PARTENARIATS STRATEGIQUES

La Russie et la Corée du Nord renforcent leur alliance


Par M.K. Bhadrakumar – Le 21 juin 2024 – Source Indian Punchline et Le Saker francophone

La brève visite du président russe Vladimir Poutine à Pyongyang le 19 juin a fait couler beaucoup d’encre. La signature d’un traité de partenariat stratégique global par Poutine et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a fait les gros titres des médias occidentaux et a déclenché toute une série de spéculations sur la naissance d’une alliance militaire susceptible de saper la dynamique de puissance dans la région de l’Asie du Nord-Est.

L’aspect sensationnel du traité est qu’il prévoit que les deux pays s’entraident en cas d’attaque par un pays tiers. Il ne fait aucun doute que la géopolitique de la région pourrait changer radicalement de cap si la Russie et la RPDC portaient leurs relations à un niveau qualitativement nouveau d’alliance militaire. Mais les apparences peuvent être trompeuses, surtout lorsqu’elles sont exagérées par la rhétorique des deux protagonistes.

 

Abstraction faite de l’extraordinaire courtoisie dont a bénéficié Poutine à son arrivée dans le pays hôte, il n’en reste pas moins que le traité n’a pas de sens, puisque la Russie et la RPDC sont toutes deux des puissances nucléaires. Et si leur dissuasion nucléaire ne peut les rendre autosuffisantes dans le domaine de la sécurité, Dieu seul peut les aider. En outre, une attaque américaine contre la RPDC semble peu probable et une attaque des États-Unis contre la Russie l’est encore moins.

En réalité, le récent changement de politique de l’administration Biden, qui a permis à l’Ukraine d’utiliser des armes américaines pour attaquer la Russie – avec le soutien et les conseils du personnel de l’OTAN, étayés par des données satellitaires et des données du renseignement occidental – semble avoir été la proverbiale goutte d’eau qui a fait déborder le traditionnel vase russe. On sait que le projet de traité est en discussion depuis septembre 2023.

Comme on pouvait s’y attendre, les Américains sont fous de rage, car la Russie a mis les États-Unis en échec en Asie du Nord-Est, une région de la plus haute importance pour la stratégie mondiale des États-Unis. Le week-end dernier, coïncidant avec l’arrivée de Poutine à Pyongyang, le conseiller américain à la sécurité nationale, Jack Sullivan, a manifesté sa volonté de poursuivre l’escalade en annonçant, lors d’une interview soigneusement structurée accordée à la chaîne PBS, financée par le gouvernement américain, que “Kiev est libre d’utiliser les armes à feu et les armes de destruction massive pour se défendre contre les attaques terroristes” :

  • Kiev est libre d’utiliser des armes américaines “partout où des forces russes franchissent la frontière” ;
  • Plus précisément, cela s’appliquera à la région russe de Koursk ainsi qu’à la région ukrainienne de Sumy, à partir de laquelle des “mouvements exploratoires” ont été effectués ;
  • Il ne s’agit pas de géographie. C’est une question de bon sens. Si la Russie attaque ou est sur le point d’attaquer l’Ukraine à partir de son territoire, il est logique de permettre à l’Ukraine de riposter” ;
  • Le critère est de savoir si les forces russes utilisent le territoire russe comme “sanctuaire” ;
  • L’Ukraine sera également libre d’utiliser des systèmes de défense aérienne, y compris des armes fournies par les États-Unis, pour détruire les avions russes, même si ces avions se trouvent dans l’espace aérien russe, “s’ils sont sur le point de tirer dans l’espace aérien ukrainien” ;
  • Des avions à réaction F-16 (à capacité nucléaire) seront déployés en Ukraine, l’objectif étant de permettre à Kiev d’avoir la capacité d’attaquer la Russie.

Et ce, malgré l’avertissement explicite de Poutine sur la possibilité de fournir des armes russes aux régions à partir desquelles des frappes pourraient être lancées si Bruxelles et Washington ne cessaient pas d’armer l’Ukraine. Izvestia a écrit qu'”il semble que la Corée du Nord puisse être un candidat approprié“.

La délégation de Poutine comprenait d’ailleurs le nouveau ministre de la défense, Andrei Belousev. Poutine lui-même a qualifié le traité de “document véritablement révolutionnaire… un document fondamental qui constituera la base de nos relations à long terme“. Mais au-delà du brouhaha médiatique sur le contenu militaire de l’alliance naissante entre la Russie et la RPDC, il ne faut pas perdre de vue que les relations entre les deux pays recèlent un vaste potentiel économique inexploité.

Les stratégies extérieures de Poutine, contrairement à celles de ses prédécesseurs soviétiques, ont toujours un contenu économique bien pensé. En l’occurrence, Moscou tisse également des liens avec des partenaires asiatiques, vecteur essentiel de la priorité accordée par Poutine au développement de l’Extrême-Orient russe.

Dans cette perspective, Poutine a appelé à l’abrogation des sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU à l’encontre de la RPDC. Du point de vue de Pyongyang, cela suffit à changer la donne pour sortir de son isolement international.

Le commerce bilatéral a été multiplié par neuf et a dépassé les 34 milliards de dollars l’année dernière. La Russie dispose d’une grande marge de manœuvre pour importer de la RPDC de la main-d’œuvre qualifiée dans l’Extrême-Orient russe, qui souffre d’une pénurie chronique de main-d’œuvre. La visite de Poutine a également relancé le projet stratégiquement important de restauration et de développement du port logistique commun de Rajin, le port tout temps de la RPDC, qui peut assurer un flux de marchandises stable de la Russie vers les marchés de l’Asie-Pacifique. Le 19 juin, les deux pays ont également signé un accord sur la construction d’un pont routier frontalier sur la rivière Tumannaya.

Toutefois, en fin de compte, comme l’a déclaré l’assistant présidentiel russe Yury Ushakov, le traité est nécessaire en raison des profonds changements de la situation géopolitique dans la région et dans le monde. Mais il a également souligné que le traité respectera tous les principes fondamentaux du droit international, qu’il ne sera pas conflictuel ni dirigé contre un pays quelconque et qu’il visera à garantir une plus grande stabilité en Asie du Nord-Est.

Inévitablement, la question de la place de la Chine dans ce nouveau paradigme suscite beaucoup de curiosité. Par une curieuse coïncidence, alors même que Poutine atterrissait à Pyongyang, Pékin accueillait son premier dialogue diplomatique et de sécurité au niveau vice-ministériel, ou dialogue 2+2, avec la Corée du Sud.

La partie sud-coréenne aurait évoqué le tango entre la Russie et la RPDC, mais la partie chinoise a apparemment adopté une position de principe sans engagement, selon laquelle la Corée du Nord et la Russie, en tant que voisins proches et amicaux, ont un besoin légitime d’échanges, de coopération et de développement de leurs relations.

D’autre part, le porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères a déclaré que le dialogue 2+2 à Pékin répondait à la nécessité de développer les relations bilatérales entre la Chine et la Corée du Sud et n’avait pas de lien particulier avec l’engagement entre d’autres pays. Il est intéressant de noter que le Global Times a cité l’avis d’un éminent expert chinois selon lequel le dialogue 2+2 peut servir de “stabilisateur et de médiateur des tensions et des conflits régionaux“, car il permet à la Chine et à la Corée du Sud, qui ont des liens commerciaux et culturels étroits, d’améliorer la communication et la confiance sur les questions de diplomatie et de sécurité.

Selon le ministère chinois des affaires étrangères, les deux parties ont réitéré au cours du dialogue 2+2 leur engagement à entretenir des relations amicales et mutuellement bénéfiques entre la Chine et la Corée du Sud et à “s’engager activement dans le dialogue et les échanges à tous les niveaux et dans tous les domaines“.

Elles ont également convenu de renforcer la communication par le biais de mécanismes tels que les dialogues stratégiques de haut niveau, les dialogues 2+2 sur la sécurité diplomatique et pour “renforcer la confiance politique mutuelle et faire progresser le développement sain et stable du partenariat stratégique de coopération entre la Chine et la Corée du Sud“.

Il est clair que la Chine et la Corée du Sud, deux grands bénéficiaires de la mondialisation, sont parties prenantes de la stabilité des chaînes de production et d’approvisionnement mondiales et qu’elles ne seront pas favorables au type de politisation et de “sécurisation” dans lequel la Russie et la RPDC pourraient s’embarquer.

Ainsi, selonGlobal Times, la partie chinoise “a souligné que le maintien de la paix et de la stabilité sur la péninsule est dans l’intérêt commun de toutes les parties, y compris la Chine et la Corée du Sud… la tâche urgente est de calmer la situation, d’éviter l’escalade de la confrontation et d’adhérer à l’orientation générale d’une solution politique“. La Chine a toujours déterminé sa position en fonction des mérites de la question elle-même et continuera à jouer un rôle constructif dans les affaires de la péninsule coréenne à sa manière.

En définitive, la Russie et la Chine avancent sur des voies indépendantes en ce qui concerne la Corée du Nord et la dynamique du pouvoir en Asie du Nord-Est. La visite d’État de Poutine à Pyongyang a probablement fait apparaître cette ligne de faille dans le partenariat “sans limites” entre la Russie et la Chine, ce qui donne à penser qu’il ne faut peut-être pas trop interpréter l'”alliance” Russie-RPDC une fois que la poussière sera retombée.

Bien que les liens fraternels entre la Russie et la Corée du Nord remontent à l’époque où Joseph Staline soutenait l’indépendance de la Corée du Nord face à l’occupation coloniale japonaise – on dit même que Kim Il-Sung, le fondateur de la Corée du Nord, occupait un poste dans l’Armée rouge – dans les circonstances actuelles, la Russie attache une importance centrale à ses relations avec la Chine et ne précipitera pas une action unilatérale en Asie du Nord-Est susceptible d’avoir un impact sur les intérêts fondamentaux de Pékin.

En fin de compte, le traité Russie-RPDC ne peut donc être considéré que comme une alliance de circonstance visant à riposter aux stratégies régionales des États-Unis en Eurasie et en Asie du Nord-Est, dans le contexte de la guerre en Ukraine et de la forte détérioration des relations entre la Russie et les États-Unis, le Japon et la Corée du Sud, qui se trouvent être également les bourreaux de la RPDC.

Cela dit, il ne faut pas se leurrer : le dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un est le véritable vainqueur de cette affaire. Mais il l’a également mérité en franchissant le Rubicon sur les champs de bataille de l’Ukraine, faisant preuve d’un niveau de solidarité avec la Russie qui n’est égalé par aucun des amis “éprouvés” de Moscou dans le Sud global.

M.K. Bhadrakumar

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

 

«Nous avons besoin de brise-glaces» et de plus de partenariats stratégiques

par Pepe Escobar

«L’endiguement» par les États-Unis du partenariat stratégique Russie-Chine s’effiloche déjà en temps réel.

Le forum de Saint-Pétersbourg a offert une multitude de sessions cruciales sur les corridors de connectivité. L’une des plus importantes portait sur la Route maritime du Nord (RMN) – ou, dans la terminologie chinoise, la Route de la Soie arctique : la future alternative numéro un au canal de Suez.

Avec la présence dans la salle des principaux acteurs industriels (Rosneft, Novatek, Norilsk Nickel, etc.), ainsi que des gouverneurs et des ministres, le décor était planté pour un débat approfondi.

Igor Levitin, conseiller de Poutine, a donné le ton : pour faciliter le transport continu de conteneurs, le gouvernement fédéral doit investir dans les ports maritimes et les brise-glaces ; une comparaison a été faite – en termes de défi technologique – avec la construction du chemin de fer transsibérien ; Levitin a également souligné les possibilités d’expansion infinies pour les centres urbains tels que Mourmansk, Archangelsk et Vladivostok.

En outre, la RMN sera reliée à un autre corridor de connectivité transeurasien en plein essor : l’INSTC (Corridor de transport international nord-sud), dont les principaux acteurs sont la Russie, l’Iran et l’Inde, membres des BRICS.

Alexey Chekunkov, ministre du Développement de l’Extrême-Orient et de l’Arctique, a inauguré une phase d’essai de la RMN, dont le coût est identique à celui du transport ferroviaire, sans les goulets d’étranglement. Il a loué la RMN en tant que «service» et a inventé la devise ultime : «Nous avons besoin de brise-glaces». La Russie sera bien sûr le principal acteur de ce projet, qui bénéficiera à 2,5 millions de personnes vivant dans le Nord.

Sultan Sulayem, PDG de DP World, une entreprise de Dubaï spécialisée dans la logistique et les services maritimes, a confirmé que «les chaînes d’approvisionnement actuelles ne sont plus fiables» et qu’elles sont inefficaces ; la RMN est «plus rapide, plus fiable et moins cher». De Tokyo à Londres, le trajet est de 24 000 km ; via la RMN, il n’est que de 13 000 km.

Sulayem est catégorique : la RMN change la donne et «doit être mise en œuvre maintenant».

Vladimir Panov, représentant spécial de Rosatom pour l’Arctique, a confirmé que l’Arctique est «un coffre à trésor» et que la RMN «le déverrouillera». Rosatom mettra en place toutes les infrastructures nécessaires «d’ici cinq ans environ». Il a attribué la rapidité des développements au dialogue stratégique de haut niveau entre Poutine et Xi, complété par la création d’un groupe de travail Russie-Chine.

Andrey Chibis, gouverneur de Mourmansk, a fait remarquer que ce port profond et essentiel pour la RMN – la principale plate-forme de conteneurs de l’Arctique – «ne gèle pas». Il a reconnu l’énormité des défis logistiques, mais en même temps, cela attirera beaucoup de travailleurs qualifiés, compte tenu de la qualité de vie élevée à Mourmansk.

Un labyrinthe de corridors interconnectés

La construction de la RMN peut en effet être interprétée comme une version accélérée du XXIe siècle de la construction du chemin de fer transsibérien à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Dans le cadre général de l’intégration eurasiatique, les interconnexions avec d’autres corridors seront infinies – de l’INSTC aux projets de la BRI qui font partie des nouvelles routes de la soie chinoises, de l’Union économique eurasiatique (UEEA) et de l’ANASE.

Lors d’une session consacrée au Grand Partenariat eurasiatique (GPE), le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Alexander Pankin, a fait l’éloge de ce concept d’Eurasie «sans lignes de démarcation, unissant d’anciennes civilisations, des corridors de transport et un espace commun unifié de 5 milliards d’habitants».

Des liens inévitables ont été établis – du GPE à l’UEEA et à l’OCS, avec la prolifération du transport multimodal et des systèmes de paiement alternatifs. Khan Sohail, secrétaire général adjoint de l’OCS, a fait remarquer qu’il y avait pratiquement «tous les jours de nouvelles annonces de la part de la Chine» – un long chemin «depuis la création de l’OCS il y a 21 ans», qui reposait alors exclusivement sur la sécurité. Des développements importants sont attendus lors du sommet de l’OCS qui se tiendra le mois prochain à Astana.

Sergey Glazyev, ministre de la Macroéconomie à la Commission économique eurasiatique, qui fait partie de l’UEEA, a fait l’éloge de l’intégration progressive de l’UEEA et de l’OCS et du développement rapide des transactions dans des paniers de monnaies nationales, ce qui «était inconcevable il y a dix ans».

Il a admis que même si le GPE n’a pas encore été formalisé, les faits sur le terrain prouvent que l’Eurasie peut être autosuffisante. Le GPE n’en est peut-être qu’au stade initial, mais il fait progresser rapidement le processus d’«harmonisation du libre-échange».

Une autre session clé à Saint-Pétersbourg portait précisément sur le lien entre l’UEEA et l’ANASE. Les 10 pays de l’ANASE forment déjà le quatrième plus grand bloc commercial au monde, avec 3,8 billions de dollars et 7,8 % du commerce mondial par an. L’UEEA a déjà conclu un accord de libre-échange (ALE) avec le Vietnam et est en train d’en conclure un autre avec l’Indonésie.

Et puis il y a l’Asie du Nord-Est. Ce qui nous amène à la visite inédite du président Poutine en RPDC.

Un nouveau concept de sécurité en Eurasie

Il s’agissait d’un voyage d’affaires épique. La Russie et la RPDC ont signé rien de moins qu’un nouvel Accord de Partenariat stratégique global.

Sur le plan commercial, cela permettra de renouveler le flux vers la Russie des armes de la RPDC – des obus d’artillerie à la balistique -, du minerai magnétique, de l’industrie lourde et des machines-outils, ainsi que le va-et-vient d’une armée de spécialistes en technologies de l’information méga-compétents.

Kim Jong-un a qualifié l’accord de «pacifique» et de «défensif». Et bien plus encore : il deviendra «la force motrice qui accélérera la création d’un nouveau monde multipolaire».

En ce qui concerne l’Asie du Nord-Est, l’accord n’est rien de moins qu’un changement total de paradigme.

Pour commencer, il s’agit de deux acteurs indépendants et souverains de la politique étrangère. Ils ne feront pas l’objet de chantage. Ils s’opposent totalement aux sanctions en tant qu’outil hégémonique. En conséquence, ils viennent de décider qu’il n’y aurait plus de sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU contre la RPDC promulguées par les États-Unis.

La clause clé établissant une assistance mutuelle en cas d’agression étrangère contre la Russie ou la RPDC signifie, en pratique, l’établissement d’une alliance militaro-politique – même si Moscou, prudemment, préfère dire qu’elle «n’exclut pas la possibilité d’une coopération militaro-technique».

L’accord a complètement choqué l’Exceptionalistan car il s’agit d’un contre-pied brutal non seulement aux visées globales de l’OTAN mais aussi à l’Hégémon lui-même qui, depuis des décennies, a mis en place une alliance militaro-politique globale avec le Japon et la Corée du Sud.

Traduction : à partir de maintenant, il n’y a plus d’hégémonie militaro-politique en Asie du Nord-Est – et dans l’ensemble de la région Asie-Pacifique. Pékin en sera ravi. Voilà qui change la donne stratégique. Et ce, sans qu’une seule balle ne soit tirée.

Les répercussions seront immenses, car un concept plus large de «sécurité» s’appliquera désormais aussi bien à l’Europe qu’à l’Asie.

Bienvenue donc, en pratique, à l’homme d’État Poutine qui propose un nouveau concept intégré et global de sécurité eurasiatique (mes italiques). Il n’est pas étonnant que l’Occident collectif souffrant de déficience mentale, soit stupéfait.

Gilbert Doctorow a observé à juste titre que «Poutine considère ce que l’OTAN est sur le point de faire à ses frontières occidentales comme l’acte d’agression même qui déclenchera le partenariat stratégique de la Russie avec la Corée du Nord et présentera aux États-Unis une menace concrète pour ses bases militaires» en Corée, au Japon et dans l’ensemble de l’Asie-Pacifique.

Et peu importe que la réponse russe soit symétrique ou asymétrique. Le fait essentiel est que l’«endiguement» par les États-Unis du partenariat stratégique Russie-Chine s’effiloche déjà en temps réel.

En termes favorables, à la manière de l’Eurasie, il s’agit maintenant de se concentrer sur les corridors de connectivité. C’est une histoire qui a commencé lors des éditions précédentes du forum de Saint-Pétersbourg : comment relier la RPDC à l’Extrême-Orient russe et, au-delà, à la Sibérie et à l’Eurasie au sens large. Le concept fondateur de la RPDC, le Juche («autosuffisance», «autonomie»), est sur le point d’entrer dans une nouvelle ère, parallèlement à la consolidation de la RMN dans l’Arctique.

Tout le monde a en effet besoin de brise-glaces, et ce à plus d’un titre.

Pepe Escobar

source : Strategic Culture Foundation

Les États-Unis sont «incroyablement préoccupés» par les propos de Poutine selon lesquels il pourrait fournir des armes à la RPDC

par Andrew Anglin

Les États-Unis ont déclenché une guerre intense contre la Russie, obligeant celle-ci à mettre en place un immense complexe militaro-industriel.

Aujourd’hui, ils se plaignent du fait que la Russie essaie d’en tirer profit.

Si vous, connards pédés, n’aviez pas forcé Poutine à se lancer dans une guerre aussi massive, il ne vendrait pas d’armes.

Et d’ailleurs, les homos : Ce ne sont pas vos affaires à qui la Russie vend des armes. La Russie et la RPDC sont deux pays que vous avez décidé de jeter aux oubliettes. Vous n’avez plus aucun levier sur eux maintenant. Et vous, espèces d’enfoirés, vous n’avez pas le droit de dire à quelqu’un quoi faire.

Quand les gens ont vu les images de ces deux mâles alpha riant et blaguant alors qu’ils partaient faire une balade dans une voiture de luxe, tout le monde se disait «eh bien, je suis presque sûr que Poutine ne parle pas coréen…» Contrairement aux conneries loufoques selon lesquelles Kim est un «fou», il a un QI de génie et parle environ 10 langues, dont le russe.

The Guardian : La suggestion de Vladimir Poutine selon laquelle la Russie pourrait fournir des armes à la RPDC est «incroyablement préoccupante», a déclaré un haut responsable américain, quelques jours après que Poutine et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un ont signé un accord de défense exigeant que leurs pays fournissent une assistance militaire immédiate si l’un ou l’autre est attaqué.

Matthew Miller, porte-parole du département d’État américain, a déclaré que la fourniture d’armes russes à Pyongyang «déstabiliserait bien sûr la péninsule coréenne et potentiellement… selon le type d’armes qu’ils fournissent… violerait les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU que la Russie elle-même a soutenues».

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken et le ministère sud-coréen des Affaires étrangères ont déclaré que le traité entre la Russie et la RPDC constituait une «menace sérieuse» pour la paix et la stabilité dans la péninsule coréenne. Blinken a déclaré que les États-Unis envisageraient «diverses mesures» en réponse à l’accord, qui a élevé les liens entre les États frappés par les sanctions à leur plus haut niveau depuis la guerre froide.

La Corée du Sud a convoqué l’ambassadeur de Russie pour protester contre l’accord avec la RPDC, alors que les tensions frontalières continuaient de s’accentuer.

Séoul a également déclaré qu’il envisagerait de fournir des armes à l’Ukraine, déclenchant une réaction de colère de la part de l’ambassadeur de Russie, Georgy Zinoviev, qui a déclaré que les tentatives de chantage et de menace contre la Russie étaient inacceptables, a rapporté l’agence de presse russe TASS.

Lors de sa rencontre avec Zinoviev vendredi, le vice-ministre sud-coréen des Affaires étrangères, Kim Hong-kyun, a condamné le traité et appelé la Russie à mettre immédiatement un terme à sa coopération militaire avec la RPDC.

Les frictions concernant les livraisons d’armes aux deux parties en guerre en Ukraine se sont aggravées cette semaine, sur fond de spéculations selon lesquelles Poutine et Kim auraient discuté de fournitures supplémentaires de missiles nord-coréens et de munitions destinées aux forces russes lors de leur rencontre à Pyongyang mercredi.

Lors d’une visite d’État au Vietnam jeudi, Poutine a déclaré que des livraisons d’armes russes à la RPDC constitueraient une réponse appropriée à la fourniture d’armes par l’Occident aux forces ukrainiennes.

Ouais, pas sans déconner.

«Ceux qui envoient ces [missiles en Ukraine] pensent qu’ils ne nous combattent pas, mais j’ai dit, y compris à Pyongyang, que nous nous réservons ensuite le droit de fournir des armes à d’autres régions du monde, au regard de nos accords» avec la RPDC, a déclaré Poutine. «Je n’exclus pas cette possibilité».

Poutine, qui a rencontré Kim pour la deuxième fois en neuf mois, a également averti la Corée du Sud qu’elle commettrait une «grave erreur» si elle décidait de fournir des armes à l’Ukraine.

«J’espère que cela n’arrivera pas», a-t-il déclaré aux journalistes à Hanoï. «Si cela se produit, nous prendrons alors des décisions pertinentes qui ne plairont probablement pas aux dirigeants actuels de la Corée du Sud».

Qu’est-ce que diable la «Corée du Sud» (la Corée occupée par les États-Unis) a à voir avec l’Ukraine ?

Les Coréens se disent : «Nous devrions aider l’Ukraine à tenter de provoquer une guerre mondiale contre la Russie, car les valeurs de la démocratie sont les nôtres» ?

Cela montre simplement que ce sont les porcs de l’Amérique.

L’Amérique dit «sautez» et les Coréens demandent alors : «à quelle hauteur ?»

«Assez haut pour amener la Russie à fournir des armes ultra-sophistiquées au pays voisin avec lequel nous vous demandons de provoquer une guerre».

La Corée du Sud, un exportateur d’armes en pleine croissance doté d’une armée bien équipée soutenue par les États-Unis, a fourni une aide non létale et d’autres types de soutien à l’Ukraine et s’est jointe aux sanctions américaines contre Moscou. Mais elle a depuis longtemps pour politique de ne pas fournir d’armes aux pays en guerre.

Vendredi, Chang Ho-jin, conseiller à la sécurité nationale du président sud-coréen Yoon Suk Yeol, a déclaré que Séoul reconsidérerait sa position sur la fourniture d’armes à l’Ukraine.

C’est vraiment bizarre pour un pays qui vend des armes à l’Ukraine et qui lui conseille de les utiliser pour attaquer l’intérieur de la Russie, et qui reproche à Poutine de vendre des armes à Kim.

Imaginez si Poutine vendait des armes à Kim et lui disait «vous devriez les utiliser pour attaquer la Corée du Sud et le Japon». Vous ne pouvez pas imaginer cela, car cela n’arriverait pas. Ces gens sont des adultes. Ils utilisent leurs armes de manière défensive.

source : The Daily Stormer via La Cause du peuple

La Russie considérera l’envoi de F16 à l’Ukraine comme une agression qui activera son accord de défense mutuelle avec la RPDC

par Gilbert Doctorow

Les accords signés par les dirigeants russe et nord-coréen à l’issue de leurs cinq heures d’entretien en tête-à-tête et de leurs 90 minutes d’entretien avec la participation de leurs délégations gouvernementales comportent de nombreux éléments. Il va sans dire que ces accords conséquents sur un «partenariat stratégique global» ne sont pas le fruit d’une seule journée, mais d’un travail intense des deux parties à différents niveaux administratifs et exécutifs depuis la visite de Kim Jong-un dans l’Extrême-Orient russe il y a neuf mois.

Permettez-moi d’aller droit au but et d’exposer ici le développement le plus surprenant qui est apparu dans le discours de Vladimir Poutine à la suite des cérémonies de signature, comme indiqué dans le titre ci-dessus que je donne à cet essai.

Vladimir Poutine a fait remarquer que le partenariat comporte un volet militaire qui affirme que chaque partie viendra en aide à l’autre si elle est attaquée. Puis, gratuitement pourrait-on dire, il a mentionné l’envoi imminent de F-16 par les pays de l’OTAN qui utiliseront le territoire ukrainien pour frapper au cœur de la Fédération de Russie. La juxtaposition de ces deux points dans son discours ne laisse guère de doute à ceux d’entre nous qui ont une formation de soviétologue : Poutine considère ce que l’OTAN est sur le point de faire à ses frontières occidentales comme l’acte d’agression même qui déclenchera le partenariat stratégique de la Russie avec la RPDC et présentera aux États-Unis une menace vivante pour ses bases militaires en Corée, au Japon et dans l’ensemble de la région.

Que nous choisissions de considérer ce scénario comme une réponse «symétrique» ou «asymétrique» n’a rien à voir avec la question. Le résultat net sera certainement aussi efficace pour réveiller les abrutis de Washington, D.C., de Bruxelles, de Londres et de Berlin sur le fait que la Russie est sérieuse, qu’elle ne bluffe pas et qu’elle peut provoquer des destructions massives sur les actifs militaires américains et occidentaux à tout moment de son choix en cas de nouvelle escalade de la guerre en Ukraine.

Lors du récent Forum économique international de Saint-Pétersbourg, Poutine s’est opposé au politologue Sergei Karaganov qui, depuis plus d’un an, demande à la Russie d’organiser une frappe nucléaire tactique en Europe afin de secouer l’Occident plein d’orgueil qui croit bêtement à son invulnérabilité et à son exceptionnalisme. Il semblerait qu’aujourd’hui, d’un trait de plume, Vladimir Vladimirovitch ait accompli la même chose sans perte de vie et sans ouvrir la boîte de Pandore des armes nucléaires.

Les voyages de Poutine en Asie de l’Est ne s’arrêtent pas aujourd’hui. Au contraire, il se rendra ensuite au Vietnam, où nous pouvons nous attendre à de nouveaux accords qui équivaudront à un échec et mat de la manœuvre de Messieurs Biden, Sullivan et Blinken concernant l’AUKUS et la Corée du Sud et le Japon. Ils pensaient avoir si bien réussi à «contenir» la Chine et la Russie au cours de leur premier mandat. Il semblerait maintenant que ces vastes efforts de cajolerie, de chantage et de domination des «alliés» des États-Unis dans le Pacifique n’aient créé qu’une version actualisée de la ligne Maginot qui n’a pas survécu à une manœuvre de contournement allemande.

Ainsi, Mesdames et Messieurs, remercions notre bonne étoile qu’en cette époque de pygmées et de lâches à la tête des États d’Europe et d’Amérique du Nord, il y ait au moins un dirigeant rationnel et courageux pour sauver la situation.

source : Gilbert Doctorow

 

La visite de Poutine au Vietnam : Un coup de génie pour Moscou et Hanoï

par Dr. Nguyen Khac Giang

Vladimir Poutine se rend au Vietnam juste après la RPDC… pourquoi ? Qu’est-ce que cela signifie ? Pourquoi aller si loin au sud après une visite aussi importante chez un voisin direct ?

J’ai déjà parlé des énormes changements que le nouveau traité de sécurité avec Pyongyang indique (Treaty text of Russia-DPRK agreement), donc aujourd’hui je veux discuter de l’autre événement qui est un peu plus difficile à interpréter, la relation entre la Russie et le Vietnam. Ou en général, la politique étrangère vietnamienne dans le nouveau monde multipolaire.

Pour m’aider dans cette tâche, j’ai le grand plaisir de parler à un collègue vietnamien du monde académique, le Dr. Nguyen Khac Giang. Le Dr. Nguyen est chercheur invité à l’Institut Yusof Ishak de Singapour. Il a travaillé comme journaliste à Hanoï et a obtenu son doctorat en sciences politiques à l’Université Victoria de Wellington, en Nouvelle-Zélande. Le Dr. Nguyen a également récemment publié un essai très perspicace dans un livre sur la neutralité post-1989, dans lequel j’ai aussi un chapitre. Son essai porte le beau titre «Bamboo in the Wind : Vietnam’s Quest for Neutrality». Il n’y a pas de meilleur moment pour discuter de cela maintenant, car il semble y avoir beaucoup de vent.

source : Études sur la Neutralité via SaneVox

 

Le pacte logistique militaire de la Russie avec l’Inde complète sa nouvelle stratégie asiatique recalibrée

par Andrew Korybko

Au cours du week-end, Sputnik a rapporté que la Russie avait approuvé un accord sur les déploiements militaires conjoints (JMD) avec l’Inde, qui est essentiellement l’accord d’«échange réciproque de logistique» (RELOS) négocié ces dernières années. Ce pacte permettra à chacune des deux forces armées d’utiliser plus facilement les installations de l’autre, ouvrant ainsi la possibilité de visites plus régulières de leurs marines respectives et donnant une dimension militaire symbolique au corridor maritime oriental entre Chabahar et Vladivostok.

Le moment choisi n’est pas non plus une coïncidence, puisqu’il suit immédiatement le pacte de défense mutuelle entre la Russie et la RPDC et la réaffirmation par la Russie et le Viêt Nam de la force de leur partenariat stratégique, avec l’engagement de ne conclure aucun accord avec quiconque pourrait constituer une menace pour les intérêts de l’autre. Ces deux alliances, la première formelle et la seconde officieuse, sont maintenant suivies par le pacte JMD de la Russie avec l’Inde, complétant ainsi le nouveau recalibrage de sa stratégie asiatique.

Jusqu’à présent, les ennemis et les amis du pays avaient supposé que la Russie «pivotait» vers la Chine, insinuant qu’elle favoriserait les intérêts de Pékin plutôt que d’autres. Si tel avait été le cas, il aurait pu y avoir des pressions conjointes sur la RPDC pour la punir de ses essais de missiles, des exercices navals conjoints dans la partie de la mer de Chine orientale et méridionale revendiquée par la Chine et une réduction des effectifs avec l’Inde pour donner à la Chine un avantage dans les conflits de l’Himalaya.

Au lieu de cela, la Russie a forgé une alliance militaire formelle avec la RPDC, a confirmé qu’elle ne ferait jamais rien qui puisse menacer les intérêts du Viêt Nam (ce qui implique qu’elle ne revendiquera jamais la partie du territoire maritime disputée par la Chine) et a conclu la JMD avec l’Inde. La faction pro-IRB de la communauté des experts et des politiques russes n’est probablement pas satisfaite de ces résultats, car ils renforcent la main de leurs «rivaux amis» équilibrés et pragmatiques.

Pour expliquer cela, les premiers pensent qu’un retour à la bipolarité sino-américaine est inévitable, et que la Russie devrait donc accélérer la trajectoire de la superpuissance chinoise pour se venger des États-Unis de tout ce qu’ils ont fait depuis 2022.

La seconde, en revanche, souhaite maintenir le rôle d’équilibre de la Russie afin d’éviter une dépendance disproportionnée vis-à-vis de la République populaire, estimant qu’il est encore possible de contribuer à un multipolarisme complexe au cours de la transition systémique mondiale au lieu de revenir à un bipolarisme.

Quant aux trois derniers développements stratégico-militaires, leur effet cumulatif est de signaler que la Russie ne deviendra jamais le «partenaire junior» de la Chine, comme la faction pro-IRB insinue qu’elle devrait le faire «pour le bien commun», et ils servent également à compliquer les questions géopolitiques régionales pour la République populaire. Les États-Unis pourraient renforcer leur présence militaire en Asie du Nord-Est après le pacte de la RPDC avec la Russie, tandis que le Viêt Nam et l’Inde continueront d’affirmer avec confiance leurs revendications territoriales respectives à l’encontre de la Chine.

Alors que la première conséquence pourrait pousser la Chine dans une spirale de rivalité avec les États-Unis, qui pourrait être exploitée par la Russie et la Corée du Nord pour obtenir un soutien plus important contre l’ennemi commun, la seconde renforce la position potentielle de Moscou en tant que médiateur entre les deux pays et Pékin. Le premier est donc une variante du bipolarisme sino-américain, avec toutefois une plus grande autonomie stratégique pour la Russie et la Corée du Nord, tandis que le second maintient les tendances complexes du multipolarisme.

Dans l’ensemble, ces mesures peuvent être interprétées comme un «jeu de pouvoir» de la part de la faction équilibrée/pragmatique de la Russie contre ses «rivaux amicaux» favorables à l’IRB, qui ont connu une embellie au cours de l’année écoulée, mais qui sont maintenant de nouveau sur la pente descendante comme auparavant. Le partenariat stratégique entre la Russie et la Chine reste intact et continue d’avoir un impact positif sur le monde, mais la Russie est désormais beaucoup moins susceptible de devenir le «partenaire junior» de la Chine qu’auparavant et de la favoriser par rapport à la Corée du Nord, au Viêt Nam et à l’Inde.

Andrew Korybko

source : Geopolitika via Euro-Synergies

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