Dans cette interview quinzomadaire de Thierry Meyssan, nous dressons un point sur l’actualité internationale. Thierry Meyssan s’interroge, entre autres, sur la capacité pratique de l’Etat
israélien, à contrecarrer une offensive internationale, née du refus israélien de reconnaître les frontières de 1948. Le conflit qui s’annonce verra-t-il la disparition de l’Etat israélien, à
l’instar de la disparition de l’Etat chrétien de Jérusalem ?
L’évolution récente en Israël ne manque pas d’inquiéter, notamment avec le départ “pas que” symbolique de
Benny Gantz hors du gouvernement Nétanyahu. L’extrémisme du seul Netanyahu a-t-il seul pris le pouvoir, sans aucun “conseil de défense” pour tempérer les prises de positions tonitruantes et
extrémistes du Premier Ministre israélien ?
Israël riposte contre l’Iran à l’insu de son plein gré
A l’aube du vendredi 19 avril, différentes informations ont circulé sur une riposte israélienne en Iran et sur un bâtiment où se seraient trouvés des militaires iraniens. Elles ont d’abord
inquiété les marchés, car on parlait de frappes à proximité de sites nucléaires. Ensuite, la situation s’est stabilisée car les informations reçues font penser à une attaque très limitée. Nous
faisons le point en milieu de matinée ce vendredi matin.
Le média Zero Hedge parle d’une
“attaque édentée”. L’expression est assez bien trouvée pour décrire un épisode marqué par beaucoup de confusion dans l’information.
Israël n’a toujours pas revendiqué l’attaque
Les informations qui sont parvenues dans les médias et sur les réseaux sociaux aux petites heures du jour pouvaient paraître inquiétantes: des frappes auraient eu
lieu à proximité d’un site nucléaire civil iraniens, à Ispahan en Iran. Les vols ont été un temps suspendus à l’aéroport de Téhéran.
En réalité, on aurait eu affaire à quelques drones lancés depuis l’intérieur de l’Iran et qui auraient été abattus avant d’atteindre leur cible présumée, un
aéroport militaire.
Le plus surprenant, c’est que la seule revendication, avec un doigt pointé vers Israël, est venue de sources américaines. Certaines parlant même de missiles envoyés
depuis Israël sur l’Iran.
En milieu de matinée, la situation était calme
Les milieux économiques occidentaux avaient d’abord marqué de l’inquiétude mais tout est rentré dans l’ordre, comme en témoigne ce tweet d’Elon Musk représentant un
coeur de cible manquée:
Si l’on en croit l’agence iranienne Fars News:
Des sources locales ont rapporté avoir entendu un bruit semblable à une explosion dans l’ouest des villes iraniennes de Tabriz et Isfahan ce matin. Il a été confirmé que la source des bruits
semblables à une explosion dans les deux villes était un tir anti-aérien.
Les investigations de notre reporter montrent qu’il n’y a pas eu d’explosion à Tabriz et que les tirs antiaériens de la ville ont été déclenchés par l’observation d’un objet
suspect.
Les rapports indiquent que la ville du nord-ouest de l’Iran est maintenant complètement calme.
Des sources d’information ont également déclaré à l’agence de presse Fars que trois explosions avaient été entendues près d’une base militaire de l’armée au nord-est d’Ispahan, dans le centre
de l’Iran. La défense aérienne aurait été activée en réponse au vol d’un petit objet suspect au-dessus de la ville.
Il a également été rapporté que le radar de l’armée dans la ville était une cible possible et que les fenêtres de plusieurs bâtiments administratifs dans la région ont été brisées.
Les photos du reporter de l’agence de presse Fars de la base militaire de l’armée montrent que la situation est normale.
farsnews.ir,
19.04.2024
A l’heure où nous écrivons, il semble donc qu’aucun avion ni missile n’ait pénétré l’espace aérien iranien depuis un autre pays. Les seuls projectiles volants ont
été des drones lancés depuis l’intérieur du pays. On peut supposer qu’ils ont été activés par des agents israéliens ou des agents locaux des services occidentaux.
A Washington a-t-on cherché à couper l’herbe sous le pied à Netanyahu?
Bon résumé de la situation par Scott Ritter sur son fil
Telegram:
Les informations faisant état d’une frappe de représailles israélienne sur l’Iran semblent être liées à une attaque très limitée dans les environs de la ville iranienne d’Ispahan contre des
cibles militaires non liées au programme nucléaire iranien. Les armes utilisées lors de cette attaque sont inconnues à ce jour, bien que l’Iran affirme avoir abattu au moins trois drones d’un
type indéterminé. Israël n’a pas publiquement revendiqué l’attaque. En effet, le seul lien avec Israël provient de déclarations anonymes de sources prétendument officielles américaines. Alors
que l’Iran a déclaré qu’il frapperait Israël avec une force immédiate et décisive si Israël attaquait, la nature extrêmement limitée et anonyme de cette attaque pourrait donner à l’Iran
l’occasion de la considérer comme sans conséquence, éliminant ainsi la nécessité d’une riposte iranienne. Le ministre iranien des affaires étrangères a fait une déclaration à l’ONU sur les
représailles décisives, ce qui constitue une déclaration officielle sur la politique de dissuasion iranienne qui peut être considérée comme suffisante pour le moment. Si l’action à Ispahan
est la limite de l’action israélienne, alors cette question peut être conclue.
@RealScottRitter,
19 avril 2024
Le ministre israélien de la sécurité nationale, Itamar Ben Gvir a vendu la
mèche en se plaignant, sur les réseaux sociaux, que la riposte israélienne ait été ‘trop faible”.
Tout se passe comme si les Américains avaient prévenu une riposte israélienne trop massive en faisant organiser une riposte qui semble rester symbolique.
Thierry Meyssan révèle le dessous des relations irano-israéliennes
Thierry Meyssan consacre sa chronique bimensuelle avec Le Courrier des
Stratèges à l’opération de rétorsion iranienne contre le bombardement de ses locaux diplomatiques à Damas. Il explique que ce dossier est totalement indépendant de celui de
la Palestine. Il révèle les liens de longue durée entre les deux pays : depuis le traité de Défense irano-syrien imposé par le président Eisenhower en 1953 jusqu’à l’élection du
président Hassan Rohani (2013-20), partenaire de longue date de Benjamin Netanyahu, en passant par le pipe-line irano-israélien reliant Eilat à Ashkelon.
Ce passé si particulier conduit à comprendre d’une manière bien différente ce qui vient de se passer.
Les détails récemment
divulgués sur l’opération de représailles de l’Iran contre Israël ont mis en lumière l’ampleur des dégâts infligés aux installations nucléaires de Dimona, ainsi qu’aux bases
militaires stratégiques de Navatim et Ramon dans le désert du Néguev.
Dans son numéro du 18 avril, le journal israélien Maariv a
rapporté que la défense aérienne d’Israël n’avait réussi à contrer que 84% de l’attaque iranienne. Il a également remis en question les affirmations du porte-parole de l’armée
israélienne, selon lesquelles 99% des missiles et des drones iraniens ont été interceptés par les systèmes anti-missiles israéliens.
Selon le rapport, les preuves visuelles fournies par les images satellites ne laissent aucun doute quant à l’impact subi par l’un des édifices de
l’installation nucléaire de Dimona où les locaux considérés comme étant impénétrables, ont également été touchés à deux reprises.
D’après les images de vidéo, ajoute le rapport, les bases israéliennes de Navatim et Ramon nichées au cœur du désert du Néguev ont été visées
respectivement à quatre et à cinq reprises par des missiles iraniens.
Un essaim massif de centaines de drones et de missiles a pénétré samedi soir plusieurs couches de défense du régime sioniste et frappé des
cibles dans les territoires occupés de la Palestine.
«L’opération baptisée «Varie Promesse» était une réponse à l’assassinat de sept conseillers militaires iraniens à Damas le 1er avril, dont le
commandant du CGRI en Syrie et au Liban, le général Mohammad-Reza Zahedi, et son adjoint, le général Hadi Haj Rahimi», a souligné le CGRI dans son premier communiqué.
Suite aux opérations du CGRI, la mission permanente de l’Iran auprès des Nations unies a déclaré dans un communiqué que ces représailles étaient
basées sur l’article 51 de la Charte des Nations unies concernant la légitime défense en réponse à l’agression du régime sioniste contre les locaux diplomatiques de l’Iran.
La dissuasion de l’Iran a été saluée par toutes les terres d’Islam, notamment la rue arabe asservie par les monarchies qui font encore affaire avec Israël sur les cadavres des
Palestiniens de Gaza.
par Pepe
Escobar
Les frappes de représailles de l’Iran contre Israël n’ont pas été menées en solo. Les partenaires stratégiques que sont la Russie et la Chine soutiennent Téhéran, et leur rôle dans le
conflit en Asie occidentale ne fera que s’accroître si les États-Unis ne tiennent pas Israël à distance.
Un peu plus de 48 heures avant le message envoyé par l’Iran à Israël à travers le ciel de l’Asie occidentale, le vice-ministre russe des Affaires
étrangères Sergueï Ryabkov a confirmé, officiellement, ce qui, jusqu’à présent, n’avait été, au mieux, que des propos diplomatiques feutrés :
«La Russie reste
en contact avec ses partenaires iraniens sur la situation au Moyen-Orient après l’attaque israélienne contre le consulat iranien en Syrie».
Ryabkov a ajouté : «Nous sommes en
contact permanent [avec l’Iran]. De nouvelles discussions approfondies sur l’ensemble des questions liées au Moyen-Orient sont également attendues dans un avenir proche au sein des
BRICS».
Il a ensuite brossé un tableau général de la situation :
«La complaisance,
au cœur de la politique de Washington, avec les actions israéliennes au Moyen-Orient, devient à bien des égards la cause première de nouvelles tragédies».
En résumé, le principal coordinateur diplomatique de la Russie auprès des BRICS – au cours de l’année de présidence russe de l’organisation multipolaire
– a indirectement fait savoir que la Russie soutenait l’Iran. Pour rappel, l’Iran est devenu un membre à part entière des BRICS+ en janvier dernier.
Le message atmosphérique de l’Iran ce week-end l’a confirmé dans la pratique : Ses systèmes de guidage de missiles ont utilisé le système chinois de
navigation par satellite Beidou ainsi que le système russe GLONASS.
Il s’agit d’un système de renseignement russo-chinois piloté depuis les coulisses, et d’un exemple concret des BRICS+ en marche.
Le «Nous sommes en
contact permanent» de Ryabkov et les renseignements sur la navigation par satellite confirment la coopération très étroite du partenariat stratégique entre la Russie et la
Chine et de leur partenaire stratégique mutuel, l’Iran. Forte de sa longue expérience de l’Ukraine, Moscou savait que l’entité génocidaire psychopathe biblique continuerait à
s’intensifier si l’Iran continuait à faire preuve de «patience
stratégique».
Le passage de la «patience
stratégique» à un nouvel équilibre stratégique a pris un certain temps – et notamment les échanges au plus haut niveau avec la Fédération de Russie. Après tout, le
risque demeure que l’attaque israélienne contre la résidence du consulat/ambassadeur iranien à Damas s’avère n’être qu’un remix 2024 de l’assassinat de l’archiduc
François-Ferdinand.
Sans
oublier le détroit d’Ormuz
Téhéran a réussi à déjouer les vastes opérations psychologiques occidentales destinées à le pousser au faux pas stratégique.
L’Iran a commencé par un coup de maître en termes de diversion. Alors que la peur américano-israélienne prenait des proportions démesurées, alimentée
par des «renseignements» occidentaux
douteux, le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) s’est emparé d’un porte-conteneurs appartenant à Israël, près du détroit d’Ormuz, dans le cadre d’une manœuvre secondaire et rapide.
Ce fut une manœuvre éminemment raffinée – rappelant à l’Occident collectif la mainmise de Téhéran sur le détroit d’Ormuz, un fait immensément plus
dangereux pour l’ensemble du château de cartes économique occidental que n’importe quelle frappe ponctuelle sur leur «porte-avions» en
Asie de l’Ouest. C’est ce qui s’est produit en fin de compte.
Là encore, avec une certaine classe. Contrairement à cette armée «morale» spécialisée
dans le meurtre de femmes, d’enfants et de personnes âgées et le bombardement d’hôpitaux, de mosquées, d’écoles, d’universités et de convois humanitaires, l’attaque iranienne a visé des sites militaires israéliens clés tels que les bases aériennes de Nevatim et de Ramon dans le Néguev, ainsi qu’un
centre de collecte de renseignements sur le plateau du Golan occupé – les trois sites utilisés par Tel-Aviv pour frapper le consulat iranien de Damas.
Ce fut un spectacle parfaitement chorégraphié. De nombreux signes avant-coureurs ont donné à Tel-Aviv tout le temps nécessaire pour profiter des
renseignements américains, et évacuer les avions de combat et le personnel, dûment relayés par une pléthore de radars militaires américains coordonnant la stratégie de défense.
C’est la puissance de feu américaine qui a écrasé le gros du nuage de 185 drones Shahed-136, au moyen de toutes sortes de dispositifs allant de la
défense aérienne embarquée aux avions de chasse. Le reste a été abattu au-dessus de la Jordanie par l’armée du petit roi – la rue arabe n’oubliera jamais sa trahison – puis par des dizaines de jets israéliens.
Les défenses d’Israël ont été de facto saturées par le combo drone-suicide-missile balistique. Concernant ces derniers, plusieurs d’entre eux ont percé
le dense labyrinthe de la défense aérienne israélienne, Israël revendiquant officiellement neuf frappes réussies – ce qui est intéressant, c’est qu’elles ont toutes atteint des cibles
militaires très pertinentes.
L’ensemble du spectacle disposait d’un budget digne d’une méga superproduction.
Pour Israël – sans même compter le prix des jets américains, britanniques et israéliens – le seul système d’interception
multicouche a coûté au moins 1,35 milliard de dollars, selon un responsable israélien. Les sources militaires iraniennes évaluent le coût de leurs salves de drones et de missiles à
seulement 35 millions de dollars, soit 2,5% des dépenses de Tel-Aviv, et ce grâce à une technologie exclusivement locale.
Le
nouvel échiquier d’Asie occidentale
Il n’a fallu que quelques heures à l’Iran pour transformer sa patience stratégique en une dissuasion sérieuse, envoyant ainsi un message extrêmement
percutant et à plusieurs niveaux à ses adversaires, changeant magistralement la donne sur l’ensemble de l’échiquier ouest-asiatique.
Si les psychopathes bibliques venaient à s’engager dans une véritable guerre ouverte contre l’Iran, Tel-Aviv n’aurait aucune chance d’intercepter des
centaines de missiles iraniens – dont des missiles de pointe exclus du récent scénario – sans un mécanisme d’alerte précoce échelonné sur plusieurs jours. Sans le bouclier militaire et financier du Pentagone, la défense israélienne n’est pas viable.
On attend avec impatience de voir quelles leçons Moscou tirera de cette profusion de lumières dans le ciel de l’Asie occidentale, ses yeux perspicaces
observant la frénésie de la scène politique et militaire israélienne, alors que la température continue de monter sur la grenouille qui cuit à petit feu – et pousse maintenant des hurlements.
Quant aux États-Unis, une guerre en Asie occidentale – qu’ils n’ont pas déclenchée eux-mêmes – ne correspond pas et de loin à leurs préoccupations,
comme l’a confirmé par courriel un vieux briscard de l’État profond :
«Cette guerre
pourrait définitivement compromettre la production de pétrole dans la région et faire grimper son prix à des niveaux faramineux qui entraîneraient l’effondrement de la structure
financière mondiale. Il est possible que le système bancaire des États-Unis s’effondre lui aussi si le prix du pétrole atteint 900 dollars le baril en cas de blocage ou de
neutralisation de la production pétrolière au Moyen-Orient».
Rien d’étonnant à ce que la bande à Biden, quelques jours avant la réponse iranienne, ait activement supplié Pékin, Riyad et Ankara, entre autres, pour
dissuader Téhéran. Les Iraniens auraient même pu accepter – si le Conseil de sécurité des Nations unies avait imposé un cessez-le-feu permanent à Gaza pour calmer la tourmente
régionale. Mais Washington est resté muet.
La question est maintenant de savoir s’il va le rester. Mohammad Bagheri, chef de l’état-major général des forces armées iraniennes, est allé droit
au but :
«Nous avons
transmis un message à l’Amérique par l’intermédiaire de l’ambassade de Suisse : les bases américaines deviendront une cible militaire si elles sont utilisées dans de futures actions
belliqueuses du régime sioniste. Nous les considérerons comme une agression et agirons en conséquence».
Le dilemme américain est confirmé par l’ancien analyste du Pentagone Michael Maloof :
«Nous avons
quelque 35 bases autour de l’Iran, et elles sont par conséquent devenues vulnérables. Elles étaient censées jouer un rôle dissuasif. Il est clair que la dissuasion n’est plus
à l’ordre du jour. Elles deviennent le «talon
d’Achille» des
Américains en raison de leur vulnérabilité aux attaques».
Tout laisse à penser que le tandem États-Unis-Israël s’adaptera à la nouvelle réalité de la dissuasion élaborée par l’Iran. En cet instant historique,
le spectacle aérien, lourd de sens, de l’Iran musulman déchaînant à lui seul des centaines de drones et de missiles sur Israël, un exploit salué dans toutes les terres d’Islam, reste
d’actualité. Et notamment par la rue arabe malmenée, asservie par des monarchies décrépites qui continuent de faire affaire avec Israël sur les cadavres des Palestiniens de
Gaza.
Le 7 octobre 2023, le
Hamas a franchi la clôture de Gaza. Il a envahi des installations militaires et des kibboutz dans le but de prendre autant d’otages que possible. Ceux-ci devaient être emmenés à Gaza en vue
de futurs échanges de prisonniers.
Malgré les
avertissements locaux, les dirigeants de l’entité sioniste ont été surpris par cette action. Sa réaction excessive et la directive Hannibal ont entraîné la mort de nombreux
otages.
L’événement a choqué l’opinion publique israélienne. Elle se sentait en sécurité. Le 7 octobre et les six mois de combats à Gaza et à la frontière nord ont
changé la donne.
Mais jusqu’à présent, le danger ne provenait que de simples milices, le Hezbollah et le Hamas. Bien qu’elles soient capables d’agir, elles n’ont pas les
instruments d’un État-nation à part entière.
Toujours trop confiants dans leurs propres capacités, les dirigeants de l’entité sioniste ont commis une deuxième erreur. Ils avaient déjà attaqué des
représentants iraniens en Syrie et au Liban. Ils ont ensuite attaqué l’ambassade iranienne en Syrie. Ils s’attendaient à ce que l’Iran réagisse pas.
Mais poussé par sa propre population, l’Iran se devait de réagir. Il devait le faire d’une manière convaincante, mais qui ne conduirait pas à d’autres
escalades. Un équilibre très difficile à atteindre.
Son attaque contre les bases aériennes israéliennes dans le Néguev et contre une base du Mossad sur le plateau du Golan a été couronnée de succès en dépit du
fait qu’Israël et tous les autres pays avaient été prévenus de l’attaque :
Israël et tous les autres pays avaient été prévenus de l’attaque
plusieurs alliés d’Israël – les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Jordanie – ont ajouté leurs moyens importants pour aider les défenses aériennes
israéliennes
les cibles étaient parmi les plus difficiles à atteindre.
Les États-Unis disposent d’un radar avancé AN/TPY-2 en bande X stationné à Har Qeren, dans le désert du Néguev. Sa mission est de détecter les tirs de
missiles iraniens et de transmettre les données de ciblage aux batteries israéliennes Arrow et David’s Sling et aux batteries américaines THAAD ABM déployées pour protéger les sites
israéliens sensibles, notamment Dimona et les bases aériennes de Nevatim et Ramon.
Des missiles iraniens ont frappé les bases aériennes de Nevatim et de Ramon. Les meilleurs radars de surveillance du monde, associés aux défenses
antimissiles les plus sophistiquées du monde, ont été impuissants face à l’attaque iranienne.
Je préciserais que le “meilleur radar de surveillance du monde” et les “défenses antimissiles les plus sophistiquées du monde” sont
probablement ceux dont disposent les Russes.
Mais quoi qu’il en soit, l’attaque a franchi toutes les défenses et a atteint les cibles assignées. (On ne saura pas avant longtemps avec quelle précision elle
l’a fait).
Israël s’abstiendra probablement de riposter. Tout simplement parce qu’il ne dispose d’aucune défense efficace contre une frappe similaire et qu’il n’a
certainement pas assez de moyens pour parer à une série de frappes de ce type.
Il suffit de se poser la question. Que se passerait-il :
si l’Iran frappait sans avertissement ?
si les alliés d’Israël n’étaient pas préparés ou ne voulaient pas contrer une attaque ?
si l’Iran frappait des cibles industrielles plus précieuses et/ou non militaires ?
Une telle attaque pourrait être catastrophique pour Israël.
La sécurité de sa population juive est la raison d’être de l’État sioniste. C’est l’argument qu’Israël utilise pour favoriser l’immigration.
Israël n’est plus en sécurité. Il ne peut plus faire ce qu’il veut sans avoir à en craindre les conséquences.
Il faudra un certain temps pour que ce fait s’impose à l’esprit des sionistes.
Mais il le fera.
En conséquence du 7 octobre et du 14 avril, la population sioniste d’Israël pourrait bien diminuer.
Moon of
Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker
Francophone.
Riposte iranienne : Entre 400 et 500 drones et 150 missiles pleuvent sur Israël
La nuit dernière entre 400
et 500 drones et 150 missiles auraient été envoyés par l’Iran sur Israël, visant exclusivement des installations militaires. Des drones partis du Yémen, d’Irak et
du Liban (Hezbollah) auraient complété la riposte iranienne.1 Cette attaque iranienne vient en riposte du bombardement
israélien du consulat iranien à Damas, il y a quelques jours, mais également de très nombreux bombardements israéliens, restés sans réponse à ce jour sur la Syrie,
alliée de l’Iran, et bien sûr pour le génocide en cours des Gazaouis.
On notera que la
riposte iranienne était attendue et avait même été annoncée par la partie iranienne qui se place sous l’article 51 de la Charte de l’ONU qui traite de la
légitime défense.
On notera que l’Iran a évité
de viser des cibles civiles et n’a
pas attaqué d’installations militaires US dans la Région et qu’il a demandé à la partie US de se tenir à l’écart de cette affaire.
Le vrai bilan de cette attaque n’est pas connu et ne sera d’ailleurs jamais porté à la connaissance du public par la partie israélienne.
Sans doute Israël dira-t-il : «Même
pas mal»2 surtout
s’il veut éviter la montée aux extrêmes.
Cette attaque est toutefois importante car elle peut aussi déclencher l’engrenage d’une escalade dont nul ne sait où cela pourrait conduire la région et même le
monde.
Les zélotes fous furieux qui tiennent le haut du pavé à Tel-Aviv et qui dirigent aussi, en large part et par lobbies interposés, la
politique étrangère et les médias de grands pays occidentaux (USA, UK, France, Canada, Australie …) vont probablement monter d’un cran pour avoir le dernier mot. Ils ne
vont pas en rester là, ce n’est pas dans leurs gènes.
La montée aux extrêmes ne peut donc plus être exclue.
La riposte iranienne bénéficiera probablement d’une neutralité bienveillante de la multipolarité (Chine, Russie, BRICS, OCS, …). On se
rappelle que l’ambassade de Chine avait été bombardée par l’OTAN en 1999, sans qu’elle puisse réagir à l’époque ….
L’occident otanien se retrouvera, une fois de plus, isolé dans son soutien jusqu’au-boutiste aux actions les plus irresponsables de
provocations israéliennes (Bombarder un consulat n’est pas anodin).
Cette
attaque iranienne peut donc avoir des conséquences énormissimes. Était ce le but d’Israël lorsqu’il s’est permis de bombarder le consulat iranien en Syrie ?
S’agissait-il d’entrainer l’occident otanien dans une guerre contre l’Iran ?
Si cette affaire dérape, quid de la guerre en Ukraine, quid des JO Paris 2024 ? Et pour quel épilogue ?
Décidément, nous allons vivre une période riche en événements majeurs
Le Corps des gardiens de la Révolution islamique (CGRI) a lancé des frappes de représailles «d’envergure» de missiles et de drones contre les
territoires occupés en réponse à l’attaque terroriste du régime israélien du 1er avril contre les locaux diplomatiques de la République islamique à Damas, la capitale syrienne.
Le CGRI a annoncé le lancement des frappes dans un communiqué samedi soir, définissant la mission comme «Opération Promesse honnête».
«En réponse aux
nombreux crimes du régime sioniste, notamment l’attaque contre la section consulaire de l’ambassade d’Iran à Damas et le martyre d’un certain nombre de commandants et de conseillers
militaires de notre pays en Syrie, la division aérospatiale du CGRI a lancé des dizaines de missiles et de drones contre certaines cibles à l’intérieur des territoires occupés»,
indique le communiqué.
Le ministre iranien de la Défense, le général de brigade Mohammad Reza Ashtiani, a quant à lui averti que «tout pays qui
pourrait ouvrir son sol ou son espace aérien à Israël pour une attaque [potentielle] contre l’Iran recevra notre réponse décisive».
L’attaque israélienne a entraîné le martyre du général de brigade Mohammad Reza Zahedi, commandant de la force Qods du CGRI, de son adjoint, le général
Mohammad Hadi Haji Rahimi, et de cinq de leurs officiers qui les accompagnaient.
L’attaque terroriste a suscité une vive condamnation de la part de hauts responsables politiques et militaires iraniens, qui ont juré de «se venger
définitivement».
Lors d’un discours prononcé mercredi à Téhéran après avoir dirigé les prières de l’Aïd al-Fitr, le leader de la Révolution islamique, l’Ayatollah Seyyed
Ali Khamenei, a déclaré que le régime israélien «doit être puni et
sera puni» pour la frappe meurtrière contre les locaux diplomatiques iraniens.
Le leader a ajouté : «Le régime
sioniste maléfique a commis une autre erreur… et c’est l’attaque contre le consulat iranien en Syrie. Le consulat et les missions diplomatiques de tout pays sont considérés comme le
territoire de ce pays. Quand ils attaquent notre consulat, cela signifie qu’ils ont attaqué notre sol».
Dans un communiqué ultérieur, le CGRI a déclaré que ces représailles intervenaient après 10 jours de «silence et de négligence» de la part des
organisations internationales, en particulier du Conseil de sécurité des Nations unies, pour condamner l’agression israélienne ou punir le régime conformément à l’article 7 de la
Charte des Nations unies.
L’Iran a ensuite eu recours à des frappes de représailles, a ajouté le CGRI, «en utilisant ses
capacités de renseignement stratégique, ses missiles et ses drones» pour attaquer «les cibles de
l’armée terroriste sioniste dans les territoires occupés, les frappant et les détruisant avec succès».
Dans le même temps, le communiqué avertit les États-Unis – le plus grand partisan du régime israélien – que «tout soutien ou
participation visant à nuire aux intérêts de l’Iran entraînera une réponse décisive et regrettable de la part des forces armées de la République islamique».
«En outre,
l’Amérique est tenue pour responsable des actions perverses du régime sioniste, et si ce régime assassin d’enfants n’est pas maîtrisé dans la région, il en subira les
conséquences», note le communiqué.
Le CGRI a conclu sa déclaration en mettant en garde les pays tiers contre toute utilisation de leur sol ou de leur espace aérien pour des attaques
contre la République islamique.
«Nous avons perdu la guerre», tel est le constat amer du Haaretz selon lequel «Netanyahou est le pire leader des juifs».
Selon son chroniqueur politique, Haïm Levinson le fait d’avoir perdu la guerre «est
la conclusion claire pour tout israélien». «C’est
la difficulté de le reconnaitre qui résume l’état d’âme du public israélien», ajoute-t-il. «Nous
sommes face à une réalité claire, aiguë et exigeante, et nous devons commencer à l’absorber, à la comprendre et à en tirer des conclusions pour l’avenir. Mais ce n’est pas
gentil de dire que nous avons perdu, alors nous nous mentons à nous-mêmes».
«Après
six mois, nous aurions pu être ailleurs, mais nous sommes les captifs des pires leaders de l’histoire d’Israël», a noté Levinson dans son article.
«Il
n’est pas certain que nous puissions retourner à la frontière nord, en toute sécurité», a-t-il expliqué, soulignant que «le
Hezbollah a changé l’équation en sa faveur».
«Il y
a maintenant une forte probabilité qu’au fil des ans, tout voyage à la frontière nord soit ciblé», a ajouté Levinson. «Tous
les prisonniers ne reviendront pas. Toute menace iranienne nous ébranlera. Notre réputation internationale en a pris un coup. Notre faiblesse de leadership a été
exposée».
Le chroniqueur du Haaretz estime
que «pendant
des années, nous avons réussi dans la tromperie que nous sommes forts, avec des gens intelligents et une armée très puissante. Pratiquement, nous sommes un petit village
juif avec une armée de l’air».
«Une
partie de la difficulté à admettre que nous avons perdu provient de la sainteté de l’armée, car il était interdit de dire un mauvais mot sur l’armée. Ce n’est que le 7
octobre que nous pourrions dire – à un moment donné – que c’est une honte», a-t-il écrit.
«Rafah
est la nouvelle arnaque vendue par les trompettes pour nous dire que nous sommes devant une victoire», a-t-il déclaré, soulignant qu’«au
moment où ils entreront à Rafah, l’événement perdra tout son sens».
La semaine passée, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou avait déclaré entre «à un
pas de la victoire», tout en insistant que l’offensive contre Rafah aura lieu. L’armée d’occupation israélienne avait retiré la majeure partie de ses unités dans le
sud de la bande de Gaza, après plusieurs opérations à Khan Younes, au cours desquelles 15 militaires israéliens ont été tués, selon le Hamas.
«La
vérité est que les objectifs de la guerre ne seront pas atteints. Le Hamas ne sera pas détruit. Les prisonniers ne seront pas ramenés sous la pression militaire. La
sécurité ne reviendra pas», objecte Levinson du Haaretz.
Il a poursuivi en disant : «plus
les trompettes crient : nous gagnons, plus nous perdons. Le mensonge fait partie d’eux. On doit s’y habituer. La vie est moins sécurisée qu’elle ne l’était avant le 7
octobre. Le coup dur va perdurer de nombreuses années», a-t-il déclaré.
Et de conclure : «L’isolement
international ne disparaîtra pas. Les morts ne reviendront pas. Ni beaucoup de prisonniers non plus».
Le chef du Mossad David Barnea chargé de diriger la délégation israélienne pour les négociations indirectes avec le Hamas au Caire avait
informé Netanyahou que la libération de tous les otages israéliens dans le cadre d’une trêve conclue serait impossible et dans le meilleur des cas 40 personnes seulement
pourraient entre relâchés, a rapporte le Times
of Israel.
L’avis défavorable sur le Premier ministre gagne du terrain parmi les observateurs israéliens. Dans un autre article du Haaretz,
Anshel Pfeffer déclare que «tout
le monde sera d’accord que Netanyahou est le pire leader du people juif» et «la
seule chose qui l’importe est son maintien au pouvoir et la manière dont l’histoire va l’évoquer».
Dans les médias américains, le New
York Times s’est fait l’écho du pessimisme des médias israéliens. Il a révélé que beaucoup au sein de l’armée israélienne adressent leurs reproches à Netanyahou
«pour
ne pas avoir pris de décisions difficiles».
Dans une analyse, le journal américain estime «qu’Israël
trébuche et fait face à l’éventualité de perdre la guerre à Gaza». Il remarque que le Hamas est retourné dans les régions qui avaient été vidées des miliciens.
Un avis aussi défavorable a été exprimé par le Guardian qui
estime «qu’Israël
fait face à une grande défaite stratégique liée à sa réputation qui a été sérieusement endommagée, même parmi ses soutiens les plus enthousiastes».
Selon le journal britannique, «la
guerre à Gaza est révélatrice de la chute de l’occident qui paye le prix de son arrogance».
En Israël les sentiments négatifs envahissent les Israéliens en raison de la poursuite de la guerre au sud et au nord. Selon le
journal Maariv,
citant un récent sondage, 68% d’entre eux ont des sentiments négatifs et les moins de 60 ans seraient les plus pessimistes.
Un précédent sondage il y a quelques jours avait révélé que 62% des Israéliens ne sont pas satisfaits des résultats de la guerre.
En outre, rapporte la chaine qatarie al-Jazeera,
les sondages ont aussi montré que les trois-quarts des Israéliens voudraient que Netanyahou démissionne du gouvernement.
Engagé dans un bras de fer avec plusieurs partis israéliens et une bonne partie de l’opinion publique, en voulant imposer des modifications
juridiques contestées, lesquelles avaient profondement divisé la société israélienne, le revers sécuritaire causé par l’opération du Hamas, Déluge d’al-Aqsa, le 7 octobre
dernier, a encore plus endommagé sa popularité. Son incapacité à réaliser ses objectifs après 6 mois de guerre meurtrière l’enfonce au plus bas. S’il perd la guerre, les
Israéliens ne lui pardonneront jamais. Ni l’Histoire.
Le 13 avril au soir, l’Iran a tiré drones et missiles vers des objectifs militaires en Israël. Il est encore trop tôt pour mesurer l’impact des destructions éventuelles. En début d’après-midi, le
Corps des Gardiens de la Révolution iranienne a arraisonné un navire commercial dans le Détroit d’Ormuz, signal envoyé au monde qu’il est possible de bloquer l’économie mondiale pour faire plier
Israël. L’Iran a fait passer le message aux USA qu’il ne souhaitait pas une extension du conflit. Cependant la riposte israélienne provoquera inévitablement une deuxième série de frappes
iraniennes.
+ Les Forces de défense israéliennes ont officiellement reconnu le lancement de l’attaque.
+ Le président américain Joe Biden va tenir une réunion avec les secrétaires à la Défense et à l’État, le directeur de la CIA et le conseiller à la sécurité
nationale.
+ L’Iran a confirmé le lancement de drones et annoncé le lancement imminent d’une attaque de missiles avec le missile à grande échelle du CGRI, selon les médias
iraniens.
+ L’Iran a lancé la première vague (environ 50 unités) de drones kamikazes en direction d’Israël et il leur faudra jusqu’à neuf heures pour atteindre leur cible.
Les deuxième et troisième vagues de drones ont également été lancées par l’Iran, ont rapporté les médias israéliens.
+ Aucun avion dans l’espace aérien d’Israël, de la Syrie, du Liban, de la Jordanie, du Yémen et près de Bagdad.
+ La Jordanie s’est rangée d’emblée du côté d’Israël, tandis que les autres Etats de la région fermaient leur espace aérien à tout avion israélien, britannique ou
américain.
La menace iranienne d’un blocus du détroit d’Ormuz
L’agence de presse iranienne
FARS a rapporté en début d’après-midi qu’une unité des forces spéciales de la marine du Corps des gardiens de la révolution islamique avait effectué le raid sur le MSC Aries, un
porte-conteneurs battant pavillon portugais et associé à la société Zodiac Maritime, dont le siège est à Londres. Cette société fait partie du groupe Zodiac, propriété du milliardaire israélien
Eyal Ofer.
La marine du CGRI déplace le navire dans les eaux territoriales iraniennes, selon l’agence de presse, qui n’a pas précisé les raisons de la saisie. Selon la Royal
Navy, le navire a été saisi à quelque 50 milles nautiques au nord-est du port de Fujairah, aux Émirats arabes unis.
On a pu se demander à ce moment-là, s’il s’agissait de la réponse iranienne attendue. En réalité, c’était plutôt un signal d’avertissement aux USA: s’ils entrent
dans une guerre avec l’Iran, Téhéran veut faire comprendre qu’un blocus du détroit d’Ormuz est possible, au-delà de ce lui du détroit de Bab-El-MAndeb.
“Conduite sur la base de l’article 51 de la Charte des Nations unies, qui a trait à la légitime
défense, l’action militaire de l’Iran répond à l’agression du régime sioniste contre nos locaux diplomatiques à Damas”, a déclaré sur X la Mission permanente de la République islamique
d’Iran auprès des Nations unies. “L’affaire
peut être considérée comme close. Toutefois, si le régime israélien commet une nouvelle erreur, la réponse de l’Iran sera considérablement plus sévère. Il s’agit d’un conflit entre
l’Iran et le régime israélien voyou, dont les
États-Unis doivent se tenir à l’écart“.
L’Orient-Le
Jour, 13 avril 2024
Comme il est peu probable qu’Israël reste sans réagir, on entre effectivement, dans une guerre régionale.
Il y a un peu plus de quatre ans, le 3 janvier 2020, Donald Trump faisait assassiner le Général iranien Soleimani, architecte de ce qu’on appelle “l’Axe de la Résistance” à la politique
israélo-américaine au Proche-Orient. La mort du stratège n’a pas signifié la fin de sa stratégie. Au contraire, l’efficacité redoutable du général commandant le Corps des Gardiens de la
Révolution Islamique venait de sa capacité à former des gens capables de se déployer de manière autonome sur le terrain. C’est ce qui explique l’acharnement des Israéliens à tuer les
héritiers de Soleimani: Sayyed Razi Mousavi, à Damas le jour de Noël; Saleh el-Arouri à Beyrouth 2 janvier. Puis à faire organiser un attentat, le 3 janvier 2024, contre la foule qui venait
se recueillir sur la tombe du Général Soleimani. Vaines tentatives? L’Iran a répondu en bombardant une installation clandestine du Mossad à la frontière de la Jordanie et de la Syrie.
Incapables d’accepter un rapport de force modifié qui devrait les amener à négocier, les Israéliens ont poussé la provocation, le 1er avril
2024, jusqu’à tuer le successeur de Soleimani et d’autres hauts gradés du CGRI dans le consulat d’Iran à Damas. Au moment où je clos cet article, une riposte iranienne dure est attendue par
tous. Elle pourrait enclencher une escalade qui implique les Etats-Unis dans la guerre – c’est l’espoir de Benjamin Netanyahu.
Le 3 janvier 2020, Donald Trump donnait l’ordre de frapper, depuis un drone, le convoi du Général iranien Qasem Soleimani qui venait de quitter
l’aéroport de Baghdad, pour une rencontre avec Adil Abdul-Mahdi, le Premier ministre irakien.
Outre la lâcheté d’une telle frappe, qui faisait soudain ressembler Donald Trump à son prédécesseur honni, Barack Obama, connu pour son goût des assassinats de
civils ou de militaires par drone interposé, on peut dire, avec le recul, que la mort de Soleimani n’a pas eu l’impact attendu par les Américains. On frappe à la tête pour désorganiser
l’ennemi, le sidérer, voire le forcer à se rendre.
En l’occurrence, il s’est passé le contraire. La détermination de ce qu’on appelle l’axe de la Résistance (Iran, Syrie, milices chiites en Iraq, Hezbollah au
Liban, Ansarallah au Yemen) en est sortie renforcée.
“Un, deux, trois Soleimani!”
En 1968, les étudiants du monde manifestaient en réclamant que les “Vietnam” se multiplient pour mettre en échec l’impérialisme américain. Aujourd’hui, beaucoup
sont devenus des bourgeois ventripotents qui soutiennent l’impérialisme américain version “néocon”. Mais dans les manifestations en défense des Palestiniens, on aurait toutes les raisons de
scander: ”Un, deux, trois Soleimani!”? Ce ne serait plus un vœu. Mais une réalité.
Les assassinats que vient de perpétrer Israêl, à quelques mois d’intervalle -Sayyed Razi Mousavi, à Damas le jour de Noël 2023; Saleh El-Arouri à Beyrouth le 2
janvier 2024 ; le Général Mohammad Reza Zahedi et plusieurs de ses adjoints le 1er avril
lors du bombardement du consulat d’Iran à Damas – ressemblent à s’y méprendre à celui de Soleimani. Non seulement dans les formes mais à cause des cibles visées. L’Iranien Mousavi était un
collaborateur de Soleimani. Et Saled El-Arouri est représentatif des résistants palestiniens formés par le Général. Zahedi était son successeur à la tête du CGRI.
Le rôle décisif de Soleimani pour organiser la résistance des Palestiniens
Les graphiques que je reproduis ici concernant Soleimani sont tirés d’un compte X/canal
Telegram qui offre un fil quasi-continu des événements actuellement en cours au Proche-Orient.
On comprend plusieurs choses essentielles, en lisant ce travail méticuleux:
+ pendant que les médias occidentaux se focalisaient sur Ben Laden et Al-Qaïda, ce sont Soleimani et l’Iran qui changeaient la face du Proche-Orient.
+ Le partage religieux des influences sous la forme du célèbre accord passé entre Hassan El-Banna, le
fondateur des Frères musulmans, et l’Ayatollah Khomeiny, le fondateur de la République islamique d’Iran, reste sans doute vrai sur le plan religieux. Mais il ne rend pas compte de
l’affrontement en cours, déterminé par la géopolitique et les nations, non plus par la religion. Chiites et sunnites ont été réconciliés par l’agressivité israélienne et américaine vis-à-vis
de tous les courants de l’Islam.
+ Soleimani a enseigné aux Palestiniens comment penser dans le temps long, selon les règles d’une guerre asymétrique, développée dans un milieu aménagé ad hoc.
Non seulement le Général a été essentiel pour la construction du réseau de tunnels qui servent de refuge aux mouvements combattants. Mais il a enseigné aussi aux Palestiniens comment se
mettre à fabriquer leurs propres armes.
+ Comme la Résistance chiite irakienne et les Houthis d’Ansarallah, les Palestiniens ont adopté et adapté, sous l’impulsion de l’ancien chef du CGRI, la
stratégie de combat du Hezbollah. Le chef militaire de la branche combattante du Hamas, Sinwar, s’est rendu, au milieu des années 2010, en Iran, pour une formation spécifique auprès des
Gardiens de la Révolution.
+ Enfin, on ne saurait trop insister sur l’importance de la « méthode Soleimani » pour amener tous les mouvements combattants palestiniens à se
réconcilier et s’unir dans une lutte de libération nationale : Branches armées du Hamas, du Jihad islamique international, du Front Populaire de Libération de la Palestine.
Les Occidentaux – en tout cas leurs médias, répètent « Hamas » pour désigner les combattants palestiniens, sans voir le rôle joué par les autres
mouvements.
La méthode Soleimani et l’émergence de nations combattantes
La méthode Soleimani consiste d’une part dans des transferts technologiques, d’autre part dans la formation des unités combattantes. Le principe directeur est
de rendre les mouvements combattants autonomes, au besoin indépendants les uns des autres.
Lorsque le Hezbollah ou l’Iran disent ne pas avoir été informés à l’avance par la Résistance Palestinienne de l’attaque du 7 octobre, c’est à la fois vrai et
faux. Vrai sans doute dans les détails opérationnels. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y ait eu aucune interaction entre les différentes composantes de l’Axe de la Résistance. Et la formule
de Gilles Kepel, qui a parlé du 7 octobre comme d’un “11 septembre chiite” touche un
aspect important de ce qui est en cours.
Il faut bien comprendre, cependant, que les clivages religieux ne sont plus ce qui détermine le conflit du Proche-Orient. On a trois parties en présence.
+ Les Etats-Unis et Israël
+ L’Axe de la Résistance,autour de l’Iran. Aux pays et mouvements combattants déjà cités on peut ajouter l’Algérie.
+ Les pays musulmans ayant, d’une manière ou d’une autre cherché depuis des décennies un accommodement avec Israël: Maroc, Egypte, Turquie, Jordanie, pays du
Golfe.
Les Palestiniens sont partis en guerre le 7 octobre parce qu’ils avaient le sentiment que le rapprochement entre Israël et l’Arabie Saoudite était en train de
sceller le sort de la nation palestinienne, qui ne pourrait jamais voir le jour. Aujourd’hui, ce rapprochement est suspendu. Et l’Axe de la Résistance apparaît capable d’empêcher le projet
israélien d’expulser les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie.
La méthode Soleimani y est pour beaucoup. Une stratégie partagée par des mouvements ou des pays qui disposent du maximum d’autonomie mais sont capables de se
coordonner extrêmement rapidement parce qu’ils parlent tous la même langue stratégique. Et savent se servir des mêmes armes.
Tout ceci explique qu’aujourd’hui nous ayons affaire à des nations qui, sous l’effet du coup inattendu porté par la Résistance palestinienne à Israël depuis le
7 octobre, se mettent toutes à peser leurs intérêts. Les Etats-Unis savent qu’ils n’ont pas intérêt à se laisser entraîner par Israël dans un conflit généralisé. Le Maroc, l’Arabie Saoudite
ou la Turquie doivent faire preuve d’une grande prudence, désormais, dans leur rapprochement avec Israël, sous peine de mobiliser la rue contre eux. La Syrie ou l’Iraq attendent patiemment
leur heure pour libérer leur territoire de toute occupation étrangère. Au grand dam d’Israël – qui peut regretter son tournant anti-iranien depuis une génération -l’Iran sortira vainqueur de
l’affrontement actuel.
La stratégie Soleimani est d’abord celle d’un patriote iranien, qui aura servi son pays avec une telle efficacité que l’Iran moderne vivra encore longtemps de
son héritage militaire et politique.
Israël ne se résigne pas au nouvel équilibre des forces au Proche-Orient
On se rappelle que Yitzak Rabin a signé les accords d’Oslo parce qu’il jugeait, de manière réaliste, qu’Israël ne pouvait pas affronter à la fois les
Palestiniens et l’Iran.Il voulait faire la paix avec les Palestiniens pour pouvoir éventuellement mener une guerre contre l’Iran.
Après son assassinat, en 1998, la tendance Sharon-Netanyahu a décrété, en suivant une pulsion puérile qui se révèle aujourd’hui suicidaire, que l’on pouvait
affronter à la fois les Palestiniens et l’Iran. La mise en place de la stratégie du Général Soleimani a consisté à exploiter systématiquement l’absence de réalisme israélien, pour mettre en
place « l’Axe de la Résistance ».
En ce mois d’avril 2024, le Proche-Orient est arrivé au point où Israël est progressivement asphyxié par la stratégie Soleimani et pratique la fuite en
avant en espérant que la substitution d’une guerre ouverte à la guerre asymétrique de l’Axe de la Résistance, permettrait de reprendre la main.
Netanyahu tient-il enfin la guerre contre l’Iran qu’il espère depuis vingt ans ?
Benjamin Netanyahu tient-il, enfin, la guerre contre l’Iran qu’il espère depuis vingt ans, tant l’héritier du clan Jabotinsky est habité par une pulsion de mort? Les médias et les réseaux sociaux
parlent de frappes “de plus en plus imminentes” de l’Iran. En réalité l’Iran a évité le plus longtemps possible la confrontation avec Israël et les États-Unis – pendant des “décennies”. Mais il
s’est préparé à un conflit inévitable. Et il se peut que, si la guerre éclate dans les prochains jours, elle conduise à une défaite d’Israël.
Comme le rappelle utilement Shivan Mahendrarajah, l’Iran a cherché à se rapprocher des États-Unis en 2001.
Téhéran a offert un soutien inconditionnel aux États-Unis après le 11 septembre. Certains éléments sont connus : Le général de division Soleimani et le Corps des gardiens de la révolution
islamique ont fourni des armes aux États-Unis. Soleimani et le CGRI ont fourni des renseignements et des cartes qui ont permis au CENTCOM de renverser les talibans (….) Ce que l’on sait
moins, c’est que l’ouest de l’Afghanistan a été libéré par environ 5 000 moudjahidines tadjiks (sunnites), 1 000 moudjahidines hazaras (chiites), la force IRGC-Quds (IRGC-QF) et le premier
détachement opérationnel spécial Alpha (ODA 554) de l’armée américaine. (…) Les forces spéciales américaines et iraniennes ont combattu côte à côte pour libérer l’ouest de l’Afghanistan en
novembre 2001
Perspectives,
12 avril 2024
La pulsion de mort de Sharon et Netanyahu
L’Iran a été de bonne foi mais Israël et les néoconservateurs ne voulaient
pas de paix ni d’entente avec l’Iran. Ils n’ont eu de cesse de provoquer une guerre entre les Etats-Unis et l’Iran. Comme le rappelle Jacques Baud, l’Iran était sur la liste des pays du
Proche-Orient à détruire, au même titre que l’Irak, la Libye et la Syrie.
L’intelligence de la stratégie iranienne a consisté à éviter le piège d’une guerre précoce. Pourtant, insiste Shivan Mahendrarajah, on ne devrait pas se faire
d’illusions. Puisqu’Israël et les Etats-Unis s’obstinent à vouloir la guerre, ils vont l’avoir, dans des conditions très défavorables:
L’état-major du Corps des gardiens de la révolution islamique n’a pas passé les deux dernières décennies à se prélasser en buvant du thé ni en fumant la chicha en attendant que les bombes
tombent. Ils se sont préparés à la guerre. Le Corps des gardiens de la révolution aérospatiale (CGRI/A) a accéléré ses programmes de développement de la triade défensive iranienne :
Guerre électronique, drones et missiles. Les défenses aériennes sont essentielles, mais le CGRI/A préfère détruire rapidement la capacité d’un ennemi à lancer des
chasseurs-bombardiers et des missiles. À cette fin, le CGRI a mis au point une série de missiles balistiques, la plupart dotés d’ogives “Maneuverable Re-Entry Vehicle” (MaRV), capables
d’échapper aux défenses aériennes, voire de passer sous l'”enveloppe mortelle” du THAAD (Thermal High Altitude Air Defense ; construit par Raytheon ; le meilleur système de défense
antiaérienne des États-Unis). Le CGRI a testé le missile hypersonique Fattah-1, qui peut atteindre Tel-Aviv en 400 secondes (6 minutes et 40 secondes). Il est impossible de l’arrêter.
Le CGRI se prépare patiemment à une guerre qu’Israël recherche depuis (au moins) le 29 janvier 2002.
Perspectives,
12 avril 2024
Personne ne peut dire ce qui va se passer dans les prochaines heures. Mais il est une certitude: si Benjamin Netanyahu obtient la guerre dont il rêve depuis
longtemps, elle se déroulera dans les conditions les plus défavorables pour Israël: après une défaite stratégique à Gaza et face à un Hezbollah allié de l’Iran, capable à lui seul d’infliger des
coups redoutables à l’Etat d’Israël.
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Les derniers développements suggèrent que l’offensive terrestre israélienne de grande envergure à Rafah pourrait avoir lieu à tout moment. Les responsables israéliens nous ont dit que
l’opération nécessitera l’évacuation de la ville, probablement pour que les FDI puissent infliger à Rafah le même niveau de destruction qu’à Khan Yunis et à la ville de Gaza. Une fois
les forces terrestres déployées, les Palestiniens seront contraints de fuir vers la frontière égyptienne où ils chercheront un refuge contre l’assaut israélien. La suite est
incertaine, mais compte tenu des nombreuses réunions entre les responsables israéliens et égyptiens et leurs chefs respectifs des services de renseignements, nous pensons qu’un accord
pourrait être conclu pour permettre à plus d’un million de réfugiés palestiniens de franchir la frontière égyptienne. Voici quelques articles récents suggérant que l’Égypte pourrait
être payée pour participer à l’opération de nettoyage ethnique d’Israël.
1. L’Égypte
signe un accord de prêt élargi de 8 milliards de dollars avec le FMI, Reuters
Le Fonds monétaire international (FMI) a déclaré mercredi qu’il augmenterait son programme de prêt actuel avec l’Égypte de 5 milliards de dollars. (…) Le nouvel accord est une
expansion de la facilité élargie de crédit de 3 milliards de dollars et de 46 mois que le FMI a conclu avec l’Égypte en décembre 2022. (…)
L’Égypte cherche également à obtenir un prêt distinct de la Facilité pour la résilience et la durabilité du FMI, qui favorise le financement de la transition climatique. Le
Premier ministre égyptien Mostafa Madbouly a déclaré que ce prêt s’élèverait à 1,2 milliard de dollars.
2. L’UE
annonce un plan d’aide de 7,4 milliards d’euros pour l’Égypte alors que les inquiétudes montent sur les migrations, Le
Monde.
L’Union européenne a annoncé dimanche 17 mars un plan d’aide de 7,4 milliards d’euros pour l’Égypte, à court d’argent, alors que l’on craint que la pression économique et les
conflits dans les pays voisins ne poussent davantage de migrants vers les côtes européennes. (…)
Selon la mission de l’UE au Caire (…), le programme d’aide comprend notamment des subventions et des prêts sur les trois prochaines années pour le pays le plus peuplé du monde
arabe.
Cet accord intervient alors que l’on craint de plus en plus que l’offensive terrestre imminente d’Israël sur Rafah, la ville la plus méridionale de Gaza, ne pousse des centaines
de milliers de personnes à se réfugier dans la péninsule du Sinaï, en Égypte. La guerre entre Israël et le Hamas, qui en est à son sixième mois, a poussé plus d’un million de
personnes à se rendre à Rafah.
3. L’aide
de la Banque mondiale porte le renflouement global de l’Égypte à plus de 50 milliards de dollars, Yahoo finance
La Banque mondiale a annoncé lundi qu’elle verserait plus de 6 milliards de dollars à l’Égypte, ce qui porte à plus de 50 milliards de dollars le montant du plan de sauvetage de
l’économie du pays nord-africain au cours des dernières semaines. (…)
Cette annonce intervient un jour après que l’Union européenne se soit engagée à verser environ 8 milliards de dollars sous forme d’aide, de prêts et de subventions. Ces fonds font
suite à un programme nouvellement élargi de 8 milliards de dollars du Fonds monétaire international qui a été dévoilé quelques heures après que les autorités ont promulgué la plus
forte hausse des taux d’intérêt du pays et dévalué la monnaie pour la quatrième fois depuis le début de 2022.
De toute évidence, l’octroi de milliards de dollars de prêts à un pays criblé de dettes dont l’économie moribonde ne montre aucun signe de rebond, n’est pas une procédure normale. On
ne peut que conclure que l’argent est offert dans un autre but, c’est-à-dire pour faire face à l’afflux de réfugiés qui se déverseront bientôt à la frontière. Mais si ces articles
n’ont pas encore convaincu les lecteurs que le gouvernement égyptien est de mèche avec Israël, peut-être que cette chronique du 23 mars le fera :
L’UE ignore le
Parlement pour envoyer rapidement 1 milliard d’euros à l’Égypte, EUobserver
La Commission européenne met officiellement de côté le rôle de contrôle du Parlement européen en ce qui concerne l’envoi d’un milliard d’euros de prêts à l’Égypte. L’annonce a été
faite en amont d’un accord de 7,4 milliards d’euros avec Le Caire pour le contrôle des migrations, ce qui pose des questions délicates à un Parlement européen de plus en plus
frustré.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, affirme, dans une lettre datée du 15 mars et vue par EUobserver,
que l’urgence d’envoyer l’argent au Caire l’oblige à contourner l’assemblée. Elle a depuis décidé de déclencher l’article 213 du traité de l’UE, permettant à la Commission
européenne d’agir seule.
«Pour des
raisons d’extrême urgence et à titre tout à fait exceptionnel, le recours à l’article 213 du TFUE est considéré comme une base juridique appropriée pour la première opération d’un
milliard d’euros», écrit-elle dans une lettre envoyée à la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola.
Pourquoi la présidente de la Commission européenne éprouve-t-elle un sentiment d’urgence aussi insupportable face aux finances douteuses d’un État en faillite d’Afrique de l’Est ? Et
pourquoi Mme von der Leyen a-t-elle choisi d’ignorer les limites de son autorité légale en virant les fonds au Caire sans avoir obtenu au préalable l’approbation de l’assemblée ?
Si tout cela semble plutôt inhabituel, c’est parce que c’est le cas. Les responsables politiques occidentaux font tout ce qu’ils peuvent pour aider Israël dans son projet de nettoyage
ethnique de la Palestine. Mme von der Leyen n’est que l’une des contributrices à ce projet malveillant, mais il y en a d’autres aussi. Ce que nous essayons de dire, c’est que la
destruction de Gaza par Israël et le regroupement de sa population vers la frontière sud font partie d’un plan plus vaste qui comporte de nombreuses parties mobiles et de nombreux
acteurs puissants. Les dirigeants israéliens savent ce qu’il faut pour mener à bien une telle opération, car ils ont déjà mené des opérations similaires par le passé, comme l’illustre
cet extrait d’un article de Counterpunch :
Le nettoyage
ethnique faisait et fait toujours partie intégrante du projet sioniste…
Pour créer un État juif en Palestine, les sionistes devaient créer une majorité juive écrasante. (…) L’Allemagne nazie a aidé en chassant les juifs d’Europe… mais il n’y avait
toujours aucune perspective réaliste de créer une majorité juive écrasante en attirant des colons juifs (…)
La première vague de nettoyage ethnique d’Israël a commencé en 1947, s’est intensifiée en 1948 et s’est poursuivie en 1949. Au total, 720 000 Palestiniens, soit environ 80% des
Palestiniens des territoires occupés par les forces juives/israéliennes, ont été expulsés au cours de cette période, ce qui représente la moitié de la population arabe de la
Palestine.
Israël s’est engagé dans un deuxième cycle de nettoyage ethnique pendant et après la prise en juin 1967 de la Cisjordanie, de Gaza et de Jérusalem-Est… Les Palestiniens qui
étaient présents dans les territoires occupés mais qui n’ont pas été comptés dans un recensement israélien après la guerre de juin se sont vu refuser le droit de résidence en
Israël (…) par ces moyens et d’autres, Israël a procédé à un nettoyage ethnique d’un cinquième des Palestiniens dans les territoires occupés.
Dans les décennies qui ont suivi la guerre de juin 1967, Israël a rendu la vie des Palestiniens des territoires occupés de plus en plus difficile (…) Entre 1970 et 2000, la
population de la Cisjordanie et de Gaza a triplé, passant d’un million à trois millions d’habitants. À l’intérieur de ses frontières de facteur, Israël comptait désormais 4,1
millions de Palestiniens et 5 millions de juifs. La sonnette d’alarme est tirée. Il fallait faire quelque chose à ce sujet» (…)
Ce que l’on peut déduire de cet extrait, c’est que l’expulsion des Palestiniens de Gaza ne vise pas à lutter contre le terrorisme, mais à modifier la composition démographique de la
région située entre le Jourdain et la mer Méditerranée. Le fait est que l’on ne peut préserver un État à majorité juive sans une nette majorité juive. En annexant les territoires
occupés de Gaza et de Cisjordanie, Israël augmentera considérablement le nombre d’Arabes à l’intérieur de ses frontières, mettant ainsi en péril ce principe fondamental. Voici un
autre extrait du même article :
«La population juive d’Israël a décuplé entre 1948 et 2023, passant de 717 000 à 7 181 000. Près de la moitié de la population juive mondiale vit aujourd’hui en Israël.
Pourtant, Israël n’a pas gagné la course démographique. En 2023, les Palestiniens seront plus nombreux que les juifs dans la Palestine historique – 7,4 millions de Palestiniens
contre 7,1 millions de juifs» (…)
L’opération militaire d’Israël à Gaza n’est qu’une réponse à un problème démographique qui tourmente les dirigeants israéliens depuis la création de l’État juif. À la lumière de ce
fait, nous pouvons constater que le Hamas n’est qu’un prétexte utilisé pour dissimuler le motif des hostilités. En vérité, peu importe que les Palestiniens soient hispaniques,
asiatiques ou écossais-irlandais. Si leur nombre menaçait de dépasser celui de la majorité juive, leur sort serait le même.
Naturellement, l’annexion de facto de territoires arabes supplémentaires pose un défi numérique pour lequel il n’existe en fin de compte qu’une seule solution : le nettoyage ethnique.
Et si la formulation a été maintes fois remaniée pour paraître moins oppressive (transfert, évacuation, réinstallation, migration volontaire), la pratique reste la même. (Nettoyage
ethnique : L’expulsion massive ou le meurtre de membres d’un groupe ethnique ou religieux dans une région par ceux d’un autre groupe. Oxford) Voici quelques itérations récentes
sur le même thème :
Dans un document datant du 17 octobre 2023, le ministère israélien du Renseignement a examiné l’option consistant à «évacuer»
les habitants de Gaza vers le Sinaï et a affirmé que cela «produirait
des résultats stratégiques positifs à long terme pour Israël». (…)
Un groupe de réflexion israélien, l’Institut Misgav, a également présenté un argumentaire similaire. Il a affirmé que les conditions à Gaza offraient «une occasion
unique et rare d’évacuer toute la bande de Gaza et sa coordination avec le gouvernement égyptien». (…)
Jonathan Adler, Hurford Fellow à la Carnegie Endowment for International Peace, écrit le 31 décembre 2023 qu’«aujourd’hui,
il y a un élan croissant [en Israël] pour
effectuer un transfert massif – avec le soutien des Américains». Certains politiciens et responsables israéliens – notamment un ancien général de brigade et un ancien
ambassadeur israélien aux États-Unis – «suggèrent que
les Palestiniens devraient fuir Gaza par le poste frontière de Rafah avec l’Égypte et se réfugier dans la péninsule du Sinaï…».
Le 20 octobre, la Maison-Blanche a demandé au Congrès des fonds pour «répondre aux
besoins potentiels des habitants de Gaza fuyant vers les pays voisins». Si la Maison-Blanche s’apprêtait à financer le nettoyage ethnique des Gazaouis, il est peu probable
que cela se soit produit sans discussions préalables avec Israël et l’Égypte. Ces discussions ont-elles eu lieu avant le 7 octobre ?…
Il est clair qu’Israël veut une Palestine sans les Palestiniens et, au cours des six derniers mois, il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour y parvenir. Maintenant que
l’objectif est à leur portée, ils sont prêts à tout, même à mettre en péril leurs relations avec leur allié le plus important, pour atteindre leur objectif. C’est pourquoi, mercredi,
Netanyahou a déclaré qu’Israël «n’avait pas
d’autre choix» que de s’installer à Rafah, car «l’existence même
du pays est en jeu». En vérité, Israël n’est pas du tout en danger, Netanyahou essaie simplement de dissimuler le véritable objectif de l’offensive terrestre d’Israël qui est
d’exiler plus d’un million de Palestiniens en Égypte. Selon un rapport
de CNN :
«Netanyahou avait
auparavant déclaré à la délégation que les Palestiniens déplacés à Gaza pouvaient «simplement se déplacer» hors de Rafah et «déménager avec leurs tentes»».
«Déménager avec leurs tentes» ?
Alors, maintenant, Netanyahou admet ce que ses détracteurs disent depuis le tout début, à savoir que l’assaut militaire d’Israël est en fait une opération de nettoyage ethnique visant
à pousser les Palestiniens hors de Gaza et dans des villes de tentes dans le désert du Sinaï ?
Il semblerait que ce soit le cas, et il semblerait également que l’Égypte soit d’accord avec ce plan. Selon le Guardian :
L’Égypte a commencé à construire une zone fermée entourée de hauts murs de béton le long de sa frontière avec Gaza, qui semble destinée à accueillir les Palestiniens fuyant la
menace d’un assaut israélien sur la ville méridionale de Rafah.
Des photos et des vidéos publiées par la Fondation du Sinaï pour les droits de l’homme (SFHR), un groupe de surveillance, montrent des travailleurs utilisant des machines lourdes
pour ériger des barrières en béton et des tours de sécurité autour d’une bande de terre du côté égyptien du point de passage de Rafah. (…)
La SFHR a déclaré sur les médias sociaux que les vidéos montraient des efforts visant à «établir une zone isolée entourée de murs à la frontière avec la bande de Gaza, dans le but
d’accueillir des réfugiés dans l’éventualité d’un exode massif.
Tout, du défrichage du désert du Sinaï à l’octroi de prêts colossaux à l’Égypte, des réunions secrètes des chefs des services de renseignements à Doha (CIA, Mossad, renseignements
généraux égyptiens) aux déclarations fanfaronnes des responsables israéliens, en passant par les sauts frénétiques d’Antony Blinken de Jedda à Jérusalem, de Doha au Caire et
vice-versa, suggère que nous sommes sur le point d’entamer la phase finale de l’opération maligne de purification ethnique d’Israël. Voici comment Johnathan Adler, de la Fondation
Carnegie, résume la situation :
(…), il devient de plus en plus clair que la guerre poursuit un second objectif : l’expulsion massive des Palestiniens de la bande de Gaza. Des hommes politiques israéliens et des
responsables de la Défense israélienne ont appelé à une seconde Nakba et ont exhorté l’armée à raser Gaza. Certains suggèrent que les Palestiniens fuient Gaza par le poste
frontière de Rafah avec l’Égypte et cherchent refuge dans la péninsule du Sinaï, notamment l’ancien général de brigade Amir Avivi et l’ancien ambassadeur d’Israël aux États-Unis
Danny Ayalon.
Avivi et Ayalon insistent sur le fait que l’évacuation des Palestiniens de Gaza n’est qu’une mesure humanitaire visant à protéger les civils pendant qu’Israël mène ses opérations
militaires. Mais d’autres rapports suggèrent que les Palestiniens seraient réinstallés de façon permanente en dehors de Gaza, dans un acte de nettoyage ethnique (…)
Les projets actuels de transferts massifs ressemblent donc davantage, d’un point de vue historique, à la Nakba de 1948 et à ses conséquences. Après que 200 000 réfugiés
palestiniens eurent fui la Palestine historique vers Gaza en mars 1949, les États-Unis ont fait pression en faveur d’une proposition de l’ONU visant à réinstaller des dizaines de
milliers de personnes dans le désert du Sinaï. (…)
Ces dernières semaines, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a résisté aux pressions israéliennes et américaines pour permettre l’évacuation des Palestiniens par Rafah dans
le Sinaï… Mais en échange de l’acceptation des Palestiniens de Gaza, les États-Unis auraient proposé au Caire des incitations économiques alors que l’Égypte est confrontée à une
crise de la dette extrême». (…)
Selon toute probabilité, il n’y a rien à faire pour empêcher Israël de raser Rafah ou d’expulser inévitablement les Palestiniens de leur dernier refuge. Le seul espoir est que la
communauté internationale condamne l’occupation illégale de Gaza par Israël en imposant des sanctions économiques, politiques et militaires douloureuses qui dureront jusqu’à ce que la
terre soit rendue à ses propriétaires légitimes. Cela ne suffira pas à compenser les morts et les souffrances endurées par les Palestiniens au cours du dernier demi-siècle, mais c’est
un pas dans la bonne direction.
«Mon mari a
été séparé de nous trois jours avant le retour en Israël, & emmené dans les tunnels. Et vous voulez inonder les tunnels ? Bombarder le tracé des tunnels là où ils sont retenus
?»
par David
Sheen et Ali Abunimah
Une Israélienne capturée par
des combattants palestiniens le 7 octobre 2023 est reconnaissante envers le pilote d’hélicoptère qui a tiré sur le véhicule dans lequel elle se trouvait, tuant un autre Israélien
ainsi que tous leurs ravisseurs, a
rapporté le mois dernier la chaîne israélienne Channel 12.
Shani Goren, une habitante du kibboutz Nir Oz, âgée de 29 ans, a été enlevée chez elle sous la menace d’une arme par des combattants palestiniens et
transportée dans la bande de Gaza, où elle a été détenue 55 jours. Elle a été libérée le 30 novembre.
Cependant, avant qu’elle n’atteigne Gaza, un véhicule transportant Goren a été la cible de tirs nourris de la part d’un hélicoptère de combat
israélien.
Lorsque les tirs ont cessé, Goren a réalisé que les balles de gros calibre de l’hélicoptère avaient tué tous ses ravisseurs, ainsi qu’une
Israélienne, Efrat Katz, une autre habitante de Nir Oz.
«Mon pantalon
était déchiré et couvert de sang. J’ai levé la tête et aperçu des dominos», se rappelle Goren à Ilana Dayan, présentatrice de la prestigieuse émission d’investigation Uvda
sur Channel
12 – et, coïncidence, également sa cousine. «Tous les
Palestiniens ont été tués».
Vous pouvez
visionner une partie du récit de Goren avec sous-titres en anglais dans la vidéo ci-dessus, ou sur
YouTube. Une transcription est disponible ci-dessous.
Goren et les autres captifs israéliens qui ont survécu aux tirs nourris de l’hélicoptère ont été enlevés quelques minutes plus tard par d’autres
Palestiniens revenant de Nir Oz sur l’un des tracteurs du kibboutz.
Seule une femme, Neomit Dekel-Chen, 63 ans, leur a échappé en faisant semblant d’être mortellement blessée par les tirs de l’hélicoptère.
Le 7 octobre, l’armée israélienne a mis
en œuvre sa très controversée directive
Hannibal, qui consiste à ordonner l’assassinat de prisonniers israéliens pour éviter d’avoir à négocier leur vie en libérant des Palestiniens détenus dans les prisons
israéliennes.
Au kibboutz Be’eri, une autre colonie israélienne située près de la frontière de Gaza, l’armée israélienne a attaqué une maison où se trouvaient 14
otages civils et plusieurs dizaines de combattants du Hamas.
Tous les combattants de Qassam, sauf un, et tous les prisonniers, sauf deux, ont été tués dans les tirs croisés. Au moins trois des
civils, dont
Liel Hatsroni, 12 ans, ont été calcinés par des obus de chars israéliens tirés sur la maison.
Comme The
Electronic Intifada l’a précédemment
rapporté, Barak Hiram, le général israélien qui a donné l’ordre de tirer sur la maison, a raconté une histoire inventée de toutes pièces pour tenter de dissimuler cet
incident, lorsque Ilana Dayan, de Channel
12, l’a interviewé en octobre.
Les familles des civils israéliens tués par les tirs de l’armée israélienne au kibboutz Be’eri ont exigé que
l’armée enquête immédiatement sur l’incident comme sur la décision d’utiliser une puissance de feu écrasante au prix de la vie de leurs proches.
Des sources militaires israéliennes ont révélé que le 7 octobre, des hélicoptères d’attaque, ainsi que des drones armés, ont envahi le ciel
au-dessus du sud d’Israël et autour de Gaza.
Le média israélien Ynet a rapporté en
novembre que :
«28
hélicoptères de combat ont tiré au cours de la journée toutes les munitions qu’ils avaient en stock, multipliant les tentatives de réarmement».
Ynet mentionne
en particulier le lieutenant-colonel A., commandant de l’escadron 190, qui, vers le milieu de la matinée du 7 octobre, «a ordonné aux
autres chasseurs de tirer sur tout ce qui bougeait dans le secteur des frontières».
«S’il tire à nouveau, c’est moi qui
meurs»
Au moins une survivante de l’attaque d’hélicoptère israélienne qui a tué Efrat Katz, une habitante de Nir Oz, a dénoncé la volonté répétée d’Israël
de sacrifier la vie de ses citoyens – le jour où elle a été enlevée, pendant qu’elle était détenue à Gaza, et depuis son retour chez elle le 27 novembre.
Lors d’une réunion avec le Premier ministre Benjamin Netanyahou et son cabinet de guerre, la semaine suivant sa libération, Sharon Cunio a reproché
aux dirigeants israéliens d’avoir approuvé la directive Hannibal, et les a suppliés de ne plus prendre de risques avec la vie de son mari David Cunio, toujours détenu à
Gaza.
«Notre
sentiment, c’est que personne n’a fait rien pour nous. En réalité, je me suis réfugiée dans une cachette qui a été bombardée, et nous avons dû sortir en douce, après avoir été
blessés. Sans parler de l’hélicoptère qui nous a tiré dessus sur la route vers Gaza. Ils prétendaient avoir obtenu des renseignements, mais le fait est que nous avons été
bombardés», leur a dit Mme Cunio, selon
le média israélien Ynet,
qui s’est procuré des enregistrements de la réunion controversée.
«Mon mari a
été séparé de nous trois jours avant notre retour en Israël, et a été emmené dans les tunnels», a déclaré Mme Cunio aux membres du cabinet de guerre. «Et vous
parliez d’inonder les tunnels avec de l’eau de mer ? De bombarder le tracé des tunnels dans la zone où ils sont retenus ?»
La colère de Cunio face aux multiples mises en œuvre de la directive Hannibal par Israël n’est cependant pas partagée par Goren, emmenée à Gaza à
bord du même tuk tuk – un petit véhicule utilitaire motorisé.
Lorsqu’on lui demande quels sont ses sentiments à l’égard du pilote de l’hélicoptère qui les a arrosés de tirs, Goren répond qu’elle a ressenti de
la gratitude, tout en regrettant qu’il n’ait pas poursuivi ses tirs sur le deuxième groupe de Palestiniens qui les a emmenés à Gaza.
«Merci, et
pourquoi n’êtes-vous pas resté ?» a déclaré Goren à Channel
12. «Pourquoi
n’êtez-vous pas venu pour abattre tous ceux qui se trouvaient là ? Si un seul hélicoptère avait tiré, tout se serait bien passé. Nous ne serions jamais arrivés à
Gaza».
L’appréciation de Goren est d’autant plus étrange qu’elle semble comprendre qu’elle aurait pu être tuée, tout comme Efrat Katz, si l’hélicoptère
était revenu.
«J’essayais
aussi de me cacher, de me réfugier à l’intérieur autant que possible», explique Goren à Ilana Dayan alors qu’ils regardent les images du deuxième véhicule chargé de personnes
qui finira par arriver à Gaza. «À ce
moment-là, j’ai eu peur que l’hélicoptère ne nous tire à nouveau dessus. Cette fois, j’étais exposé de dos. S’il tirait à nouveau, c’est moi qui mourais».
Goren a également décrit comment, le 23 octobre, elle et d’autres Israéliens détenus à Gaza ont été évacués à la hâte par leurs ravisseurs
palestiniens de la maison où ils étaient retenus, alors qu’ils avaient été avertis de l’imminence d’un bombardement par l’armée de l’air israélienne.
Des tirs amis en masse
Doron Katz-Asher et ses deux petites filles Raz et Aviv se trouvaient dans le premier véhicule avec Efrat Katz, la mère de Doron, et Shani Goren
lorsque l’hélicoptère a attaqué.
Katz-Asher a
raconté à Channel
12, lors d’une interview réalisée en décembre, ce qui lui est passé par la tête au moment où l’hélicoptère israélien a ouvert le feu, tuant sa mère et blessant Katz-Asher
et sa petite fille Aviv, âgée de 2 ans.
«Cela peut
sembler bizarre, mais j’ai eu l’impression d’être dans un film de guerre avec des tirs et des terroristes, et je voulais tellement arriver à Gaza, pour être emmenée dans un lieu
sûr, entre guillemets, où je ne serais pas sous le feu», a déclaré Katz-Asher. «Et où ils
pourraient peut-être même soigner mes blessures».
«Ça a même été
une forme de soulagement d’arriver vivantes [à Gaza]», a ajouté Katz-Asher.
Katz-Asher et ses deux filles sont rentrées
chez elles le 24 novembre, dans le cadre du cessez-le-feu temporaire et de l’accord d’échange de prisonniers conclus ce mois-là.
Pendant sa détention à Gaza, Katz-Asher a déclaré qu’elle ne pouvait s’empêcher de penser «avoirs été
abandonnée» par les dirigeants israéliens, et «qu’ils
n‘étaient peut-être animés que par un esprit de vengeance».
L’armée israélienne a admis l’existence d’une «quantité
énorme et complexe» d’incidents dits de «tirs
amis» le 7 octobre, au cours desquels les forces israéliennes ont tiré sur leurs propres citoyens.
Selon Ynet,
l’armée estime toutefois qu’il ne serait pas moralement judicieux d’enquêter sur ces incidents.
En ce qui concerne Efrat Katz, l’armée [Tsahal] a déclaré :
«Après examen
de l’incident décrit, aucune réponse ne peut être apportée avec certitude aux allégations de la famille à ce stade».
À ce jour, il n’existe aucun chiffre exact ou officiel permettant de déterminer qui des 1200 Israéliens et ressortissants étrangers dont Israël
affirme qu’ils sont morts ce jour-là ont effectivement été tués par les forces israéliennes.
Il est possible que Katz, en tant que résident d’un kibboutz, ait été perçu comme un gauchiste – du moins en termes israéliens – et donc considéré
comme quantité négligeable.
Vivre sur une terre volée
Bien que les sionistes aient présenté les kibboutzim au monde entier comme des fermes collectives idéales et socialistes, la réalité montre qu’il
s’agissait de colonies de peuplement exclusivement juives, souvent construites sur des terres brutalement arrachées aux
Palestiniens victimes d’un nettoyage ethnique.
Nir Oz et plusieurs autres colonies sionistes voisines ont été construites sur des terres appartenant à la famille Abu Sitta, dans une communauté
appelée al-Main, jusqu’à ce qu’elle soit expulsée par les colons sionistes vers Gaza pendant la Nakba.
Al-Main a été attaquée par les milices sionistes le 14 mai 1948. La Haganah [groupe armé sioniste de défense des colonies juives, créée au moment
lors de la dissolution de la légion juive en 1919, devenue la base de l’armée de défense d’Israël] «a détruit et
brûlé des maisons, démoli l’école construite en 1920, fait sauter le puits et le moulin à farine», a
écrit Salman Abu Sitta, géographe palestinien renommé et survivant de l’épuration ethnique.
«Quinze
combattants palestiniens armés de vieux fusils leur ont opposé une courageuse résistance pendant plusieurs heures», raconte Abu Sitta. «Enfant, j’ai
vu les restes fumants de mon village alors que j’étais blotti avec d’autres enfants et femmes dans un ravin voisin. Je n’avais jamais vu de juif auparavant et je ne savais pas qui
étaient ces attaquants, ni pourquoi ils étaient venus détruire nos vies».
C’est ainsi qu’a commencé la vie d’Abu Sitta en tant que réfugié.
Il y a cinq ans, De-Colonizer, un projet d’éducation sur la Nakba, a installé une exposition dans la dernière maison encore debout à al-Main et a
invité les résidents israéliens des kibboutzim environnants à la visiter.
«Les
commentaires les plus virulents, voire les menaces, sont venus d’un vieux kibboutznik de plus de 80 ans, qui a assisté et participé à l’attaque d’al-Main», a observé Abu
Sitta.
D’autres colons ont également exprimé leur colère, leur déni et leur défiance face à la réalité de leur présence sur des terres prises de force à
des personnes vivant ensuite en tant que réfugiés, enfermées dans un ghetto à quelques kilomètres de là.
Mais de nombreuses personnes ayant visité l’exposition se sont montrées plus réceptives, l’une d’entre elles n’étant autre qu’Efrat Katz, une
habitante de Nir Oz.
«Ce que j’ai
vu ici aujourd’hui est très émouvant et même douloureux. Bien que je vive ici depuis plus de 35 ans, je ressens le besoin et l’espoir de retourner à la terre et de la faire
revivre avec les émotions du passé, de la faire revivre avec la culture et les habitudes de vous, les résidents», a
déclaré Mme Katz dans une note manuscrite.
«Un territoire
ne se limite pas à quelques briques. Une terre, c’est une valeur, ce sont des racines, c’est l’amour d’un lieu. Il n’y a pas à expulser et déporter qui que ce soit. Je suis de
tout cœur avec vous».
Le 7 octobre 2023, les petits-enfants et arrière-petits-enfants des Palestiniens expulsés en 1948 sont revenus sur leur terre, menant un assaut
dévastateur contre les bases militaires et les colonies israéliennes qui avaient usurpé par la force leur place et la vie qu’ils auraient pu mener.
«J’aurais pu
être l’un de ceux qui ont franchi la barrière si j’avais été beaucoup plus jeune, et si j’avais encore vécu dans le camp de concentration appelé la bande de
Gaza», a
écrit en janvier Salman Abu Sitta, aujourd’hui âgé de 80 ans.
Efrat Katz est morte ce jour-là aux mains de ceux qui étaient censés la protéger.
Un crime qui n’a pas eu
lieu
Les souvenirs de Shani Goren concernant sa capture le 7 octobre semblent incongrus par rapport aux allégations du gouvernement israélien selon
lesquelles les combattants palestiniens auraient reçu l’ordre de leurs commandants de violer des Israéliennes pendant l’attaque.
Lorsque le kibboutz a été attaqué tôt le samedi matin, Goren a suivi les conseils téléphoniques de son frère Amit et s’est barricadée dans sa
chambre. Lorsque cinq combattants palestiniens sont arrivés et sont entrés dans sa chambre, ils l’ont trouvée presque sans vêtements.
«Je portais
des sous-vêtements, mais pas de soutien-gorge, juste un débardeur, ce que je porte habituellement pour aller me coucher», a déclaré Goren à Dayan.
L’un des combattants a fouillé dans son armoire, en a sorti des vêtements pour qu’elle se couvre ses jambes et les lui a tendus. «Il m’a lancé
des leggings», s’est souvenue Goren. Il m’a dit : «Habillez-vous».
À ce moment-là, les combattants palestiniens contrôlaient entièrement le kibboutz Nir Oz.
«J’ai regardé
de tous les côtés – ils étaient des milliers», se souvient Goren. «Il n’y a
personne d’autre. J’ai demandé : «Où est l’armée ?»»
Si les combattants palestiniens avaient vraiment reçu l’ordre de commettre des crimes sexuels ce jour-là, ils auraient pu violer Goren avec une
facilité déconcertante. Au lieu de cela, ils l’ont emmenée dans le village, apparemment pour célébrer leur conquête du kibboutz.
Dayan, de Channel
12, l’a décrit comme «une sorte de
parcours victorieux à travers les sentiers de Nir Oz».
Pour se calmer, Goren a demandé une cigarette au chef des Palestiniens qui l’avaient enlevée. Il s’est alors approché d’un autre combattant, a pris
une cigarette et l’a autorisée à la fumer. Au bout d’un moment, un autre combattant lui a crié dessus et elle a été obligée de l’éteindre.
Le fait qu’une Israélienne de 29 ans légèrement vêtue n’ait pas été agressée sexuellement alors que ses ravisseurs avaient largement la possibilité
de le faire, ou pendant ses presque deux mois de captivité à Gaza, montre peut-être qu’aucun crime sexuel n’a été commis ailleurs sur le champ de bataille ce jour-là.
À cet égard, les souvenirs de Goren peuvent être comparés à ceux de Yasmin
Porat, l’une des deux seules Israéliennes à avoir survécu au bombardement de la maison ordonné par le général Barak Hiram au kibboutz Be’eri.
Dans une interview accordée à la radio publique israélienne en octobre, Yasmin Porat a raconté comment les dizaines de combattants palestiniens
l’avaient traitée, elle et les autres civils qu’ils détenaient, «avec
humanité».
Elle a insisté sur le fait que les combattants avaient certes l’intention de «nous
kidnapper pour nous emmener à Gaza, mais pas de nous assassiner».
«C’était
vraiment effrayant, mais personne ne nous a maltraités», a déclaré Porat. «Heureusement,
il ne m’est rien arrivé de comparable à ce que j’ai pu entendre dans les médias».
Voix off : Il
est 6h45 du matin, et il s’agit d’une émission spéciale d’information au lendemain d’une salve de missiles et de roquettes tirés sur le territoire israélien.
Shani Goren :
J’ai appellé [mon frère] Amit et il m’a dit : «Lève-toi, ferme la porte, ferme tout, ne sors pas de la maison. Relève la poignée de la chambre et ne bouge pas de là».
Ilana
Dayan [voix off] : Son frère Amit n’était pas à Nir Oz ce samedi-là. Sa sœur Shira était au kibboutz, tout comme sa grande amie Arbel Yahud, toujours chez elle à ce
moment-là.
Shani Goren :
J’ai parlé avec Arbel, nous étions toutes les deux très stressées. Nous ne pouvions pas parler. Nous nous sommes dit que nous nous aimions. Nous espérions qu’ils ne nous
atteindraient pas et qu’il ne se passerait rien.
Ilana
Dayan [voix off] : À partir de ce moment-là, elle est restée en ligne avec la compagne de son frère pendant toute la durée de l’opération.
Shani Goren :
Nofar m’a appelée, j’ai parlé avec elle pendant deux heures.
Ilana Dayan :
Vous êtes restées en ligne tout le temps ?
Shani Goren :
Oui, elle m’a dit plus tard que cela avait duré deux heures. De mon point de vue, cela faisait une demi-heure qu’on se parlait. Je lui ai dit : «J’ai peur» et elle m’a dit :
«Respire». Et soudain, il y a eu des bruits dans la maison. Je lui ai chuchoté : «Nofar, ils sont là ! Ils sont là !» Elle me dit : «D’accord, tais-toi. Respire. Je suis avec
toi». J’étais sous la couverture. Recroquevillée, j’essayais de rester près du placard, au cas où ils viendraient. Et puis la porte s’est ouverte sans bruit et ils ont lancé une
grenade. Je lui dis : «Ils ont jeté quelque chose, ils ont jeté une grenade !» Heureusement pour moi, la grenade n’a pas explosé. Et après quelques secondes, ils sont
entrés.
Ilana Dayan :
C’était la pièce sécurisée, votre chambre.
Shani Goren :
Oui, c’est ça. Ils ont lancé la grenade et quatre d’entre eux sont entrés dans cette pièce.
Ilana Dayan : Et
vous étiez toujours allongée ?
Shani Goren :
J’étais dans le lit, assis. Elle fait le mouvement [de croiser les bras pour former un X] – censé montrer qu’on est prisonnier. Je m’en suis rendu compte plus tard, lorsque je
suis arrivé à Gaza. Le type qui se trouvait dans la maison où nous étions faisait le même mouvement. Je lui ai demandé : «Qu’est-ce que vous faites ? Qu’est-ce que ça veut dire ?»
Il m’a dit : «Ça signifie être en captivité». Je n’avais pas compris ce qu’ils attendaient de moi. J’ai donc résisté, et plus je résistais, ils s’approchaient de moi avec leurs
armes.
Ilana Dayan :
Vous aviez donc quatre canons braqués sur vous ?
Shani Goren :
Oui, et un des gars a commencé à vider mon armoire. À la fin, il m’a jeté des leggings. Il m’a dit : «Habillez-vous». Parce que j’étais en sous-vêtements, pas de soutien-gorge,
juste un top, ce que je porte habituellement au lit. Il m’a dit : «Habillez-vous» en me montrant mes tongs.
Ilana Dayan :
Mon Dieu.
Shani Goren :
Oui.
Ilana Dayan :
Étaient-ils calmes ou nerveux ?
Shani Goren :
Ils étaient nerveux et stressés, mais ils ne se sont pas défoulés sur moi. Agité, l’un d’eux m’a arraché mon téléphone des mains et l’a empoché. Il a refait ce mouvement [croiser
les bras pour former un X]. Chaque fois que je disais : «Non non non !», ils pointaient leurs armes sur moi. Alors je les ai regardés en pleurant, effrayée, en les suppliant de me
laisser la vie sauve. J’ai regardé l’arme la plus proche de moi. Puis celui qui a parlé avec moi a éloigné son arme. Et chaque fois qu’il a essayé de m’emmener, j’ai résisté. En
fait, ils voulaient simplement me fait sortir.
Ilana Dayan :
Avez-vous pu dire au revoir à quelqu’un ?
Shani Goren :
Non, je n’ai dit au revoir à personne. Je ne pensais pas que ce genre de chose pouvait arriver.
Ilana Dayan : Et
qu’est-ce que cette pièce représente pour vous aujourd’hui ?
Shani Goren :
Elle est profanée – pour moi, c’est au-delà du possible.
Ilana Dayan : Ce
n’est plus votre maison ?
Shani Goren :
Non : Non. Ma maison s’est brisée le 7 octobre.
Ilana Dayan :
Vous avez marché jusqu’ici.
Shani Goren : Il
m’a emmenée par là. Il m’a prise par la main et nous avons fait le tour. Nous avons marché afin qu’il puisse me montrer…
Ilana
Dayan [voix off] : – pour lui montrer comment ils avaient conquis son kibboutz.
Shani Goren : Je
regardais de tous les côtés – il y en avait des millions.
Ilana Dayan :
Vous parlez des combattants ?
Shani Goren :
Oui, il n’y avait personne d’autre. J’ai demandé : «Où est l’armée ? Que se passe-t-il ?»
Ilana
Dayan [voix off] : Elle est seule avec cinq Palestiniens qui l’emmènent dans une sorte de tour de piste victorieux à travers les chemins de Nir Oz.
Shani Goren : Je
voyais toute cette rangée de maisons incendiées. Il y en avait beaucoup d’autres.
Ilana Dayan :
Beaucoup de combattants ?
Shani Goren :
Oui.
Ilana Dayan : Et
pendant ce temps, vous n’avez pas vu d’autres membres du kibboutz ?
Shani Goren :
Aucun, je n’ai vu qu’eux, partout, surgissant de toutes parts. Je ne me souviens pas où nous avons fini par arriver, mais il y avait quelqu’un d’autre. Je l’ai supplié : «Je
voudrais une cigarette. Je n’arrive pas à respirer, je veux une cigarette».
Ilana Dayan :
Vous lui avez dit cela ?
Shani Goren :
Oui. Et il m’a dit : «Non, non, il n’y a pas de cigarettes».
Ilana Dayan :
Vous êtes incroyable.
Shani Goren : Et
il a fini par me donner une cigarette.
Ilana Dayan :
Vous avez réussi à lui soutirer une cigarette ?
Shani Goren :
Oui, un groupe est passé, il a pris une cigarette à l’un d’entre eux et me l’a donnée. Après deux bouffées, un grand type barbu est arrivé et m’a crié de laisser tomber la
cigarette.
Ilana Dayan :
Plus de cigarette.
Shani Goren :
Voilà, plus de cigarette. À un moment donné, j’ai vu Doron et ses filles.
Ilana Dayan :
Vous les avez vues avec des rebelles ?
Shani Goren :
Oui.
Ilana Dayan :
Doron est venue ici pour rendre visite à sa mère Efrat.
Shani Goren :
Oui, elle était venue rendre visite à sa mère.
Ilana Dayan :
J’imagine que vous connaissez Efrat depuis de nombreuses années, c’est une ancienne.
Shani Goren :
Oui, Efrat est une voisine de ma mère. Doron aussi, je la connaissais mieux quand nous étions plus jeunes.
Ilana
Dayan [voix off] : Pour la première fois, elle a vu un visage familier dans ce paysage d’enfer : Doron Katz et sa mère Efrat qui tient les deux petites filles de
Doron.
Shani Goren :
Elle a crié : «Shani ! Shani !» Et je suis allée vers eux, ils m’ont laissée les rejoindre. Doron m’a dit : «Prends Raz avec toi pour soulager Efrat».
Ilana Dayan :
Raz est la plus âgée.
Shani Goren :
Oui, j’ai emmené Raz. Les filles paniquaient parce qu’elles ne savaient pas ce qui se passait. Devant nous, il y avait le vignoble, c’est là qu’ils nous ont rassemblés.
Ilana
Dayan [voix off] : Ce n’est qu’en la voyant ici que nous pourrons peut-être commencer à comprendre ce qu’elle a vécu à ce moment-là, lorsque les chemins du kibboutz
où elle est née et où elle a grandi deviennent le lieu d’où elle est enlevée pour Gaza.
Shani Goren :
Tout était en flammes. Tout au long du trajet, nous n’avons vu que des maisons brûlées.
Ilana Dayan : On
les voit ici.
Shani Goren :
Oui. Ils nous ont rassemblés là, sur le chemin de terre. Un «tuk tuk» attendait sur la route.
Ilana
Dayan [voix off] : Le véhicule qui s’approche d’eux est un quad qui tire un plateau et qui s’arrête à côté des Palestiniens. Ils ont l’intention d’y charger les
captifs quand soudain, la sirène du code rouge a retenti.
Shani Goren :
Nous avons alors couru vers l’abri. Là aussi, quelques secondes se sont écoulées…
Ilana Dayan :
Avec les rebelles ?
Shani Goren :
Oui, ils ont couru après nous. Avant même la fin du code rouge, ils nous ont dit : «Allez, allez».
Ilana
Dayan [voix off] : Elle est maintenant dans le «tuk tuk» à plateau avec Efrat, la fille d’Efrat, Doron, et les deux petites filles de Doron.
Shani Goren :
Nous étions assises dedans. Soudain, nous avons vu Neomit se faire emmener elle aussi. Ils l’ont fait monter avec nous.
Ilana
Dayan [voix off] : Neomit Dekel-Chen, 63 ans, responsable de l’aménagement paysager à Nir Oz, est montée dans le véhicule. Quelques secondes plus tard, David Cunio
et l’une de ses filles jumelles y sont également entraînés.
Shani Goren :
Ils ont essayé de faire démarrer le moteur. Soudain, nous avons vu Sharon se faire emmener avec deux autres personnes.
Ilana Dayan : La
mère sans la deuxième fille ?
Shani Goren :
Sans la deuxième fille. Et David s’est écrié : «C’est ma femme ! C’est ma femme ! Attendez !» Ils l’ont embarquée elle aussi. Nous nous sommes assis sur le plateau. Les
Palestiniens se sont assis sur les côtés, ils nous ont encerclés et nous avons commencé à rouler. J’essayais de rester concentrée pour les filles, de les calmer et de leur dire :
«Ça va aller, ça va aller».
Ilana Dayan :
Mais intérieurement…
Shani Goren :
J’étais morte de peur, c’était le pire des cauchemars.
Ilana Dayan :
Étiez-vous psychologiquement consciente ou détachée de la réalité ?
Shani Goren :
Détachée. Très détachée. Mon cœur battait à tout rompre, mais c’est comme si j’étais quelqu’un d’autre.
Ilana
Dayan [voix off] : Ce qui va se passer à un autre moment n’a presque jamais été discuté jusqu’à présent. Les captifs sont déjà dans le véhicule, entourés de toutes
parts et en route pour Gaza.
Shani Goren :
Nous sommes sortis, nous avons tourné à gauche, nous avons roulé…
Ilana Dayan :
Sur ce chemin que nous voyons ici ?
Shani Goren :
Oui, nous avons roulé, puis nous avons tourné à droite. Et nous n’avons rien vu.
Ilana Dayan :
Comment ça, vous n’avez rien vu ?
Shani Goren :
Rien, pas d’armée, nada, le vide total.
Ilana Dayan :
Vous les attendiez toujours ?
Shani Goren :
Oui, on s’attend toujours à les voir.
Ilana
Dayan [voix off] : Elle ne verra pas un seul soldat. Mais soudain, du ciel, un son se fait entendre et fait naître une lueur d’espoir.