. Elle utilise autant la notion de « média médians » que celle de l’ « électeur médian ». Dans le cas de la France, on soulignera que les « socialistes » et plus généralement les gens de gauche se sont forgés en soixante ans une « ligne Maginot » médiatique que les « libéraux » et les « nationaux » n’ont été en mesure de transpercer ni de contourner qu’en un nombre infime d’occasions. La plupart des personnalités de la droite institutionnelle se sont épuisées sur leur image face aux « média médians » en permanence de gauche et ont été réduites à l’impuissance sur une majorité de sujets concernant le développement. Ce n’est pas un hasard si l’on utilise l’expression « politiquement correct » comme un synonyme de « gauche socialiste » tant la référence médiatique domine le fond du débat.
A lire également : L’Asie centrale : histoire, économie, permanences. Du monde perdu d’Alexandre aux nouvelles routes de la soie
Vient ensuite le problème lié à la nature temporelle de l’objectif. L’action publique promouvant le développement passe par la transmission forte de cultures diverses, productrices de biens et d’utilité pour les agents. Mais ces cultures ne sont pas créées rapidement et ne disparaissent pas non plus à grande vitesse. Elles sont plutôt inertes dans le temps et les résultats des politiques sont lents à apparaître. Par conséquent, l’action publique pour le développement n’est ni facile à tester par l’opinion ni à sanctionner dans les urnes. Par exemple, les pannes de transmission éducative en rapport avec la pandémie de 2020-2021 sont rarement envisagées comme un affaissement futur de cultures professionnelles ou privées. Pour les élèves et étudiants, le gouvernement français préfère mettre l’accent sur les conséquences sociales et de répartition immédiate : garde des enfants, lien social, perte des « petits boulots », inégalités accrues, santé … Il communique uniquement sur cette ligne et il ne dit jamais que les « trous de formation » et la baisse de crédibilité des diplômes dans tous les ordres d’enseignement, de la maternelle à l’université, seront encore ressentis dans dix ans. Il ne dit pas non plus qu’ils mettront le pays en situation pire pour maîtriser les techniques nouvelles et les défis culturels du futur. Bref, « il se moque » du long terme et de la nécessaire transmission et il mise seulement sur le fait que les élections présidentielles de 2022 n’en dépendront pas. L’opinion publique suit docilement parce qu’en effet, les médias et la population ne disent et ne ressentent pas les choses autrement.
Enfin, la médiatisation de la vie politique a encore pour conséquence d’attirer beaucoup plus les gouvernants sur le règlement des problèmes de croissance économique au sens strict que sur celui des questions de développement positionnées en aval, c’est-à-dire le bonheur des citoyens dans leur vie privée. Ils se sentent plus observés sur les problèmes les plus aisément mesurables comme le pouvoir d’achat, les chiffres du chômage … Les aspects culturels et de vie personnelle comme la liberté du quotidien les intéressent très peu ou alors ils s’en servent pour étaler leurs bons sentiments et rehausser leur image de marque : sauver des vies, la santé, la planète… tout en exerçant de plus en plus de pressions, d’interdits et d’obligations. Ceci pose la question des relations affectives entre gouvernés et gouvernants, relations qui finissent toujours par s’inviter dans la sphère médiatique elle-même.
A lire également : L’ordre public à l’épreuve des gilets jaunes
En conclusion, le déclin français depuis 1975 pourrait s’expliquer par le fait que la Gauche a réussi à écarter médiatiquement et concrètement les thèmes de long terme qu’il aurait fallu traiter, mais que la « droite institutionnelle » a constamment renoncé à défendre. En témoigne l’extraordinaire « effet de cliquet » qui conduit cette « droite institutionnelle », revenant au pouvoir, à ne jamais remettre en cause a posteriori les lois votées par la gauche, même quand elle les avait combattues dans l’opposition. L’anomalie française n’est pas la présence des idées de gauche, mais l’abstention intellectuelle et morale des partis de droite, dans un contexte d’affrontement entre ceux qui pensent le long terme de l’économie du développement et ceux qui se laissent enfermer dans une succession de choix à court terme imposés par la mise en scène de la lutte politique.
1- Certes l’épidémie et les mesures sanitaires sont passées par là, mais elles ont plus été des révélateurs (insuffisances de l’État, trous dans l’organisation et la production sanitaire, faiblesses morales des individus) que des causes principales d’une situation de déclin avancé.
2- L’utilité serait cardinale si l’on pouvait en débattre comme d’une grandeur arithmétique, par addition et soustraction. Les économistes savent ne pas pouvoir raisonner de cette façon et se bornent à dire qu’un individu peut ordonner ses préférences (utilité ordinale)
3- L’anti-développement est juste l’inverse du développement, un mouvement vers le bas de l’utilité collective du pays.
4- Georges Gilder (1981) et Irving Kristol en sont les auteurs les plus connus. On pourra approfondir à l’aide de mon livre « Le Monétarisme » (1987) Economica.
5- Bernard Landais [(2020a), (2020b) (2021)].
6- Les « Supply-Siders sont connus pour avoir relié fortement le comportement d’investissement et celui de l’offre de travail à leur rentabilité réelle nette d’impôt. Ils ont été les inspirateurs de la politique Reaganienne de baisse des taxes du début des années 80.
7- Dans les années soixante du siècle dernier, les Français modestes ont pu assez rapidement se doter de biens durables emblématiques tels l’automobile, le téléphone, la télévision … Ce fut une période où la progression de l’utilité (développement) fut particulièrement intense. En 1968, les jeunes bobos de l’époque l’ont dénoncée comme« société de consommation » avant de s’y ruer.
8- Cette culture regroupe toute une série d’habitudes et de coutumes, de qualité des relations familiales ou sociales, d’art de vivre. Par exemple, les Français sont des amateurs de gastronomie et de bons vins, ils aiment à former des associations…Les mesures sanitaires liées à la pandémie risquent bien d’avoir eu des effets dévastateurs durables sur cette forme de culture humaine, les relations conviviales en particulier.
9- Ces pressions multipliées sont les grandes responsables du déclin du développement depuis les années 2000. Une pression particulière limitant drastiquement la prise de risque est appelée « principe de précaution ».
10- La (longue) liste des cultures humaines composant le capital humain est donnée dans Bernard Landais (2020b)
11- Parmi lesquelles figure la culture de puissance. La puissance nationale est un levier important pour la croissance économique et le développement du pays. C’est une intuition vieille comme le monde qu’il est possible d’expliciter dans le modèle d’économie de l’offre.
12- «Ce théorème de l’électeur médian explique pourquoi les partis politiques tendent vers le centre, et pourquoi la démocratie préfère les solutions médiocres : éducation médiocre, système de santé médiocre, etc. Et notez bien que tous les électeurs à part l’électeur médian sont insatisfaits : ils préfèrent une autre politique et c’est pour limiter les dégâts qu’ils ont voté pour la moins pire de celles qui leur étaient proposées. Il semble donc que l’intérêt général défini par les urnes s’identifie soit à des politiques incohérentes et instables, soit au pouvoir de l’électeur médian. On a le choix entre la tyrannie d’une majorité instable ou la tyrannie de la minorité d’extrême-centre. » Pierre Lemieux (2008).
13- La bénévolence des hommes d’État est encore trop souvent acceptée par les sociétés occidentales, mentalement soumises. Cela tient sans doute à une surévaluation des bienfaits de la démocratie et peut-être aussi à un inconscient collectif forgé par la mémoire des grands hommes de l’Histoire. Dans d’autres parties du monde, ces illusions jouent peu ou pas du tout.
14- L’URSS était un État de Droit ! Un état totalitaire a intérêt à être un État de Droit, car il criminalise ainsi la résistance et renforce son emprise sur ses forces de police.
15- Pendant les confinements, le seul espoir de libération est venu de l’évocation des conséquences économiques à court et moyen termes par une partie des responsables gouvernementaux.
16- Certes, il y a eu des exceptions de gouvernants sensibles. Ainsi Georges Pompidou disait à ses collaborateurs : « Arrêtez d’emmerder les Français ! ». Peu de gouvernants aiment les gens ; on l’a bien vu avec les « Gilets Jaunes » !
17- Le rôle tenu par la monarchie anglaise et plus précisément par Elizabeth II, en souligne l’importance.
Les observateurs de l’anti-développement datent le déclin français à l’arrivée de Valéry Giscard d’Estaing à la présidence de la République. En fait, le ver était déjà dans le fruit.
Les années soixante sont l’apogée de notre développement économique national. Les gouvernements d’alors cochaient toutes les cases d’un pouvoir pratiquant la politique de l’offre évoquée plus haut. Les infrastructures, le choix du nucléaire, la puissance, un effort sans précédent d’éducation pour une génération nombreuse de jeunes, le respect des cultures à transmettre, la libéralisation de l’économie, une monnaie solide, la part limitée des dépenses publiques dans le PIB, l’ouverture économique en Europe, l’industrialisation « pompidolienne »… illustrent les facettes « nationale » et « libérale » d’un pouvoir vraiment de droite.
A lire également : L’Afrique, la croissance démographique contre le développement ?
Ce « moment de grâce » montre d’ailleurs que la droite nationale et la droite libérale ne se portent pas au même créneau et qu’en conséquence elles ne se concurrencent pas. La droite « nationale » est une droite d’objectif, la France étant choisie comme le cadre du développement et le bonheur comme celui des Français. La droite « libérale » est plutôt une droite de moyens et de compétences. Elles sont parfaitement conciliables et l’association symbolique entre De Gaulle, Jacques Rueff et Georges Pompidou le montre clairement dès le début de la Vème République.
La sociologie des gouvernants y est aussi très particulière. Une majorité d’acteurs de premier plan de cette époque et jusqu’en 1974 sont des anciens résistants et combattants. Cela n’implique pas une supériorité opérationnelle, mais reflète néanmoins leur indiscutable amour du pays, une exigence morale plus élevée et un lien direct avec la culture nationale traditionnelle. Leur légitimité est proche de celle des anciens combattants de 14-18 dans les années 1920 et 1930. Leurs comportements ne sont probablement pas ceux que nous décrit sèchement l’École du Public Choice. Ils ont néanmoins un talon d’Achille : ils ne comprennent pas la culture et la nécessité des transmissions intellectuelles. C’est dans cette pomme que se nichait le ver !
A lire également : La sécurité privée, un secteur en croissance
La France avait donc gagné une bataille, mais elle n’avait pas gagné la guerre. Dès ces années soixante, le basculement massif de la jeunesse, des médias et de l’Église (annexe 1) dans l’escarcelle culturelle de la gauche est consommé. Mai 1968 en est la preuve éclatante. Jamais jusqu’à nos jours (2021) la culture politique de droite ne reprendra l’avantage. C’est la clé de ce qui va suivre.
Entre 1960 et 2021, La Gauche jouera pleinement son rôle en supportant diverses variantes de socialisme. Naguère, les communistes soviétiques réalisaient la propriété collective des moyens de production ; quand commence la période qui nous intéresse, beaucoup de socialistes et communistes français y croient encore et travaillent activement à la généralisation de ce système d’économie planifiée. Mais le socialisme, virus de la pensée, a déjà muté une fois pour le Welfare et devient un égalitarisme de consommation : il consiste alors à confier à l’administration publique le soin d’assurer l’égalité des revenus. Le système de sécurité sociale mis en place en France devient de plus en plus déresponsabilisant, marquant ainsi profondément les mentalités. Très tôt aussi et sans que ce soit forcément dans son ADN de départ, la gauche s’est placée en opposition à la politique familiale et s’est détournée de préoccupations démographiques qu’elle a constamment cherché à ringardiser. Sa génération fétiche, celle de 1968, a vilipendé la société de consommation puis, très vite, a pris le tournant d’un matérialisme sans complexe et sans enfant, aboutissant à la boboïsation contemporaine et à la rupture avec les classes populaires.
A lire également : L’industrie chinoise du médicament : un coûteux et dangereux miracle
Les socialistes choisissent de faire assumer collectivement l’écologie, la santé, l’universalisme et le mondialisme, l’antiracisme, le féminisme… Ce sont soit des objectifs sincères pour des minorités soit de simples prétextes à la mainmise des pouvoirs sur la vie des individus ou même à la destruction de nos sociétés occidentales et de la nation elle-même.
Leur théorie implicite du développement ressemble à celle présentée plus haut par le modèle MIE avec cependant la différence essentielle que les différents leviers d’investissement, d’accumulation de cultures et d’utilité des citoyens sont accaparée par les administrations publiques. Les libertés sont donc progressivement éliminées et la fonction de développement est établie sous la contrainte de pressions accrues (interdictions, obligations) et surtout dans la vie privée, en aval de la constitution du PIB.
A lire également : L’échange, fondement de l’économie
L’administration grossit sans arrêt, augmentant à la fois les pressions de façon exponentielle et les budgets d’organismes publics parasitaires, sans effet positif sur l’utilité collective.
Les pressions fiscales et l’augmentation des dépenses publiques de consommation freinent le dynamisme économique au sens strict et réduisent la croissance en provoquant l’apathie, l’assistanat et en détruisant l’esprit d’entreprise et de prise de risque.
Les pressions sur la vie courante procèdent de la même illusion de mieux atteindre le bonheur directement par l’action publique. Elles visent à obtenir un haut niveau de santé, de sécurité, d’égalité, de qualité d’environnement, mais en faisant le sacrifice des libertés individuelles. Le « totalitarisme doux » prophétisé par Alexis de Tocqueville se met en place.
Une illustration nous en est fournie par l’évolution de notre système éducatif. Le déclin dans ce secteur n’est pas seulement un délabrement explicable par un manque de moyens ou l’un des aspects des difficultés d’assimilation de la population immigrée mais le fruit d’une politique socialiste délibérée de pressions sur la jeunesse afin qu’elle ignore le risque, le mérite, la différenciation sexuelle et la culture nationale au profit de leurs inverses. Pour atteindre cet objectif, tous les moyens ont été utilisés. Une « nouvelle morale civique », qui fut européenne, puis écologiste, sécuritaire, sanitaire devient un but principal de l’éducation. C’est devenu l’exact équivalent des cours de marxisme-léninisme imposés naguère aux enfants d’URSS et conditionnant leur intégration à la société de leur temps.
C’est une politique de gauche, mais c’est ce que la droite institutionnelle a toujours toléré sans jamais réagir et à laquelle elle a souvent prêté la main. Rappelons que la loi Haby de 1975 sur le « collège unique » fut l’une des premières réformes du Président Giscard d’Estaing. Le résultat fut à la fois l’enfoncement des jeunes Français dans les classements de compétence et leur propension de plus en plus avérée à la soumission sociale.
A lire également : L’aggravation du risque de pénurie de semi-conducteurs
Les pressions exercées par la gauche et jamais démantelées par la droite institutionnelle sont certainement ce qui explique le mieux l’anti-développement français. Le principe de précaution en est une illustration et il est tout à fait symptomatique qu’il ait été consacré dans la constitution par un président élu par la droite.
Les présidents et chefs de gouvernement de gauche maintiendront fort logiquement ces choix, glissant opportunément d’un variant de socialisme à l’autre ; ralliés au marché sans en accepter les fondements culturels et éthiques, ils en produiront une forme très proche de celle des démocrates américains et avec des excès et des collusions, notamment financières, semblables. L’époque macronienne le représente parfaitement.
Ces causes de l’anti-développement français sont intentionnelles et parfaitement dans la logique de gauche. Reste maintenant à expliquer l’abstention des forces de droite.
À part l’épisode de 1986-1988 et peut-être la toute première année du quinquennat de Nicolas Sarkozy en 2007, les idées et politiques de droite ne réapparaîtront plus au sommet du pouvoir. La population des dirigeants va radicalement changer après 1974 : au revoir les dirigeants issus de la Résistance et bienvenue aux politiciens « ordinaires ». Cette fois, les théories de l’École de Virginie et leur extension selon MIE vont pouvoir s’appliquer en passant ainsi du « théâtre des opérations » aux « opérations de théâtre ». Valery Giscard d’Estaing disait : « La France aspire à être gouvernée au centre ». Comme le remarque Jacques de Guénin (2011), il serait plus exact de dire « la France est condamnée à être gouvernée au centre ». Elle l’est parce qu’ayant perdu la bataille culturelle, la droite institutionnelle ne peut garder ou reconquérir le pouvoir qu’en se reniant en permanence. L’électeur médian, au centre, est devenu socialiste ou à tout le moins socialisant ; les médias sont quant à eux franchement socialistes et européistes. L’intégration européenne semble alors le seul terrain où les diverses familles politiques pensent trouver leur compte. Elle deviendra donc le plus petit dénominateur commun de la politique française ; la droite y verra une chance de généraliser le marché, la gauche y verra le moyen de le réglementer. En fait, la gauche y cherche beaucoup plus dans les années 1980. Ayant échoué économiquement après 1981, elle doit faire sa mue. À cette époque, elle est donc complexée en économie, une discipline qu’elle maîtrise mal. Elle va sous-traiter presque aveuglément la gestion de l’économie à l’Europe, histoire de garder quelques postures vis-à-vis de son électorat pour faire la transition. L’européisme est aussi un moyen pour elle de décrocher les centristes de la droite.
A lire également : Semi-conducteurs : la quête de la souveraineté (1/5)
Tout cela ne laisse aucune place à un retour au gouvernement effectif de la droite et fait prendre au pays le tournant du déclin. Les personnels de droite et de gauche ont de plus en plus des profils communs, avec une formation de base administrative et juridique (l’ENA souvent). Les hommes politiques vraiment de droite n’ont pu faire une percée qu’à des moments de discrédit évident des socialistes, par exemple en 1986 sous l’effet en tenaille de l’échec économique de l’Union de la gauche et des succès de Margaret Thatcher et Ronald Reagan. À cette époque, Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen s’intéressent à l’Économie de l’Offre et aux politiques libérales, mais le flirt n’ira pas bien loin. Jacques Chirac, qui s’est déjà heurté de front au pouvoir médiatique après son « appel de Cochin », perd finalement l’élection de 1988 après deux années de politique assumée de droite. Il pense alors qu’il le doit aux audaces de son gouvernement de 1986-1988 et jure qu’on ne l’y reprendra plus. Sa victoire de 1995 sera une anecdote sans aucune conséquence pour notre déclin. Il expérimente que, quoi qu’il fasse, la gauche reprend le manche rapidement (cohabitation dès 1997). Les prélèvements ne cessent de progresser et l’État s’endette en permanence ; la politique européenne continue sur sa lancée, l’immigration est dédaignée, l’école se dégrade sous l’effet des innovations pédagogiques… La croissance économique ainsi que les investissements se ralentissent fortement et l’anti-développement est désormais sur les rails.
Une tentative pour sortir de l’ornière centrale fut l’un des premiers actes politiques de Nicolas Sarkozy. Il commande à un aréopage d’économistes ce que l’on a nommé ensuite, du nom de son président, le Rapport Attali. Il s’agissait de trouver et de combattre les handicaps de la France sur le chemin de la croissance économique. On y trouve la plupart de ceux que suggère cet essai : une fiscalité mal orientée, une éducation en déliquescence et aussi l’une des plaies de l’époque le refus du risque qui imprègne progressivement l’économie française et pénalise l’action. Le Rapport demandait donc le retrait du « principe de précaution », inscrit dans la constitution par Jacques Chirac. On sait ce qu’il en advint et comment, moins d’un an après sa parution, ce Rapport fut enterré par la crise de 2009.
Certes, le Rapport ne se projetait pas jusqu’au développement et restait imprégné d’idéologie « libérale-démocrate américaine » qui le cantonnait dans le domaine de la production et des échanges. On peut néanmoins affirmer qu’il allait dans la bonne direction, surtout pour le destin de la croissance du PIB proprement dite. Ce fut donc, après 1986-1988, la seule éclaircie dans le chemin de croix de la droite. Cette éclaircie s’est marquée brièvement dans la note de « liberté économique » donnée régulièrement aux pays du monde par le Cato Institute et l’Institut Frazer (2018).
A lire également : Patrick Artus : « la dette a été remplacée par la monnaie »
À la suite du récit rapide que ce texte vient de proposer, il est possible de faire apparaître quelques conclusions.
La gauche qui est à l’origine de l’anti-développement renouvelle constamment les armes à sa disposition. Ayant d’abord combattu le libre développement au nom de l’égalitarisme, elle le combat ensuite au nom de l’écologie en faisant augmenter sans mesure les coûts des producteurs et des consommateurs. Elle le combat encore pour des raisons de santé, de sécurité, de féminisme, de diversité. Elle s’appuie constamment sur les institutions européennes qui se sont gauchies depuis les années 1980. L’économie française se tire donc dans le pied avec un fusil à répétition. Donc, avec la gauche et les centristes porteurs de ces nouveaux « variants » de socialisme, il n’y a aucune chance qu’elle puisse renouer avec le développement.
Pour la droite, se pose alors clairement la question des programmes. Les rendez-vous électoraux majeurs de la Vème République sont les élections présidentielles. En 2017, la droite avait un bon candidat avec un bon programme économique. Il fut écarté par l’acharnement politico-judiciaire. Au demeurant, rien ne prouve qu’il aurait pu desserrer la tenaille de la tyrannie des médias et de l’électeur médian.
Le piège continue à fonctionner. De présidentielle en présidentielle, le débat politique entre les forces capables de gouverner se rabougrit. À aucun moment, des idées tranchantes ne sont même simplement mises en discussion ; les débats ne s’évadent jamais d’une parenthèse très étroite, y compris sur les sujets qui ne sont pas typés politiquement.
A lire également : L’impôt, arme de guerre économique
Si l’on observe par exemple la déliquescence de notre outil d’éducation, de la maternelle à l’université, il ne viendra à l’idée, ni des protagonistes ni des médias, de porter la vraie discussion sur la comparaison avec des systèmes étrangers qui réussissent mieux et d’imaginer les mesures à prendre pour les rejoindre. Ce serait considérer des dimensions de débat que nul ne peut ou ne veut plus envisager. Peut-être que ces réalités seront enfin prises en compte quand le système se sera effondré… C’est ce qui est en train d’arriver sur la question migratoire où l’opinion de l’électeur médian, sinon celle des médias, s’est clairement repositionnée, sans doute en partie par un déplacement de l’abstention.
Comme indiqué au début du texte, la pente de l’anti-développement économique est douce et les questions abordées sont parfois techniques. L’élargissement du débat et de la palette des mesures à envisager risque donc d’être malheureusement repoussé. Par exemple, après plus de vingt ans d’euro, l’appartenance à l’Union économique et Monétaire est un fait qui ne se discute plus, même si, du point de vue du développement de la France, le bilan économique de ces années est plutôt maigre. Marine Le Pen a eu sur cette question son « Appel de Cochin » lors du deuxième tour de 2017. Il est possible qu’elle suive le même chemin que Jacques Chirac…
A lire également : L’impôt, objet scientifique
La droite garde-t-elle des chances ? On pourrait raisonnablement le penser en constatant que si les Français sont soumis à des médias de gauche encore majoritaires, ceux-ci ne parviennent à bloquer l’opinion que par l’étroitesse et la platitude des débats signalées plus haut. Les procédures de reconquête doivent en tenir compte. La droite peut gagner quand elle pose des questions graves et engage des débats intellectuels sérieux sur des positions très contrastées. À elle d’imaginer pour la suite les étapes et procédures stratégiques appropriées (référendum, modifications constitutionnelles…). En amont et en aval de l’élection, elle écarterait ainsi le champ du débat ; en amont, c’est ce qu’avait réussi à faire François Fillon, profitant du contexte politico-médiatique particulier de la primaire de droite. C’est l’un des avantages des primaires. Elles déplacent brusquement le votant médian et réduisent beaucoup le rôle des médias « mainstream » qu’elles laissent un peu ahuris sur la touche ; on comprend qu’elles ne conviennent pas à ceux qui les cajolent. Elles sont au contraire indispensables à ceux qui portent des idées de droite, à la fois pour la partie purement économique et pour le bonheur privé des citoyens.
18- La répression routière occupe une place à part dans ce dispositif, en ce sens qu’elle a constitué une répétition générale aux diverses pressions exercées sur les individus. On a pu mesurer progressivement l’affaiblissement des défenses immunitaires des citoyens face aux mesures de plus en plus contraignantes et franchement liberticides (ceinture, permis à point, contrôle technique…). Il aura fallu attendre 2018 et les « gilets jaunes » pour observer une réaction, réaction qu’on s’est d’ailleurs vite employé à falsifier. La droite institutionnelle a mis une main active au renforcement du système de répression, en violation de ses principes.
19- Sinon il ne toucherait pas l’ensemble du système éducatif.
20- Ce ralliement a eu aussi une conséquence sémantique. Dans le langage courant, le capitalisme libéral est perçu désormais à l’aune de ce mélange de socialisme national et d’affairisme international.
21- On a retenu la fameuse réplique « Monsieur Mitterrand, vous n’avez pas le monopole du cœur ! » censée avoir décidé de l’élection de 1974. En y réfléchissant, elle entérine plutôt la subordination implicite d’une droite institutionnelle complexée…surtout quand on se souvient des « qualités de cœur » de François Mitterrand ! Elle inaugure aussi « les poses théâtrales » de Giscard pour ressembler à la gauche, puis celles de ses successeurs de la droite institutionnelle. A la veille des présidentielles de 1981, VGE donnait une interview à L’Express : « Ne dites pas aux Français que je suis socialiste, ils me croient libéral ». Le message passait, mais cette fois, lui non !
22- Il aurait pu mener par conséquent à un compromis du style : économie libérale, société socialiste, finalement très proche des positions de la gauche moderne. C’est encore la base des positions du part LR (du moins de son aile macroniste).
23- La France n’a pas l’exclusivité des dérives socialistes évoquées !
24- À cet égard, le problème de l’abstention réapparaît, car elle se nourrit de l’étroitesse et de la platitude des débats. À quoi bon aller voter pour l’un ou pour l’autre si on a le sentiment qu’à la fin les politiques seront sensiblement identiques.
25- Par la loi Edgar Faure, l’université fut l’os que les gaullistes laissèrent ronger à la gauche. Il l’est désormais complètement.
26- Voir le graphique au début pour les deux dernières décennies. Dans un article de recherche [Bernard Landais (2020 c)] j’arrivais au moins à l’idée selon laquelle, contrairement aux promesses de ses promoteurs dans les années 1990, l’appartenance à la zone euro n’avait en rien boosté la croissance de la plupart des pays qui la composent. Un débat qui partirait de là n’impliquerait pourtant pas forcément un abandon, mais sans doute plutôt une réforme.
L’Église de France subit alors le choc du développement matériel. Marquée par le jansénisme diffus du XIXe siècle, elle le regarde d’emblée d’un mauvais œil. Faute d’avoir élaboré une « pastorale de la prospérité » elle admet mal l’évolution économique et sociale de la majorité de ses fidèles et perd très vite son influence auprès d’eux.
Elle fait même des choix inverses en refusant de légitimer le progrès économique lorsqu’il est procuré par la société libérale. Elle l’admet virtuellement pour les masses du Tiers Monde, loin d’en bénéficier encore, mais pour lesquelles il faudra de toute façon « faire autre chose ». Vivant cette position de faiblesse, elle supporte mal le choc du Concile Vatican II qui incite l’Église catholique à mieux appréhender et évangéliser le monde contemporain (aggiornamento). Elle s’est trompée de « monde contemporain » et c’est une erreur qu’elle a refaite constamment depuis.
Politiquement, en tant qu’institution, elle reste marquée par la mauvaise conscience quant à sa conduite pendant l’Occupation. Elle gardera longtemps ce complexe qui la conduit à s’enthousiasmer d’abord un peu pour les communistes et ensuite beaucoup pour les socialistes. Il lui faudra attendre Jean-Paul II et Benoît XVI pour se faire (modestement) recadrer. Depuis, il semble bien que le Pape François l’ait fait revenir à la case départ.
Buchanan, Patrick et Tullock, Gordon (1962) : « The Calculus of Consent : Logical Foundations of Constitutional Democraty » University of Michigan Press.
Cato and Frazer Institute (2018) : « Economic Freedom in the World » : 2018 Annual Report.
De Guénin, Jacques (2011) : « Bastiat et les choix publics », Contrepoints 13 novembre.
Gilder, Georges (1981) : « Richesse et pauvreté », traduction française éditions Albin Michel.
Kristol, Irving (1978) : « Two Cheers for Capitalism », New York, Basic Books.
Landais, Bernard (1987) : « Le Monétarisme » éditions Economica
Landais, Bernard (2020a) : « Croissance économique et choix politiques , éditions L’Harmattan.
Landais, Bernard (2020b) : « Macroéconomie efficace », éditions L’Harmattan.
Landais, Bernard (2021) : « Une théorie du développement » à paraître dans la Revue internationale des économistes de langue française (RIELF) Vol 6, N°1.
Lemieux, Pierre (2008) : « L’économie des défaillances de l’État » in « Comprendre l’économie », Editions « Les belles lettres ».